« Non à la privatisation de Poste Italiane, c’est un joyau qui doit rester entre les mains des Italiens », pestait Giorgia Meloni en 2018 sur Facebook. Désormais Première ministre de l’Italie, elle s’apprête pourtant à en céder des parts à des investisseurs internationaux.
Objectif du gouvernement ultraconservateur: lever 20 milliards d’euros d’ici 2026 grâce à des privatisations afin de freiner l’explosion d’une dette publique qui affiche le ratio le plus élevé de la zone euro après la Grèce.
Outre la Poste, très rentable grâce à ses activités d’assurance et de banque, l’Etat compte se défaire d’une partie de ses parts dans la compagnie des chemins de fer Ferrovie dello Stato et dans le géant des hydrocarbures Eni.
Mais pas question pour Mme Meloni de brader les biens publics: « notre approche sera à des années-lumière de ce que nous avons vu dans le passé, quand les privatisations rimaient avec cadeaux à des entrepreneurs chanceux. »
Et surtout, l’Etat compte garder la main sur ses bijoux: « nous pouvons vendre certaines parts dans des entreprises publiques sans compromettre le contrôle public », a assuré la cheffe du parti post-fasciste Fratelli d’Italia.
Si dans un premier temps le gouvernement envisageait de garder une majorité de 51% dans la Poste, le ministre des Finances Giancarlo Giorgetti a évoqué vendredi un seuil minimal de 35%.
Le Trésor public détient une part de 29,26% dans Poste Italiane à laquelle s’ajoutent les 35% de la Caisse des dépôts italienne (CDP). En cas de vente de la totalité de sa part, il encaisserait 3,9 milliards d’euros, soit près d’un cinquième des 20 milliards visés.
Au nom de la patrie
Ce méga-plan de privatisations partielles a été vivement critiqué par l’opposition.
Le gouvernement « se réclame toujours de la patrie et aujourd’hui, il commence à vendre la patrie. Nous pensons que la patrie ne se vend pas », a lancé dimanche Andrea Orlando, député du Parti démocrate (centre gauche).
Giorgia Meloni compte néanmoins « renforcer là présence de l’Etat là où elle est nécessaire », comme dans le cas de l’aciérie ex-Ilva, au bord de l’asphyxie financière.
Le coup d’envoi des privatisations a été donné en novembre, avec le placement sur les marchés de 25% du capital de Monte dei Paschi di Siena, dont l’Etat détenait auparavant 64%, pour 920 millions d’euros.
Rome, qui doit se retirer du capital de la banque afin de satisfaire aux règlements de la Commission européenne en matière d’aides d’Etat, a vendu ainsi une part à des investisseurs, faute d’avoir trouvé un repreneur.
Une autre privatisation en cours due aux exigences de Bruxelles, l’entrée de Lufthansa au capital de la compagnie publique ITA Airways, née des cendres d’Alitalia, est cependant bloquée pour l’instant, en raison de craintes pour la concurrence.
Les investisseurs internationaux sont « tous très intéressés » par les participations de l’Etat italien, a assuré mercredi Giancarlo Giorgetti.
« Goutte d’eau dans l’océan »
Grâce aux rentrées attendues, Rome compte ramener le ratio de la dette publique de 140,2% à 139,6% du PIB en 2026, au lieu de 140,6% en l’absence de cette mesure.
Est-ce suffisant pour inverser la trajectoire d’une dette colossale qui atteint plus de 2.800 milliards d’euros ?
« C’est juste une goutte d’eau dans l’océan, ces privatisations ne diminuent pas le risque de voir la dette augmenter. Ce n’est pas un remède structurel », a commenté auprès de l’AFP Nicola Nobile du cabinet Oxford Economics.
Confronté à une croissance atone et des taux d’intérêt élevés, le gouvernement peine à réduire la dette enflée par un dispositif de primes écologiques très généreux.
Avec ces privatisations, « le gouvernement Meloni compte donner un signal aux marchés montrant qu’il s’attaque au problème de la dette », estime M. Nobile.
Gros bémol, l’Etat renonce à des dividendes lucratifs, qui atteignent plusieurs centaines de millions d’euros par an dans le cas de la Poste.
« Ces entreprises semi-publiques comme Eni sont bien gérées et versent de bons dividendes que le gouvernement abandonne en échange d’une somme forfaitaire », explique à l’AFP Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien.
Et rien n’indique selon lui que le montant de 20 milliards sera encaissé: « c’est un objectif très ambitieux qui sera difficile à atteindre ».
AFP