La règle de Bergmann, qui stipule que les espèces vivant dans les climats froids ont tendance à avoir une masse corporelle plus élevée, peut-elle s’appliquer à l’évolution humaine ? Oui, affirme aujourd’hui une étude, même si cette thèse est sujette à caution.
Chez les animaux à sang chaud comme les mammifères ou les oiseaux, on observe depuis longtemps que la taille corporelle est corrélée à la température. C’est ce que l’on appelle la règle de Bergmann, d’après le biologiste allemand du XIXe siècle Carl Bergmann qui avait édicté cette règle en 1847. Selon ce principe, les animaux ayant un plus petit rapport entre la surface et le volume du corps ont une moindre déperdition de chaleur et sont donc mieux adaptés au froid. Cette règle, purement empirique, souffre toutefois de nombreuses exceptions. Le plus gros animal terrestre connu, l’éléphant d’Afrique, vit ainsi dans un environnement chaud.
La règle de Bergmann est-elle valable chez les humains ?
De nombreuses études ont pourtant repris cette règle pour savoir si elle pouvait s’appliquer aux humains. Avec des résultats souvent contradictoires, certaines trouvant une corrélation entre température et taille corporelle, d’autres non. Une étude de 2013 essayant de faire une synthèse globale est elle-même parvenue à des résultats mitigés, les groupes de l’hémisphère nord correspondant à peu près à la règle de Bergmann mais pas les groupes de l’hémisphère sud. Selon ses auteurs, il faut une différence de température d’au moins 30 °C ou de 50° de latitude pour observer des écarts significatifs.
Une nouvelle étude parue dans Nature Communications s’est intéressée à l’application de la loi de Bergmann chez l’humain, non pas dans l’espace mais dans le temps. « Durant les deux derniers millions d’années, le poids moyen de l’espèce Homo est passé de 50 kilos à 70 kilos en moyenne, et son cerveau a triplé de taille, atteste Manuel Will, de l’université de Tübingen en Allemagne et principal auteur de l’étude. De nombreuses hypothèses ont été avancées pour expliquer cette évolution, comme l’alimentation, les facteurs compétitifs ou sociaux, ou le niveau d’avancement technologique. Mais aucune preuve n’a pu être jusqu’ici apportée pour étayer ces hypothèses. »
La température moyenne, principal facteur de variation de la masse corporelle
Les chercheurs se sont donc demandé si le climat avait pu jouer un rôle dans l’accroissement de la corpulence humaine. Ils ont examiné près de 300 fossiles âgés d’un million d’années à 10.000 ans et les ont comparés aux variations climatiques passées. Ils ont ainsi constaté que les Hommes du Pléistocène moyen et de Néandertal, qui vivaient dans des environnements plus froids, avaient effectivement une masse corporelle supérieure à l’Homo sapiens moderne, apparu il y a 30.000 ans.
« La température moyenne est à elle seule trois fois plus importante que les autres variables sur la variabilité de la masse corporelle dans les différents groupes », attestent les auteurs. En revanche, ces derniers n’ont constaté qu’une faible corrélation entre le climat et la taille du cerveau. « Pour cette dernière, le climat a pu jouer de façon marginale », expliquent les auteurs. Les humains habitant dans les endroits plus secs avec moins de végétation ont par exemple tendance à avoir un plus gros cerveau, peut-être parce qu’ils devaient développer des techniques plus complexes pour chasser des animaux plus gros vivant dans ces savanes, suggèrent-ils.
Le réchauffement climatique va-t-il rendre les Hommes plus petits ?
Faut-il alors en conclure que le réchauffement climatique va nous faire rétrécir ? Sûrement pas à court terme : « Il faudrait des milliers d’années pour que l’on puisse commencer à observer un quelconque effet du réchauffement », tempère Andrea Manica, coauteur de l’étude, sur le site NPR. « Et même si cela se produisait, le changement serait minime, de l’ordre d’un kilo pour un réchauffement de 2 °C », calcule-t-il. En réalité, on observe plutôt l’inverse, c’est-à-dire que les Hommes ont tendance à être de plus en plus gros et de plus en plus grands, en grande partie à cause des modifications de régimes alimentaires (plus de protéines et de calories).
Source: futura-sciences