Le Parlement argentin examine durant plusieurs jours le train de réformes dérégulatrices du nouveau président Javier Milei. Des milliers d’opposants ont manifesté mercredi, à l’appel de mouvements sociaux et de gauche radicale. Selon la présidente du FMI, le nouveau chef de l’État a pris « des mesures audacieuses » pour la croissance.
Le test de la rue, puis des élus : en Argentine, le Parlement va poursuivre, jeudi 1er février, l’examen des réformes dérégulatrices du président ultralibéral Javier Milei, un projet déjà fortement amendé par un exécutif contraint aux compromis parlementaires et voué à un débat de plusieurs jours.
Après douze heures de débats, la Chambre des députés a suspendu la veille les discussions animées sur ce texte, à la fois volumineux et polémique. Une session marathon est prévue sur plusieurs jours, avec près de 200 orateurs.
« Le projet est polémique mais seulement pour ceux qui veulent conserver leurs privilèges », a assuré José Luis Espert, un des députés du parti présidentiel, La Libertad Avanza, qui ne constitue que la troisième force au Parlement.
À l’extérieur, quelques milliers d’opposants aux réformes ont manifesté mercredi, à l’appel de mouvements sociaux et de gauche radicale. Quelques heurts ont opposé en fin de journée une partie des manifestants à la police, qui dégageait les axes proches du Parlement et a fait usage de gaz lacrymogène, a constaté l’AFP.
Mobilisation toutefois sans commune mesure avec la grève générale et les manifestations dans plusieurs villes du 24 janvier, un mois et demi après l’investiture de Milei.
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Le train de réformes touchait presque tous les domaines, du système électoral à l’éducation, de la culture aux privatisations, au code pénal, commercial, à la légitime défense, la lutte contre les incendies, le divorce, le statut des clubs de football. Après des semaines de tractations, il a été amputé de moitié, notamment d’une série de réformes fiscales cruciale et la modification controversée de l’indexation des retraites.
Quels super-pouvoirs ?
Restent des points de contentieux : les privatisations – le géant pétrolier YPF en a été exclu mais 40 entreprises restent visées -, et la délégation temporaire de pouvoirs accrus à l’exécutif au nom de « l’urgence économique » et sociale.
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Les députés devaient dans un premier temps, jeudi sans doute, procéder à un vote dit « général », sur le principe de la loi, avant l’examen des articles dans le détail. Le scénario reste incertain : des députés de l’opposition centriste sont prêts à donner « des possibilités de gouverner » à l’exécutif, mais restent réticents sur la délégation de pouvoirs, sa durée, son extension.
Pour Martin Tetaz, « un tiers du projet va avoir des difficultés à être approuvé » en l’état et son bloc exigera des modifications.
Dans l’opposition de gauche, le député Hugo Yasky a exhorté la Chambre à ne pas voter la délégation de pouvoirs, « chèque en blanc à un admirateur de Vox, Bolsonaro, Trump et de toute l’extrême droite du monde ».
« Aujourd’hui, la politique a l’opportunité de commencer à réparer le dommage qu’elle a causé au peuple argentin », a lancé le président Milei sur le réseau social X.
Stagflation
Javier Milei, un économiste de 53 ans se définissant comme « anarcho-capitaliste », a bousculé la politique argentine en deux ans d’ascension éclair – député en 2021 puis président en novembre 2023 – avec un programme de dérégulation et de « tronçonnage » d’un « État ennemi » et dispendieux.
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« Il n’y pas de plan B » à l’austérité budgétaire, a-t-il encore martelé ces derniers jours, pour stabiliser une économie endettée et étranglée par une inflation chronique, à 211 % en 2023.
De fait, ses mesures les plus fortes à ce jour affectent déjà le quotidien de millions d’Argentins : une dévaluation de plus de 50 % du peso en décembre, des prix « libérés » – que le gouvernement précédent tentait d’encadrer tant bien que mal – et la fin des subventions aux transports, à l’énergie notamment.
Premier impact concret : une inflation mensuelle record à 25 % en décembre. Javier Milei lui-même a prévenu que les choses « allaient empirer » dans un premier temps, avec une « stagflation » (stagnation de l’activité combinée à une inflation élevée) en 2024.
La directrice du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva, a estimé mercredi que le gouvernement prenait « des mesures audacieuses pour restaurer la stabilité macroéconomique et commencer à s’attaquer aux obstacles à la croissance ».
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Le FMI qui anticipait 2,8 % de croissance en Argentine en 2024, a toutefois révisé ses prévisions et projette une récession à – 2,8 %, de la troisième économie d’Amérique latine, sous l’effet des mesures d’austérité. Le pays serait ainsi le seul du G20 en récession en 2024, avant une reprise à + 5 % en 2025, selon le Fonds.
AFP