Les primaires républicaines ne font que commencer et pourtant, pour Donald Trump, l’investiture pour la présidentielle 2024 semble une affaire réglée. Les médias américains s’inquiètent moins de son score au Super Tuesday que du choix du potentiel vice-président des États-Unis.
Se prêter au jeu des pronostics, dans la vie politique américaine, est toujours un pari risqué.
Alors commençons par celui qui semble évident : Mike Pence a une chance quasi nulle d’être le colistier de Donald Trump, favori à l’investiture républicaine pour la présidentielle de novembre. Après quatre années de bons et loyaux services entre 2016 et 2020, l’ancien vice-président républicain ne s’était pas opposé, le 6 janvier 2021, à la certification de la victoire de Joe Biden.
En s’opposant frontalement à Donald Trump, il avait permis, lors de cette journée marquée par le violent assaut du Capitole, aux institutions démocratiques américaines de perdurer. Mais il a aussi commis le crime le plus grave aux yeux de son patron : l’absence de loyauté.
Car le prochain colistier de Donald Trump devra être loyal, tout comme l’ensemble de son cabinet. Le milliardaire, inculpé dans plusieurs affaires par la justice fédérale américaine, aura tout intérêt à choisir un vice-président qui, en cas de condamnation et de destitution, lui succéderait et accepterait de le gracier.
Interrogé récemment sur Fox News sur la principale qualité recherchée chez un colistier, Donald Trump a donné une réponse plus politiquement correcte.
« Cela doit être quelqu’un capable d’être un bon président. Je veux dire, il faut toujours y penser car, vous savez, une urgence… ça peut arriver, pas vrai ? Peu importe qui on est, ça peut arriver. Donc c’est le principal critère. » Le 21 janvier, toujours sur Fox News, il assurait que le choix du « VP » n’aurait de toute manière pas d’influence sur le résultat de la présidentielle.
Et pourtant, dans une course serrée, la moindre voix compte. Un profil loyal et compétent ne suffirait pas. Dans l’idéal, il devrait aussi apporter de la complémentarité au ticket présidentiel. C’est-à-dire attirer vers le camp républicain une portion suffisante de modérés, de femmes, d’Afro-Américains ou encore d’Hispaniques… en somme, ceux que Donald Trump, seul, a plus de mal à convaincre.
Une douzaine de noms circule.
Il est peu probable qu’une annonce soit faite à court terme – les candidats attendent en général l’été et l’approche de la convention nationale du parti pour dévoiler leur choix. Mais la victoire de Donald Trump aux primaires républicaines ne faisant plus guère de doute, malgré le nombre de scrutins restants, il n’est pas exclu que l’on connaisse le nom de son colistier plus tôt que prévu. Ces dernières semaines, observer le ballet des personnalités défilant sur scène pour soutenir leur champion en meeting a suffi à se faire une idée des aspirants candidats.
La short list potentielle
– Tim Scott
Pour de nombreux observateurs, Tim Scott est le profil idéal pour former avec Donald Trump le ticket présidentiel. Sénateur de Caroline du Sud, cet Afro-Américain au discours réfléchi et soigné a récemment abandonné la course aux primaires et apporté un soutien remarqué à (et apprécié par) Donald Trump.
Pendant sa campagne, il s’est bien gardé de critiquer ouvertement l’ancien président, rappelant plutôt comment les deux hommes avaient travaillé ensemble pour obtenir des baisses d’impôts. Ses contacts et son expérience au Congrès seraient des atouts pour convaincre le corps législatif d’appliquer l’agenda « America First » (l’Amérique d’abord) de Donald Trump.
Enfin, il permettrait d’attirer une partie de l’électorat noir mais aussi, plus généralement, certains indépendants ou modérés échaudés à l’idée d’une seconde présidence Trump.
Dans une tribune remarquée publiée dans le New York Times, Kellyanne Conway, l’ancienne conseillère de Donald Trump, estime que Tim Scott permettrait d’apporter une note conservatrice plus nuancée sur le thème de l’avortement. Selon elle, les républicains doivent reprendre la main sur ce débat explosif.
Car les démocrates, accuse-t-elle, engendrent des victoires électorales en ayant « tiré parti de la crainte et des mensonges au sujet de l’opposition totale à l’avortement et d’une éventuelle loi interdisant l’IVG au niveau national ».
Selon Kellyanne Conway, Tim Scott fait partie de ceux qui « ont montré comment appréhender et expliquer cette question, en exposant l’extrémisme que constituent les avortements tardifs, douloureux pour le fœtus, tout en parlant avec compassion et conviction au nom des enfants à naître. »
Dimanche 4 février sur Fox News, Donald Trump a cité le nom de Tim Scott comme celui d’un potentiel colistier. « Je l’ai appelé cette semaine – car beaucoup de gens aiment Tim Scott -– et je lui ai dit : ‘Tu es un bien meilleur candidat pour moi que pour toi-même.' »
– Kristi Noem
L’autre nom cité le même jour par Donald Trump sur Fox News est celui de Kristi Noem, la gouverneure du Dakota du Sud : « Elle se bat pour moi de façon incroyable. Elle a dit : ‘Je ne me présenterai jamais face à lui car je ne peux pas le battre.’ C’est très gentil de dire ça. »
Kristi Noem, 52 ans et ex-reine de beauté, manque certes d’expérience politique au niveau national. Mais cette carence peut devenir une qualité face à d’autres candidats aux multiples casseroles. Surtout, elle est populaire dans le Midwest où plusieurs États-clés sont courtisés par les démocrates et les républicains.
Attention cependant : si une colistière peut attirer les électrices sur le papier, Kristi Noem n’est pas à ranger du côté des forces modérées. Elle avait d’ailleurs refusé de confiner le Dakota du Sud lors de l’épidémie de Covid-19. Son allégeance à Donald Trump n’est plus à démontrer. « Le choix de Noem en tant que colistière signalerait que Trump sera encore moins enclin, lors de son second mandat, à courber l’échine devant l’establishment républicain », analyse le magazine The Atlantic.
– Elise Stefanik
Une autre femme, extrêmement dévouée, est régulièrement citée comme l’une des candidates privilégiées de Donald Trump. Elise Stefanik, représentante conservatrice de l’État de New York âgée de 39 ans, ancienne étudiante de Harvard, représentait plutôt l’establishment républicain avant d’opérer un virage à 180 degrés en rejoignant le camp MAGA (Make America Great Again, slogan des trumpistes). « Elle a en somme abandonné ses propres valeurs pour un homme qui n’en avait pas », a résumé une de ses anciennes amies au Time Magazine.
Elle vient désormais régulièrement galvaniser le public lors des meetings de Donald Trump et n’hésite pas à qualifier « d’otages » les prévenus accusés d’avoir saccagé le Capitole le 6 janvier 2021. À sa loyauté sans faille s’ajoute un atout : la compétence. En tant que vice-présidente, elle pourrait mettre son expérience au Congrès – elle fait partie du leadership républicain – et à la Maison Blanche, où elle a travaillé un temps, au profit de l’exécutif.
– J. D. Vance
Lui aussi était critique de Donald Trump, avant de finalement lui prêter allégeance. Auteur du best-seller « Hillbilly Elegy », ses mémoires sur les classes populaires blanches des États américains victimes de la désindustrialisation, J.D. Vance a d’abord été notoirement anti-Trump, avant de chercher à bénéficier de son influence lors de sa candidature au Sénat en 2022. « J.D. me lèche le cul tellement il veut que je le soutienne », avait poétiquement déclaré le milliardaire lors d’un meeting en Ohio, où le trentenaire a finalement été élu de justesse.
J.D. Vance est désormais un candidat loyal, qui comprend peut-être mieux que quiconque l’électorat MAGA. Pour l’ancienne conseillère de Trump Kellyanne Conway, son positionnement nuancé sur l’avortement, au même titre que Tim Scott, est aussi un atout clé. Mais sa victoire sur le fil en 2022 a montré qu’il ne faisait pas l’unanimité tandis que ses compétences politiques au niveau national restent à démontrer.
Ceux qui ont les atouts, mais…
– Nikki Haley
Sur le papier, l’ancienne gouverneure de Caroline du Sud a tout ce qu’il faut pour être la colistière de Donald Trump : une femme, d’origine indienne, avec une expérience diplomatique solide – ancienne ambassadrice à l’ONU de Donald Trump – et un profil modéré. Mais il lui manque la loyauté : seule candidate républicaine encore en lice aux primaires, elle ne cesse d’affirmer que le parti perdra si Donald Trump est candidat.
– Vivek Ramaswamy
Plus trumpiste que Trump, ce chef d’entreprise énergique au discours radical a jeté l’éponge dans la course aux primaires. Il y jouait davantage le rôle de supporter de l’ancien président que de rival. Trop de loyauté tue la loyauté ? Sa cote de popularité reste très faible et, malgré tous ses efforts et l’estime que lui portent les proches de Trump, il est peu probable qu’il devienne colistier.
– Kari Lake
Décrite comme une Donald Trump au féminin et une potentielle candidate à la vice-présidence dès 2022, Kari Lake a perdu en crédibilité après sa défaite dans la course au poste de gouverneure de l’Arizona. Elle est désormais candidate au Sénat et continue de soutenir bec et ongle l’ancien président dont elle partage la certitude que le scrutin lui a été volé en 2020. Un profil extrémiste et sans expérience qui risque de faire fuir les électeurs modérés.
– Ron DeSantis
Un temps le rival le plus sérieux de Donald Trump aux primaires républicaines, Ron DeSantis a finalement abandonné après une campagne calamiteuse et apporté un soutien timide à l’ex-président. Le gouverneur de Floride n’est ni assez loyal ni assez complémentaire pour que Donald Trump l’inscrive sur son ticket. Il n’a d’ailleurs pas montré de signe d’intérêt pour la fonction.
Ceux dont on parle moins
Le sénateur de Floride Marco Rubio, d’origine cubaine, ou encore l’ancien ministre de Donald Trump Ben Carson, afro-américain, rassemblent les trois qualités maîtresses – loyauté, expérience et complémentarité – pour être sur le ticket.
L’ancien chef de la CIA et secrétaire d’État Mike Pompeo, qui s’est abstenu de déclarer sa propre candidature à la présidence, est aussi un choix potentiel, selon Kellyanne Conway, qui cite, pour les mêmes raisons d’expérience en politique étrangère, le sénateur de l’Arkansas Tom Cotton.
Sarah Huckabee Sanders, ancienne porte-parole de la Maison Blanche et gouverneure de l’Arkansas depuis 2022, est aussi régulièrement citée comme potentielle colistière.
france24