IVG dans la Constitution : Mélanie Vogel, l’élue queer et féministe qui veut faire plier le Sénat

Mélanie Vogel a été l’une des premières élues à avoir milité en faveur de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution pour qu’il ne puisse jamais être remis en cause en France. Cette sénatrice écologiste représentant les Français à l’étranger, féministe et queer revendiquée, fait de la lutte pour les droits des femmes et des personnes LGBTQ+ son principal combat.

« Nous devons être à la hauteur de l’Histoire. » Militante de la première heure, la sénatrice Mélanie Vogel, ouvertement lesbienne et féministe, détonne au sein d’un hémicycle conservateur et majoritairement masculin où l’âge moyen frôle les 60 ans.

Alors que le Sénat doit se prononcer, mercredi 28 février, sur l’inscription de l’IVG dans la Constitution, l’élue de 38 ans ne relâche pas la pression : « Il reste 24 heures pour agir, 24 heures pour convaincre », écrit-elle sur ses réseaux sociaux après avoir publié une vidéo s’adressant « à toutes les filles, sœurs, compagnes, amies des sénateurs et sénatrices qui ne sont pas encore convaincu·es de voter pour l’IVG dans la Constitution. »

« Depuis mon élection [en septembre 2021, NDLR], c’est mon combat numéro un », rappelle-t-elle à l’AFP. Et ce n’est pas peu dire.

De discussions en argumentaires juridiques, en passant par une présence médiatique accrue et la constitution d’un « réseau d’alliés » dans la sphère politique, la sénatrice écologiste des Français à l’étranger n’a pas démérité pour obtenir la constitutionnalisation du droit à l’avortement.

« Ce sont des batailles qu’on gagne parce que la société pousse derrière », soutient à l’AFP celle qui fut l’autrice de la toute première proposition de loi constitutionnelle examinée par le Sénat sur le sujet, fin 2022.

« Je suis pragmatique et donc radicale »

Originaire des quartiers populaires de Marseille, et ayant grandi loin de la politique et des grands débats d’actualité, Mélanie Vogel explique toutefois sur son site Internet avoir toujours voulu agir sur le monde, racontant avoir été poussée par « le dégoût du racisme et des discriminations », « la révolte viscérale contre l’assignation au silence des petites filles comme [elle] qui voulaient sans concessions être elles-mêmes », mais aussi « l’effroi provoqué par la destruction du vivant ».

Encore étudiante, Mélanie Vogel part travailler au Chili pour Amnesty International avant de rejoindre Toronto où elle est recrutée par le Canadian Institute for Environmental Law and Policy, un centre d’étude et de droit dédié à l’environnement.

À son retour dans la capitale française au début des années 2010, elle devient coordinatrice de projet au sein de la Maison de l’Europe de Paris, puis dirige la campagne des écologistes lors des européennes de 2014.

Candidate aux européennes de 2019 sur la liste Europe Écologie-Les Verts (EELV), Mélanie Vogel, qui vit désormais à Bruxelles avec sa compagne – l’eurodéputée allemande Terry Reintke –, est désignée candidate aux sénatoriales de 2021 pour les Français établis hors de France. Au Sénat où, dit-elle, seuls « 2 % des membres ont moins de 40 ans », elle incarne un profil atypique.

Elle se définit ainsi sur son propre site : « Je suis féministe, lesbienne et antiraciste. Je suis pragmatique et donc radicale. » Si elle annonce d’emblée ne pas y aller par quatre chemins, Mélanie Vogel, diplômée de Sciences Po Toulouse et Sciences Po Paris bouscule parfois les codes, comme lorsqu’elle diffuse dans l’hémicycle du Sénat un extrait de « Baraye », l’hymne officieux du mouvement de soutien à l’Iranienne Mahsa Amini.

« Faire de la politique, c’est agir dans le réel »

Queer assumée et revendiquée, Mélanie Vogel est aussi au cœur de la lutte pour les droits des personnes LGBTQ+. Dans une interview au média Lesbien raisonnable, la sénatrice déclare d’ailleurs : « Avant d’avoir des responsabilités, je disais que j’étais queer, parce je pense que c’est plus la réalité de mon identité.

Mais je me suis rendu compte que politiquement, ça servait vraiment à quelque chose de se définir comme lesbienne. »

En janvier 2023, évoquant au Sénat le suicide de Lucas, adolescent de 13 ans s’étant donné la mort après avoir été victime de harcèlement homophobe, Mélanie Vogel, qui souhaite sensibiliser les politiques sur la question du harcèlement des jeunes en raison de leur orientation sexuelle, émeut aux larmes Pap Ndiaye, alors ministre de l’Éducation nationale.

« C’est avec beaucoup de gravité que je voudrais m’adresser aujourd’hui à toutes celles et ceux, y compris au gouvernement, dont les propos ont nourri ou nourrissent ces violences », avait alors lancé la sénatrice, évoquant notamment les critiques dont elle fait elle-même l’objet en raison des photos d’elle et de sa compagne régulièrement publiées sur ses réseaux.

« Si je fais ça, c’est précisément pour donner à voir à des ados comme Lucas un avenir où ils peuvent avoir une place, et pourquoi pas un jour être élus de la République. »

En novembre, la sénatrice écologiste dépose par ailleurs une proposition de loi visant à définir l’absence de consentement comme l’élément constitutif du viol.

Ce texte, qui fait écho à la directive proposant une définition du viol commune aux pays de l’Union européenne, est notamment bloqué par la France.

En France, après avoir essuyé un premier revers en commission fin 2022, le texte sur l’IVG que Mélanie Vogel porte si ardemment est de nouveau débattu, mercredi, par les sénateurs. Ceux-ci devront l’adopter à la virgule près tel que validé fin janvier par l’Assemblée nationale pour que la navette parlementaire cesse, et que le Congrès se réunisse, début mars, pour un vote définitif.

Radicale, mais pragmatique, dans son combat pour la constitutionnalisation de l’IVG, la sénatrice reconnaît avoir fait de grandes concessions sur le texte. « Nous aurions préféré une formulation beaucoup plus ambitieuse », dit-elle. Mais « faire de la politique, c’est agir dans le réel. Or aujourd’hui, c’est soit ce texte, soit pas de texte. »

AFP

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