MALADIES•Avec 600 collaborateurs répartis sur cinq sites en Bretagne, le laboratoire public Labocéa est en première ligne dans la lutte contre la grippe aviaire, la peste porcine africaine et toutes les autres maladies qui menacent les cheptels
MHE, BVD, PPA, FCO, IAHP… Voilà autant de sigles totalement inconnus du commun des mortels. Sauf bien sûr dans le monde agricole, où leur moindre évocation fait trembler n’importe quel éleveur. Car derrière ces mystérieuses abréviations se cachent de terribles maladies comme la peste porcine africaine ou la grippe aviaire, qui font planer de lourdes menaces sur les cheptels.
Depuis l’automne 2022, ce sont ainsi plusieurs millions de volailles qui ont dû être abattues en France à cause du virus de l’influenza aviaire, hautement pathogène, qui fait des ravages dans toute l’Europe. Depuis la vaccination obligatoire de 64 millions de canards cet automne, la situation s’est un peu calmée, même si dix foyers ont encore été confirmés dans des élevages entre le 27 novembre et le 16 janvier, date de la détection du dernier foyer.
Les autorités sanitaires surveillent de ce fait comme le lait sur le feu les mutations de ce virus, lequel a également décimé des colonies d’oiseaux marins, notamment dans la réserve des Sept-Îles.
En première ligne de cette mission de surveillance, on trouve Labocéa, le plus grand laboratoire de santé animale en France. Répartis sur cinq sites en Bretagne, les 600 collaborateurs de cet établissement public de coopération environnementale traquent sans relâche les dangers qui pèsent sur les animaux.
« Mais aussi sur les êtres humains dans le cas de zoonoses, ces maladies transmissibles entre l’homme et l’animal », précise Eric Laporte, directeur général de Labocéa. Agrémenté par les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, chaque site du laboratoire possède son propre champ d’intervention, avec les porcs et les volailles étudiés à Ploufragan (Côtes-d’Armor), les poissons à Quimper et les ruminants à Fougères (Ille-et-Vilaine).
La maladie hémorragique épizootique pas encore apparue en Bretagne
Sur ce dernier site, l’activité a été particulièrement soutenue ces dernières semaines en raison du Salon de l’Agriculture, qui a ouvert ses portes ce samedi. Car avant d’aller parader porte de Versailles à Paris, tous les bovins faisant le voyage doivent présenter un carnet de santé à jour.
« On analyse tous les prélèvements sanguins ici à l’aide d’automates, indique Camille Levesque, chef du service immunologie-virologie.
C’est la même chose si un éleveur veut exporter ses bovins. » La période est d’autant plus chargée que la campagne de prophylaxie bovine bat son plein, obligeant chaque éleveur à tester son troupeau pour s’assurer qu’il n’est pas porteur de brucellose, de tuberculose ou de diarrhée virale.
Sans oublier un petit nouveau dans la grande famille des virus, la maladie hémorragique épizootique, apparue en septembre dans des élevages bovins du Sud-Ouest.
« Elle est transmise par des moucherons, avec des symptômes très similaires à ceux de la fièvre catarrhale ovine », précise la chercheuse. Pour détecter ce virus, jamais apparu pour l’heure en Bretagne, ses équipes analysent les tests PCR (ça vous rappelle quelque chose ?) réalisés sur des animaux sur lesquels pèsent des suspicions.
Fort de son expertise, le site Labocéa de Fougères avait d’ailleurs réorganisé ses activités au plus fort de la pandémie de Covid-19 pour prêter main-forte aux laboratoires privés en analysant des tests humains.
Les sangliers sous étroite surveillance
La pandémie étant désormais derrière nous, Labocéa est depuis revenu à ses moutons. Avec, dans chacun de ses sites, une salle d’autopsie pour examiner des animaux morts ou vivants. Des bêtes d’élevage mais aussi sauvages comme les sangliers, sous étroite surveillance depuis plusieurs mois.
« Ils constituent la principale menace de transmission de la peste porcine africaine », prévient Guillaume Lequeux, chef du service de microbiologie.
Cette maladie virale hautement contagieuse a aujourd’hui gagné une bonne partie de l’Europe. L’an dernier, plusieurs cas ont été confirmés chez des sangliers en Suède, et plusieurs foyers ont été signalés dans le nord de l’Italie et en Allemagne, provoquant dans ces pays une véritable psychose. « La probabilité que cette maladie arrive en France reste élevée, il faut vraiment s’y préparer », souligne Guillaume Lequeux.
A chaque fois qu’un sanglier est retrouvé mort par un chasseur ou un promeneur, son corps est ainsi systématiquement autopsié pour vérifier que l’animal n’est pas contaminé.
« On surveille cela d’autant plus que la Bretagne est la première région pour la production porcine, assure-t-il. L’introduction de la peste porcine africaine pourrait donc avoir ici des conséquences désastreuses et déstabiliser toute une filière. »
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