Changement climatique: Quel impact sur l’économie et la finance ?

Le secteur financier court de gros risques avec le changement climatique. Ce bouleversement perturbe la croissance économique, l’emploi et l’inflation, des éléments cruciaux pour prendre des décisions en politique monétaire, a fait savoir le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri.

Bank Al-Maghrib et Banco de España ont organisé, vendredi 2 février 2024, une conférence portant sur « L’impact macroéconomique du changement climatique », en présence de la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, du ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka et du président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), Ahmed Réda Chami, ainsi que des représentants du secteur bancaire et financier.

A cette occasion, le gouverneur de la Banque centrale a rappelé l’importance du thème abordé, notant que les manifestations du changement climatique sont tangibles, prenant souvent la forme d’événements extrêmes de plus en plus récurrents.

« Au Maroc, ce sont surtout les sécheresses et leurs corollaires, l’accentuation du stress hydrique qui deviennent les plus préoccupants. Au-delà des chiffres quasi-quotidiens sur les hausses des températures et le taux de remplissage des barrages, les évaluations globales de l’impact macroéconomique interpellent« , a-t-il fait savoir.

Jouahri a ainsi évoqué les estimations de la Banque mondiale dans son rapport Climat et Développement d’octobre 2022, selon lesquelles la réduction de la disponibilité en eau et la baisse des rendements agricoles pourraient réduire le PIB à hauteur de 6,5% et entraîner l’exode rural d’environ 2 millions de Marocains d’ici 2050.

Il a en ce sens, mis en avant que le pays fut parmi les premiers à ratifier les conventions internationales en matière de climat, notamment celle des Nations Unies en 1995, le protocole du Kyoto en 2002 et l’accord de Paris en 2016. Plus récemment, a-t-il dit, le Maroc a lancé plusieurs programmes et stratégies sectorielles d’envergure, dont le plan Climat National 2020-2030, la Stratégie Nationale Bas-Carbone à l’Horizon 2050, ainsi que le Plan National de l’eau 2020-2050.

Dans le secteur énergétique, les aspirations demeurent élevées, visant à accroître la part des énergies renouvelables à 52% dans le mix énergétique d’ici 2030, a-t-il ajouté, avant de rappeler également qu’en novembre 2021, le pays a présenté une contribution déterminée au niveau national et révisée avec un objectif plus ambitieux visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 45,5% d’ici 2030.

En matière de politique budgétaire, la loi cadre sur la fiscalité adoptée en 2021 inclut parmi ses objectifs la promotion de la protection de l’environnement à travers notamment l’instauration d’une taxe carbone. « Nous considérons que la réussite de sa mise en œuvre ne pourrait avoir que des retombées significatives« , a affirmé le gouverneur.

Cependant, a-t-il estimé, la lutte contre le changement climatique et l’atténuation des impacts requiert la mobilisation de financements colossaux dans un contexte mondial marqué par des taux d’endettement public et privé très élevés et un amenuisement des marges budgétaires.

Selon le Wali de BAM, les institutions financières doivent prendre en compte l’impact du changement climatique sur leurs missions, notamment sur la croissance, l’emploi et l’inflation, des variables clés en politique monétaire.

En 2016, a-t-il relevé, Bank Al-Maghrib a initié une feuille de route pour la finance durable et collabore avec le ministère des Finances pour élaborer une stratégie de financement climatique, visant à évaluer le gap de financement vert et à prévenir le greenwashing par l’adoption d’une taxonomie financière verte.

Sur le plan de la gestion de ses réserves, « Bank Al-Maghrib intègre le principe de durabilité dans sa directive d’investissement et ce, en favorisant les placements à caractère durable et responsable. Depuis 2016, la banque a effectué un investissement de 100 millions de dollars dans des obligations vertes émises par la Banque mondiale« , explique Jouahri.

En 2023, lors des assemblées annuelles du Fonds et de la Banque à Marrakech, Bank Al-Maghrib a investi 200 millions de dollars dans des obligations vertes, sociales et durables, représentant actuellement 7% des réserves de change avec un objectif de 10%. Engagée dans la responsabilité sociétale, la banque a renforcé son engagement environnemental en 2019 en créant une structure dédiée pour intégrer le changement climatique dans ses missions et réduire son empreinte environnementale, ajoute Jouahri.

Par la suite, a-t-il poursuivi, elle a évalué, en 2021, ses émissions de gaz à effet de serre et mis en place un plan de réduction axé sur l’efficacité énergétique, les énergies renouvelables et la mobilité durable.

De son côté, le gouverneur de la Banque d’Espagne, Pablo Hernandez De Cos, a affirmé que la lutte contre le changement climatique et la transition verte représentent l’un des plus grands défis de la société. Il a expliqué, lors de sa présentation, que la transition vers une économie à faibles émissions comporte d’importants risques, soulignant ainsi la nécessité impérieuse d’une transition bien planifiée avec un niveau élevé de coopération internationale.

Il a, à cet effet, donné des exemples des conséquences du changement climatique, à savoir les épisodes de sécheresse et les vagues de chaleur extrêmes qui s’avèrent représenter de lourdes répercussions pour le Maroc, notamment pour l’Espagne.

« L’analyse menée par notre équipe révèle qu’après une sécheresse ou une vague de chaleur extrême, l’économie connaît une décélération, entraînant une hausse de l’inflation et une diminution des prix immobiliers, comme illustré dans le graphique à droite« , a précisé le gouverneur espagnol, avant de relever que l’impact sur la croissance annuelle du PIB réel pourrait atteindre -1,3 point de pourcentage, accompagné d’une chute de 4,2% des prix des logements et d’une augmentation de 1,5 point de pourcentage de l’inflation.

« Principalement en fonction de l’exposition aux conditions météorologiques, les secteurs les plus touchés en termes de valeur ajoutée brute pourraient être la construction, l’exploitation minière, la sylviculture et la pêche, ainsi que les secteurs liés au transport« , a ajouté Hernandez De Cos.

Selon le responsable espagnol, il est crucial de noter que le secteur financier est fortement exposé aux risques liés au changement climatique, en finançant divers secteurs, dont certains sont vulnérables aux événements météorologiques extrêmes ou non conformes aux normes environnementales. L’impact négatif sur l’activité et les prix immobiliers pourrait entraîner une légère baisse des ratios de solvabilité bancaire.

hespress

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