Fabriquer en usine des éléments d’un bâtiment pour les assembler ensuite sur le chantier: le « hors-site » séduit la construction, pour des raisons de coût et de délai, mais aussi pour accélérer sa décarbonation, avec des matières premières plus durables.
Le promoteur Nexity ou le bailleur social 3F, filiale d’Action Logement investissent dans cette filière, beaucoup utilisée dans le tertiaire (commerces, bureaux), mais aussi pour un projet d’habitat collectif à Marseille (La Porte Bleue) ou une résidence hôtelière d’Odalys.
Le hors-site peut se décliner à différentes échelles: les éléments les « plus consommés sont les panneaux de façades, les poteaux préfabriqués, les dalles préfabriquées », précise Christophe Millet, trésorier du Conseil national de l’ordre des architectes.
Mais ça peut aussi aller jusqu’à des modules complets qui n’ont « plus rien à voir avec l’assemblage de bungalows ou de containers tels qu’on l’a en tête et qu’on peut faire pour de l’urgence, l’accueil de réfugiés, etc », résume M. Férat.
– Délai de livraison réduit –
A Langon, en Gironde, l’entreprise Ademeure produit ainsi des maisons modulaires dans d’anciens hangars d’Airbus. Les murs sont fabriqués à la chaîne avant d’être assemblés en modules et livrés sur le chantier grâce à un impressionnant système de levage par grues.
Un élément de construction assemblé dans les ateliers de l’entreprise Ademeure est transporté par camion vers son site définitif, à Langon (Gironde)
« Ça surprend le voisinage, le matin, ils partent, le terrain est vide, le soir, il y a une maison », plaisantent Mr et Mme Tatieu, couple de retraités propriétaire d’une maison de ce type depuis 2021 dans les Landes.
Même s’il faut encore quelques semaines pour finir le montage sur site, ce procédé standardisé garantit un délai de livraison « inférieur à 12 mois, contre au moins 18 dans la construction traditionnelle », selon Jonathan Duffié, créateur de l’entreprise.
Il permet aussi de réduire le coût, avec un prix moyen tous équipements compris de 180.000 euros pour « la maison M » de l’entreprise (95 mètres carrés) et de « limiter le recours au sous-traitant » et donc « les allers-retours en camions des artisans », précise-t-il.
– Economies d’énergie –
Les économies se font aussi sur l’énergie grâce à des murs isolés en bois, « issus des filières locales de la Nouvelle-Aquitaine » et « bio-sourcés » ainsi qu' »un panneau solaire intégré à la maison » produisant environ 10% de la consommation énergétique, selon lui.
Dans les ateliers de construction de maisons modulaires de l’entreprise Ademeure, à Langon (Gironde)
Mr et Mme Tatieu affirment avoir économisé « 900 euros à l’année depuis leur emménagement ».
« Garantir une meilleure performance énergétique des bâtiments » pour que la filière puisse atteindre l’objectif zéro carbone en 2050 est d’ailleurs au coeur de la charte pour le développement de la construction hors-site, adoptée l’an dernier par des bailleurs sociaux, des promoteurs et des collectivités de région parisienne.
Leur objectif: construire au minimum 50% des programmes neufs en hors-site dans le Grand Paris d’ici 2031, avec la volonté « d’économiser les matériaux, l’énergie, les ressources » ou de « massifier le recours aux matériaux bio-sourcés et géo-sourcés, et limiter la consommation d’eau ».
« Le hors-site engage la décarbonation du bâtiment car la plupart de l’industrie hors-site tourne autour du bois et des matériaux biosourcés ou géosourcés », selon Christophe Millet, trésorier du Conseil national de l’ordre des architectes.
Mais « si le bois vient de Sibérie, on n’a pas gagné la bataille. La décarbonation hors-site doit passer par une économie locale, dans un tissu industriel local dont les ressources sont locales », souligne-t-il.
Et alors qu’il va « falloir construire la ville sur la ville, densifier » avec la loi Zéro artificialisation nette (ZAN), le hors-site peut « trouver sa place » à condition de « s’adapter à tout type de chantier et de laisser l’intelligence créative aux maîtres d’œuvre et architectes », défend-il.
Cette filière « semble aller dans le sens de la transition écologique », à condition que « les temps et les volumes de transports des modules ne soient pas trop importants », juge pour sa part Karine Jan, responsable bâtiment durable au Cerema, Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.
agp