« Au Congo, j’avais ma place. Ici, je suis quoi ? » : Claude, demandeur d’asile à Mayotte

Claude*, originaire de la République démocratique du Congo (RDC), est arrivé à Mayotte le 27 octobre 2023. Hébergé pendant un mois dans les locaux de Solidarité Mayotte – l’association en charge des demandeurs d’asile sur l’île – avec sa femme et ses deux enfants, il a ensuite été obligé de quitter son toit, pour le laisser à d’autres demandeurs d’asile. Depuis, la petite famille survit dans le camp de migrants de Cavani, à Mamoudzou.

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé mercredi 17 janvier le démantèlement prochain du camp de Cavani. Sans donner plus de détails.

« Hier, on a été attaqués. Les Mahorais ne veulent pas de nous. Moi, je ne suis pas contre les manifestations, je trouve ça bien que les gens s’expriment. Mais là, ce que je ne comprends pas, c’est la violence. C’est de la destruction méchante. Il y a quand même des femmes et des enfants dans le camp. Et on n’a pas le choix de vivre ici.

Le 14 janvier, en fin de journée, 17 exilés du camp de Cavani ont été blessés dans des affrontements avec des habitants.

« Des jeunes s’en sont pris aux migrants […] à coups de pierres, de bâtons et de barres de fer selon les pompiers », relate Mayotte La 1ère . « Qu’ils soient Somaliens, Nigériens ou Ivoiriens, ce n’est pas notre problème. Nous ne voulons plus de cette population étrangère qui envahit massivement notre île », affirme un riverain cité par le journal.

Ici, il y a 123 abris et près de 400 personnes. Des Congolais, comme moi, mais aussi des Somaliens. Avec ma femme et mes enfants, on dort sous une bâche, sur un matelas fin en mousse. Je reçois en tout 80 euros de bons alimentaires par mois de Solidarité Mayotte : 30 euros par adulte et 10 euros par enfant.

Au stade Cavani, les migrants n'ont pas accès à l'eau ou a l'électricité. Crédit : Daniel Gros / LDH
Au stade Cavani, les migrants n’ont pas accès à l’eau ou a l’électricité. Crédit : Daniel Gros / LDH

 

On se lave dans le bassin de Massimoni [une source d’eau près du camp, ndlr].

Pour boire, on prend l’eau d’un petit ruisseau. Elle n’est pas très propre, mais bon… On essaye de s’adapter à cette vie, on ne peut pas toujours se plaindre. Le réseau d’hébergement ici est saturé, pour tout le monde. Avec les autres occupants du camp, on attend que les autorités trouvent une solution. Mais je l’avoue, ce n’est pas l’accueil auquel je m’attendais en France.

Le 26 décembre, la justice a rejeté la demande des autorités pour l’expulsion des migrants du camp de Cavani. Selon le juge des référés, « le caractère d’urgence, qui permet de justifier cette démarche, n’a pas été démontré ». Le tribunal reconnaît en revanche « les conditions sanitaires particulièrement dégradées des lieux ».

« Dans les îles, je pouvais avoir une protection »

Je n’ai pas choisi de vivre ça. J’avais une bonne vie chez moi, avant que les choses ne dérapent. J’étais activiste pour la défense des droits de l’Homme. C’était compliqué parfois, mais j’arrivais à faire mon métier. Et puis un jour, j’ai été menacé de mort. Je n’ai pris aucun risque et j’ai emmené ma famille au Burundi.

Là-bas, j’ai obtenu une protection du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR).

À causes de menaces persistantes, même dans ce pays, j’ai ensuite bénéficié d’une relocalisation temporaire en Tanzanie. Ce programme me permettait de travailler trois mois là-bas, ce que j’ai fait. On aimait notre vie dans ce pays, alors on a voulu rester. Mais la demande de renouvellement de visa n’avançait pas.

J’avais peur de devoir repartir au Burundi, ou pire, au Congo, alors j’ai demandé l’asile à l’ambassade de France en Tanzanie.

Claude est parti de Tanzanie vers les Comores pour ensuite rejoindre l'île française de Mayotte. Crédit : Google maps
Claude est parti de Tanzanie vers les Comores pour ensuite rejoindre l’île française de Mayotte. Crédit : Google maps

 

Aucune de mes demandes n’a abouti. En septembre, on m’a dit d’attendre, en octobre aussi.

Mais il ne s’est rien passé. Un jour, un Tanzanien est venu me voir. Il m’a dit que ‘dans les îles’, je pourrais avoir une protection, il me l’a assuré. Il m’a certifié qu’il connaissait des personnes à qui c’était arrivé. Je l’ai cru, et surtout, je n’avais pas d’autre solution. Je devais mettre ma famille à l’abri.

Un matin, avec ma femme et mes enfants, on a pris la mer dans un gros bateau. On avait de quoi manger, mais c’était long et pénible. Ça a duré plusieurs jours. Puis on a fait une escale et on a pris un kwassa kwassa aux Comores avec d’autres personnes.

De nombreux migrants originaires de l’Afrique des Grands Lacs empruntent cette route migratoire depuis Dar Es Salam, en Tanzanie, jusqu’à Mayotte par les Comores.

Entre le 1er janvier et le 1er décembre 2023, près de 1 500 exilés originaires de cette région ont déposé une demande d’asile dans ce département français d’Outre-mer. Soit un tiers de plus qu’en 2022, d’après les chiffres de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).

En arrivant à Mayotte, j’ai demandé l’asile et j’ai eu un entretien.

Maintenant, j’attends. Je m’inquiète beaucoup pour mon statut, ça me stresse bien plus que nos conditions de vie dans le camp. Comment on va vivre si je n’obtiens pas de réponse ? Qu’est-ce que je dois faire ? Je n’aime pas qu’on me donne à manger. Je veux travailler, avoir une vie normale.

Si tout ça était à refaire, je ne le referais pas. Au Congo, j’avais ma place dans la société. Ici, je suis quoi ? Quand la paix reviendra chez moi, je rentrerai ». 

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