À Mayotte, la deuxième phase du démantèlement du camp de Cavani est en cours

La destruction du camp de migrants de Cavani, près de la capitale Mamoudzou a repris dimanche 25 février. Plus de 300 occupants, pour la plupart originaires d’Afrique des Grands Lacs, ont été évacués en moins de 24h.

Un mois après une première opération, la deuxième phase du démantèlement du camp de Cavani est en cours à Mayotte. Au total, 308 personnes ont été amenées à quitter le territoire mahorais dimanche 25 février, alors que les opérations d’évacuation se poursuivent ce lundi, indique un communiqué de la préfecture de l’île.

Une cinquantaine de personnes supplémentaires ont été prises en charge ce jour.

« Après leur départ, les services techniques de la mairie ont procédé à la destruction de leurs cases et de celles des migrants partis hier », relate Mayotte La 1ère. Des bennes de la mairie ont été installées pour recueillir les tentes démontées.

« L’idée c’est de démanteler, et une fois qu’on a démantelé, c’est accompagner, et une fois qu’on a accompagné, c’est de pouvoir transporter [les personnes vers le continent ou dans leur pays d’origine] dans de bonnes conditions », a affirmé sans plus de précisions le préfet François Xavier Bieuville, sur place.

D’après Mayotte La 1ère, les exilés dont la demande d’asile est en cours resteront sur place « pour le moment ».

Vendredi 23 février, quatorze ressortissants d’Afrique des Grands Lacs ont par ailleurs été « éloignés vers leur pays d’origine », s’est félicité le préfet sur X. Ces exilés, « anciens occupants du camp, » ont tous été « déboutés du droit d’asile », précise la préfecture de Mayotte à InfoMigrants, qui ne souhaite communiquer ni sur les pays d’origine des concernés, ni sur le lieu d’atterrissage de l’avion.

À Cavani, 410 personnes « restent encore à évacuer », d’après la préfecture de Mayotte.

« Ils seront pris en charge hors de Mayotte ou éloignés vers leur pays d’origine », « en fonction de leur statut administratif « . « Toute personne déboutée de l’asile sera expulsée comme le prévoit la procédure », ajoute la préfecture.

Avant qu’il ne soit démantelé en janvier, le camp comptait 500 personnes – parmi lesquels des ressortissants congolais, rwandais ou somaliens – et de nombreuses familles. Ces personnes étaient installées dans des abris faits de planches de bois et de bâches.

Exilés et associations ciblés

Dans son communiqué, la préfecture déplore aussi « le maintien de barrages sur les axes de circulation du territoire qui sont aujourd’hui le principal obstacle à l’accélération du démantèlement du camp et qui continuent à asphyxier la vie économique, sociale, sanitaire et sécuritaire de Mayotte ».

Cela fait plusieurs semaines que des groupes d’habitants mahorais, pour protester entre autres contre l’existence de ce camp, bloquent plusieurs axes routiers des alentours.

Le Collectif des citoyens de Mayotte 2018 notamment, qui lutte principalement contre l’immigration – décrié par certaines associations humanitaires pour des positions jugées xénophobes – a fait de l’évacuation du lieu son cheval de bataille.

Les exilés ont construit des abris de fortune, faits de bâches usées, de tissus troués et de morceaux de pagne délabrés, ramassés au milieu des ordures de Mayotte. Crédit : Daniel Gros / LDH
Les exilés ont construit des abris de fortune, faits de bâches usées, de tissus troués et de morceaux de pagne délabrés, ramassés au milieu des ordures de Mayotte. Crédit : Daniel Gros / LDH

 

Une nouvelle vague d’arrivées les 13 et 14 janvier avait, en parallèle, provoqué des affrontements entre des exilés et des habitants qui tentaient de les empêcher d’accéder au stade, nécessitant l’intervention des forces de l’ordre.

Les associations présentes à Mayotte sont également la cible de Mahorais mécontents. Des locaux leur appartenant ont été cadenassés.

En réponse, et pour calmer les esprits, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré le 11 février vouloir abroger le droit du sol à Mayotte. Ce droit permet à une personne née sur le territoire français d’obtenir la nationalité française et ce, même quand ses parents ne sont pas français. En supprimant ce droit, institué en France depuis le XVIe siècle, Gérald Darmanin pense « couper l’attractivité » que peut avoir l’île sur les migrants.

« Je me suis fait poignarder »

Depuis que Mayotte a été déclarée département français en 2011, elle attire chaque année des milliers de migrants originaires de l’archipel des Comores, auquel l’île appartenait avant la colonisation française. Aujourd’hui, près de la moitié de sa population – qui compte 310 000 habitants – est d’origine étrangère, principalement comorienne, à la recherche d’une vie meilleure.

Ces deux dernières années, ils ont été rejoints par des ressortissants d’Afrique des Grands Lacs, de la Tanzanie ou du Mozambique. La plupart emprunte la route migratoire qui part du port de Dar Es Salam, en Tanzanie, jusqu’à Mayotte via un arrêt par les Comores.

Entre le 1er janvier et le 1er décembre 2023, près de 1 500 exilés originaires de cette région ont déposé une demande d’asile dans ce département français d’Outre-mer. Soit un tiers de plus qu’en 2022, d’après les chiffres de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).

Mais pour ces exilés, l’arrivée dans le 101e département français acte aussi le début d’un long parcours d’errance.

Solidarité Mayotte, l’association en charge des demandeurs d’asile sur l’île, est débordée. Les migrants, dont certains sont accompagnés de leur femme et de leurs enfants, sont donc contraints de s’installer où ils peuvent. Y compris dans le camp de Cavani, qui ne dispose d’aucune infrastructure sanitaire, et reste un lieu dangereux.

RFI y a rencontré, la semaine dernière, Hendric, un jeune homme originaire du Rwanda qui a grandi au Mozambique.

« Je sors de l’hôpital, je me suis fait poignarder par des délinquants », déplorait-il, charlotte blanche sur la tête et pansement sur l’œil. « J’étais aux toilettes quand ils sont arrivés [les Mahorais, d’après lui] avec des cagoules et m’ont attaqué ». Ces tensions le poussent à vouloir quitter le territoire.

« Ma demande a été rejetée, et avec tout ça, j’ai peur, même de sortir d’ici, je veux juste repartir », a-t-il confié en pleurs. Après cinq ans sur le territoire français, Hendric attend maintenant que l’État le renvoie au Mozambique.

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