Le président sénégalais Macky Sall a laissé jeudi en suspens la date de la présidentielle dont il avait décrété le report, tout en assurant que son mandat à la tête du pays se terminerait comme prévu le 2 avril. «Pour ce qui est de la date, on verra ce que le dialogue proposera», a-t-il dit lors d’un entretien avec la presse sénégalaise en évoquant le dialogue politique qu’il entend mener à partir de lundi.
«L’élection peut se tenir avant ou après le 2 avril», a-t-il déclaré. Interrogé sur l’éventualité qu’elle se tienne d’ici au 2 avril, il a répondu «je ne le pense pas», tout en assurant que sa mission se terminait le 2 avril. «Le 2 avril 2024 ma mission se termine à la tête du Sénégal», a-t-il déclaré.
Le Sénégal, volontiers vanté pour sa stabilité et ses pratiques démocratiques bien qu’ayant connu de graves troubles politiques par le passé, est plongé dans l’inconnu depuis la décision début février du président Sall et de l’Assemblée nationale de reporter au 15 décembre la présidentielle prévue le 25 février.
Ce report, dénoncé comme un «coup d’Etat constitutionnel» par l’opposition, a provoqué une commotion dans l’opinion et des manifestations qui ont fait quatre morts. Le Conseil constitutionnel a opposé la semaine dernière son veto à cet ajournement et au maintien du président Sall à son poste jusqu’à l’installation de son successeur.
Le Conseil a constaté l’impossibilité de maintenir la présidentielle le 25 février et demandé aux autorités de l’organiser «dans les meilleurs délais».
Malgré les spéculations sur la tentation d’un passage en force, le président Sall avait dit le lendemain son intention de respecter la décision du Conseil et de mener «sans tarder les consultations nécessaires» à l’organisation du scrutin. Depuis lors, rien n’avait filtré officiellement des discussions qu’il aurait menées, en dépit de déclarations à la presse de personnalités disant avoir joué les bons offices, y compris auprès d’Ousmane Sonko, personnage principal d’un bras de fer avec l’État qui a donné lieu à plusieurs épisodes de contestation meurtrière depuis 2021.
Toujours lors de cet entretien avec la presse sénégalaise, le président sénégalais Macky Sall s’est dit jeudi «prêt» à libérer Ousmane Sonko pour aller vers des élections «apaisées», dans un entretien télévisé avec la presse sénégalaise. M. Sonko est emprisonné depuis juillet 2023 et a été disqualifié de la présidentielle. Mais la candidature de son second, Bassirou Diomaye Faye, détenu lui aussi, a été validée par le Conseil constitutionnel.
Des appels à la mobilisation
Le président Sall a demandé mercredi en Conseil des ministres que «toutes les dispositions» soient prises «pour une bonne organisation de l’élection présidentielle à une date qui sera fixée très prochainement, après les consultations avec les acteurs politiques, les responsables de la société civile et les représentants des forces vives». Il a demandé au ministère de la Justice de finaliser des textes «pour matérialiser la volonté de réconciliation et de pardon». Une loi d’amnistie des prisonniers avait été évoquée il y a une semaine.
Plusieurs centaines de détenus ont été relâchés depuis la semaine dernière, contribuant à une fragile détente.
Mais la société civile, qui a mobilisé plusieurs milliers de personnes le week-end passé, a prévu un nouveau rassemblement samedi à Dakar pour maintenir la pression sur le pouvoir, tout comme le camp présidentiel pour soutenir M. Sall. Le camp de Bassirou Diomaye Faye a accusé mercredi soir le président de traîner les pieds, comme l’a fait la très grande majorité des 19 candidats retenus par le Conseil constitutionnel
. Il n’acceptera de discuter que pour fixer «sans délai» la date de la présidentielle, et celle-ci devra avoir lieu avant le 2 avril et la fin du mandat de M. Sall, a-t-il prévenu dans un communiqué. Le président a justifié le report de l’élection par les vives querelles survenues au cours du processus préélectoral.
Il a dit vouloir une élection incontestable, s’inquiétant du risque de nouveaux accès de violence après ceux de 2021 et 2023.
Après l’intervention du Conseil constitutionnel, une nouvelle controverse est apparue sur la tenue de la présidentielle avant ou après le 2 avril, et sur une reprise à zéro, ou non, du processus d’homologation des candidatures. L’opposition soupçonne le camp présidentiel de vouloir s’arranger avec le calendrier par crainte de la défaite de son candidat, le Premier ministre Amadou Ba, désigné par le président Sall pour lui succéder.
Elle suspecte une manœuvre pour que M. Sall reste au pouvoir, bien qu’il ait dit ne pas vouloir se représenter pour un 3e mandat.
lefigaro