Présidentielle au Sénégal: le président Sall va parler

Accusé par quinze candidats à la présidentielle au Sénégal de « mauvaise volonté », le président Macky Sall prendra la parole jeudi pour dire quels sont ses plans en vue de l’organisation d’un scrutin initialement prévu le 25 février et qu’il avait reporté.

Le chef de l’Etat sera interrogé jeudi soir par trois médias sénégalais, dont la Radio télévision du Sénégal (RTS, publique), a appris l’AFP auprès de la présidence. Le Sénégal traverse une crise politique inédite depuis son indépendance de la France en 1960 après la décision début février du président Sall et de l’Assemblée nationale de reporter au 15 décembre la présidentielle initialement prévue le 25 février.

Ce report, dénoncé comme un « coup d’Etat constitutionnel » par l’opposition, a provoqué des manifestations qui ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel a opposé la semaine dernière son veto à cet ajournement et au maintien du président Sall à son poste jusqu’à l’installation de son successeur.

Le Conseil a constaté l’impossibilité de maintenir la présidentielle le 25 février et demandé aux autorités de l’organiser « dans les meilleurs délais ». Le président Sall a dit vendredi son intention de respecter la décision du Conseil et de mener « sans tarder les consultations nécessaires » à l’organisation du scrutin. Les Sénégalais attendent à présent d’en connaître la nouvelle date.

« Tout fonctionne au rythme de la mauvaise volonté du président Macky Sall », déplorent les opposant au chef de l’État sénégalais.

Mercredi lors du conseil des ministres, le chef de l’Etat a demandé que « toutes les dispositions » soient prises « pour une bonne organisation de l’élection présidentielle à une date qui sera fixée très prochainement, après les consultations avec les acteurs politiques, les responsables de la société civile et les représentants des forces vives de la Nation », indique le compte-rendu du conseil.

Il a « également réaffirmé son engagement pour un processus inclusif de concertation et de dialogue afin de bâtir des consensus autour de la réconciliation nationale, de l’apaisement et de la pacification de l’espace public en vue de consolider la stabilité politique, économique et sociale ».

« Réconciliation et pardon »
Dans ce contexte, le président a également demandé à la ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall « de finaliser les projets de textes pour matérialiser la volonté de réconciliation et de pardon dans le respect de l’Etat de droit et la consolidation de la paix sociale durable ».

Une loi d’amnistie avait été évoquée il y a une semaine, qui permettrait la libération du principal opposant Ousmane Sonko, condamné notamment pour atteinte à la sûreté de l’Etat, et de son adjoint Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle, également emprisonné. Le collectif citoyen « Aar Sunu Election » (« Protégeons notre élection ») a annoncé un nouveau rassemblement samedi.

Le collectif réclame la tenue du scrutin avant le 2 avril, date de fin officielle du second mandat de cinq ans du président Sall.

« Une lenteur inexplicable est constatée. Rien n’a été entrepris » malgré les développements de la semaine passée, disent les 15 candidats dans un communiqué commun publié mardi soir. « Tout fonctionne au rythme de la mauvaise volonté du président Macky Sall », disent-ils.

Des groupes de la société civile et des groupes politiques tiennent des pancartes lors d’une marche appelant les autorités à respecter la date de l’élection, à Dakar, le 17 février 2024. (Photo JOHN WESSELS / AFP)

Parmi les 15 signataires, figurent l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall et, via son mandataire, Bassirou Diomaye Faye, présenté comme le candidat de substitution d’Ousmane Sonko. Me Ngagne Demba Touré, coordinateur national des jeunes du parti de M. Sonko, a été arrêté mercredi à son domicile, après être rentré il y a trois jours du Mali où il disait s’être réfugié pour fuir une éventuelle arrestation.

« Pot de départ »
Les 15 candidats disent que le processus électoral aurait dû reprendre. Ils accusent le président Sall de refuser d’assumer sa mission d’organiser l’élection. Les 15 signataires comptent parmi les 19 figurant sur une liste actualisée publiée mardi par le Conseil constitutionnel des candidats homologués pour la présidentielle.

Lors du rassemblement qu’il entend organiser samedi, Aar Sunu Election a demandé aux participants de venir symboliquement avec leur carte d’électeur, mais aussi des denrées ou des boissons pour ce qui se veut le « pot de départ » du président Sall.

Aar Sunu Election a mobilisé plusieurs milliers de personnes samedi dans les rues de Dakar. Chaque manifestation est cependant soumise à un régime d’autorisation. Le président et l’Assemblée nationale ont causé une onde de choc avec le projet aujourd’hui avorté de report de l’élection.

L’opposition soupçonne le camp présidentiel d’avoir voulu s’arranger avec le calendrier par crainte de la défaite de son candidat, le Premier ministre Amadou Ba, désigné par le président Sall pour lui succéder. Elle suspectait une manœuvre pour que M. Sall reste au pouvoir. Celui-ci a dit à plusieurs reprises qu’il ne se présenterait pas pour un troisième mandat.

Des partenaires internationaux du Sénégal ont exprimé leur inquiétude devant la situation et demandé que l’élection ait lieu le plus rapidement possible. L’engagement du président Sall à faire appliquer « entièrement » la décision du Conseil constitutionnel, ainsi que différents gestes comme la libération provisoire de centaines de détenus ont créé un apaisement fragile.

Mais le pays reste en proie à une vive querelle sur la tenue de la présidentielle avant ou après le 2 avril, et sur une reprise à zéro, ou non, du processus d’homologation des candidatures.

voa

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