Eric Roux, directeur du Festival de Clermont-Ferrand : «Le cinéma du film court est un cinéma de création»

Le 2 février passé, s’est ouvert le plus grand festival du court métrage au monde à Clermont-Ferrand, dans le Centre de la France. Destiné à la fois aux professionnels et au grand public, plus de 160 000 festivaliers sont attendus pour un programme où les femmes et l’Afrique seront à l’honneur.

Quel sera le point fort de l’édition 2024 ? Faites-nous rêver.
Faire rêver, c’est simple. Ce sont les 426 séances qui projettent 500 films pour découvrir une diversité absolument formidable qui vient du monde entier, de 55 pays. Nous donnons une place importante à l’Afrique, avec des pays comme le Rwanda, le Bénin, le Burkina Faso, le Niger, l’Egypte qui sont représentés. Il y a à la fois de la fiction, du documentaire, mais aussi de l’expérimentation, de la création cinématographique.

C’est vraiment une grande diversité et nous attendons au minimum 160 000 festivaliers.

Il y a deux mécaniques dans le Festival du court métrage de Clermont-Ferrand : il y a ces séances nombreuses, ouvertes au grand public, et le public clermontois est très cinéphile. Cependant, il faut savoir que les deux tiers des entrées au festival, ce sont des gens qui ne sont pas de la région, mais un public national ou international.

C’est aussi une particularité de ce festival.

Puis, nous donnons une place importante au marché, au business du cinéma, puisque le propos du festival est d’être attentif à un cinéma d’actualité, racontant le monde avec ses difficultés et enjeux, et surtout d’être dans l’urgence, de laisser une place aux jeunes talents. Nous permettons à tous ces jeunes réalisateurs et réalisatrices de montrer leur capacité à raconter des histoires. (…)

Les guerres en Ukraine et à Ga­za ont-elles eu un impact sur le nombre ou le sujet des films envoyés ou sélectionnés ?
Le cinéma du film court est un cinéma de création qui donne une part importante à l’actualité. Je pourrais vous citer quelques exemples. Un film ukrainien extraordinaire en compétition raconte de manière originale cette catastrophe de 2014, d’un avion de la Malaysia Airlines qui a été abattu au-dessus de l’Ukraine [abattu par un missile sol-air Buk, l’avion s’est écrasé dans l’Est de l’Ukraine avec 298 personnes à bord. 

Plusieurs pays accusent la Russie d’avoir joué un rôle dans cette affaire, Ndlr].

Pour parler d’un sujet africain : L’Envoyée de Dieu a été coproduit par le Niger, le Burkina Faso et le Rwanda. C’est l’histoire d’une jeune femme avec une ceinture d’explosifs sur un marché. A ce moment-là, elle se retrouve face à sa mère. Cela pose toutes les interrogations de cette jeunesse africaine sur la relation au terrorisme et à la violence qui existent dans certains pays.

Dans la compétition internationale, il y a aussi deux films palestiniens et un film israélien sélectionnés. Ce n’est pas quelque chose que nous recherchons a priori dans les 9400 films que nous avons reçus cette année. Mais ce sont des films qui ont une vraie qualité cinématographique et qu’on a trouvé important de montrer à notre public.

Quelle est la présence de l’Afrique, de films et réalisateurs africains, au festival cette année ?
J’aurais tendance à dire, comme d’habitude, l’Afrique, une Afrique diverse, a une place importante à Clermont-Ferrand. Nous avons la traditionnelle production de l’Afri­que de l’Ouest. Le Maghreb est peut-être un peu moins représenté compte tenu de situations culturelles et politiques compliquées.

L’Afrique de l’Est est représentée par un film tanzanien.

J’observe aussi une production très particulière de l’Afrique du Sud, destinée au marché américain, et souvent pas forcément représentée, même si la production en Afrique du Sud est très importante. Surtout, nous avons aussi le programme spécifique Regards d’Afrique, pour laisser vraiment une place importante aux jeunes réalisateurs, pour les aider et les pousser. Cela permet à ces jeunes talents de s’exprimer sur la scène de Clermont-Ferrand, où le monde entier peut les voir.

Les coups d’Etat au Mali, au Burkina Faso, au Ni­ger et le retrait de la France de ces pays…, ces crises politiques ont-elles eu un impact sur la production sur place ou sur la présence de réalisateurs africains, par exemple à cause de difficultés d’obtenir un visa ?
Entrer dans les détails serait un peu compliqué… Je peux juste vous dire que cette année, comme presque tous les ans, des films en provenance du Niger ou du Burkina Faso sont présents à Clermont-Ferrand. Certainement, il doit y avoir des incidences… Ces sujets seront bien sûr au cœur de nos échanges au festival, par rapport à cette Afrique qui est si importante pour le cinéma.

Les femmes sont, cette année, particulièrement à l’honneur à Clermont-Ferrand, à la fois devant et derrière la caméra. Par exemple, les membres du jury des trois plus importantes compétitions sont exclusivement des femmes. Quel message envoyez-vous aux jeunes réalisateurs hommes dans cette édition 2024 ?
Le message est simple : laissez une place aux femmes. Cela me semble tellement évident et tellement important. Les femmes sont de grandes réalisatrices, de grandes comédiennes, et donc elles ont une place importante dans le cinéma. C’est un peu ce qu’on a voulu montrer et mettre en avant dans nos programmes qui laissent une place importante aux femmes insoumises et aux sujets que portent ces femmes dans le cinéma. (…)

Rfi

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