Séisme en Turquie : ces images impressionnantes de la faille aident à comprendre comment s’est propagée la rupture

En Turquie, les traces du terrible doublet sismique survenu le 6 février 2023 sont nettement visibles dans le paysage. Près de sept mètres de déplacement ont ainsi été observés par endroits. L’analyse de ces images permet aujourd’hui de mieux comprendre ce qui s’est passé ce jour-là.

C’était il y a presque un an. Dans la nuit du 6 février 2023, un séisme de magnitude 7,8 secoue violemment la région de l’est de la Turquie et du nord de la Syrie. En quelques secondes, nombre de villes et villages sont dévastés. Une situation dramatique qui va s’aggraver brutalement avec la survenue d’un second séisme de magnitude 7,5 à peine neuf heures plus tard. Ce doublet sismique historique pour le pays et dans l’histoire de la sismologie résultera dans un bilan humain très lourd : près de 60 000 morts.

Des mouvements sur plusieurs failles interconnectées

Les enregistrements sismiques permettent rapidement de se rendre compte que le deuxième séisme n’est pas une réplique du premier. Les deux séismes se sont en effet produits sur deux failles différentes. Le premier épicentre (séisme de Pazarcık) se situe en effet au niveau de la jonction entre la faille est-anatolienne et une faille secondaire appartenant au système de la faille du Levant. 

Initiée sur cette dernière, la rupture s’est toutefois propagée rapidement sur une large portion la faille Est-Anatolienne, mobilisant 350 kilomètres de faille.

Le second séisme, dit d’Elbistan, a quant à lui provoqué une rupture de 170 kilomètres sur la faille de Çardak-Sürgü. Les cartes tectoniques montrent que cette faille secondaire est connectée à la grande faille est-anatolienne. Quatre-vingt-six minutes avant ce second tremblement de terre, une réplique de magnitude 4,5 avait d’ailleurs été enregistrée juste au niveau de la jonction entre les deux failles. Aujourd’hui, il semble clair qu’il existe donc un lien de cause à effet immédiat entre les deux séismes majeurs, la première rupture ayant vraisemblablement entraîné une déstabilisation de la faille adjacente de Çardak-Sürgü.

Les mécanismes exacts de ce transfert de contrainte restent toutefois encore mal connus.

La rupture de la faille est clairement visible en surface. Elle traverse ici la ville de Çiğli. © Jiannan Meng

                         LA RUPTURE DE LA FAILLE EST CLAIREMENT VISIBLE EN SURFACE. ELLE TRAVERSE ICI LA VILLE DE ÇIĞLI.

Un déplacement de près de sept mètres à certains endroits

Cet événement dramatique met en lumière les formidables mouvements qui s’opèrent au niveau des limites de plaques tectoniques. La région se situe en effet à l’interface entre trois plaques : la plaque Africaine, la plaque Arabique et la plaque Anatolienne.

La plaque Arabique remonte vers le nord le long de la plaque Africaine à une vitesse de 18 mm par an le long de la faille du Levant, prenant la plaque Anatolienne en sandwich avec la plaque Eurasiatique située plus au nord. Sous l’effet de ces contraintes tectoniques, l’Anatolie s’échappe ainsi vers l’ouest en glissant le long de deux grandes failles transformantes, les failles est et nord-anatolienne, à une vitesse de 21 mm par an.

Un mouvement continu qui, s’il passe la plupart du temps inaperçu pour la population, se révèle brusquement lors des ruptures sismiques.

Carte de la plaque Anatolienne, l’étoile bleue représente l’épicentre du séisme principal du 6 février 2023 (EAF : faille est-anatolienne; DSF : faille du Levant ou faille de la mer Morte; NAF : faille nord-anatolienne). © Armijo et al., 1999

CARTE DE LA PLAQUE ANATOLIENNE, L’ÉTOILE BLEUE REPRÉSENTE L’ÉPICENTRE DU SÉISME PRINCIPAL DU 6 FÉVRIER 2023 (EAF : FAILLE EST-ANATOLIENNE; DSF : FAILLE DU LEVANT OU FAILLE DE LA MER MORTE; NAF : FAILLE NORD-ANATOLIENNE). 

Pendant des centaines d’années, les roches ont en effet emmagasiné cette déformation, jusqu’à atteindre un seuil de rupture. À ce moment-là, les plaques se sont brutalement déplacées l’une par rapport. Un déplacement impressionnant, parfaitement visible dans le paysage : routes ou chemins de fer décalés, arbres littéralement coupés en deux…

Les rails de chemin de fer ont ici été décalés d'environ deux mètres par le mouvement de la faille. © Jiannan Meng

                                    LES RAILS DE CHEMIN DE FER ONT ICI ÉTÉ DÉCALÉS D’ENVIRON DEUX MÈTRES PAR LE MOUVEMENT DE LA FAILLE. 

Au maximum, c’est un déplacement de 6,7 mètres qui a ainsi été mesuré ! L’observation détaillée de cette rupture de surface – la façon dont elle est distribuée le long de plusieurs centaines de kilomètres et la forme qu’elle prend – permet de mieux contraindre la façon dont les plaques ont bougé ce jour-là.  

Le tracé de la faille est bien visible dans ce champ d'olivier. On note le décalage clair d'une clôture... et du bâtiment, coupé en deux. © Jiannan Meng

LE TRACÉ DE LA FAILLE EST BIEN VISIBLE DANS CE CHAMP D’OLIVIER. ON NOTE LE DÉCALAGE CLAIR D’UNE CLÔTURE… ET DU BÂTIMENT, COUPÉ EN DEUX.

Jonction entre les failles : un effet de « bombe »

Une nouvelle étude publiée dans la revue Science révèle ainsi d’incroyables images obtenues par drone. L’analyse conjointe de ces images et des données sismiques a permis de montrer que c’est le mouvement brusque de la plaque Arabique vers le nord, le long de la faille du Levant, qui a produit la rupture de la faille est-anatolienne.

Ces deux grands systèmes de failles sont en effet connectés, et c’est au niveau du point de jonction que le déplacement maximum a d’ailleurs été observé, soit à 47 kilomètres de l’épicentre.

Ces résultats montrent que la zone de libération maximale d’énergie ne corrèle donc pas nécessairement avec l’épicentre du séisme et que le point de jonction entre les plaques, au lieu de freiner la propagation de la rupture, a au contraire agi comme une « bombe », accélérant la vitesse de propagation a plus de trois kilomètres par seconde ! Ces nouveaux résultats permettent de mieux comprendre l’évolution d’une rupture sismique dans un contexte tectonique complexe impliquant plusieurs grands systèmes de failles.

futura

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