Cette mesure vise à encourager la 2e transformation locale du bois. Premier pays de la sous-région à avoir interdit les exportations des grumes, le Gabon est devenu le premier transformateur (69%) du bois de la Cemac.
Après un premier report de janvier 2022 à janvier 2023, puis un 2e report à une date qui n’avait jusqu’ici pas encore été précisée, les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), auxquels s’est joint la RD Congo, viennent de convenir d’une nouvelle date d’entrée en vigueur de la décision d’interdire les exportations du bois en grume.
Selon une décision du Conseil des ministres de cette communauté, prise le 23 février 2024 à Bangui, en République centrafricaine, la mise en œuvre de cette mesure visant à encourager la 2e transformation locale du bois doit être applicable dans tous les États de la Cemac (Cameroun, Tchad, RCA et Guinée équatoriale, puisque le Congo et le Gabon appliquent déjà cette interdiction, NDLR) et en RD Congo à compter du 1er janvier 2028. Mais, apprend-on, chacun des pays est chargé de la mettre « progressivement » en œuvre dès le 1er janvier 2025.
« À compter du 1er janvier 2025, les États membres de la Cemac et la République démocratique du Congo prennent, chacun en ce qui le concerne, les dispositions utiles pour l’interdiction, de manière progressive, des exportations de bois tropicaux sous forme de grumes.
L’interdiction mentionnée à l’alinéa précédent s’étend intégralement et de façon absolue à tous les États concernés à compter du 1er janvier 2028. (…) Toutefois, les exportations sous forme de grumes restent autorisées entre pays de la Cemac, ainsi qu’avec la RD Congo, afin d’encourager les échanges industriels dans le cadre de l’activation des chaînes de valeurs transfrontalières », peut-on lire dans la décision signée par le Pr Richard Filakota, président du conseil des ministres de l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC).
Au sein de la commission de la Cemac, nombre de cadres restent sceptiques sur l’effectivité de la mise en œuvre de cette décision aux nouvelles dates indiquées.
« Ce n’est pas la première fois qu’il y a un tel report », confie une source interne à l’organe communautaire, qui fait remarquer que la mise en œuvre de cette mesure d’interdiction en 2022 et 2023, s’était déjà soldée par ce qu’il appelle « la victoire des grands lobbies des exploitants forestiers », qui font pression sur les gouvernements pour poursuivre les exportations des grumes.
Mais, officiellement, les hésitations des quatre autres pays de la Cemac, à savoir le Cameroun, le Tchad, la RCA et la Guinée équatoriale, à implémenter cette mesure d’interdiction déjà mise en œuvre par le Gabon et le Congo, tient des pertes de recettes fiscales que devraient engendrer cette décision.
« Il y a un coût fiscal énorme (…) Compte tenu du contexte dans lequel on se trouve, les ministres ont estimé à tort ou à raison, mais je pense à raison, de repousser cette décision à plus tard », avait confié le 28 octobre 2022 le Gabonais Daniel Ona Ondo, alors président de la commission de la Cemac. Ce dernier justifiait ainsi le report sine die de la mise en œuvre de l’interdiction des exportations des grumes par les pays de la Cemac, au sortir d’une session du conseil des ministres de l’Union économique et monétaire de l’Afrique centrale (UEAC), tenue à Yaoundé.
Transformation locale
Poursuivant son propos, l’ancien président de la commission de la Cemac avait précisé que la mise en œuvre de cette mesure devrait, par exemple, entraîner au Cameroun des pertes de recettes de l’ordre de 80 milliards de FCFA. « Lorsqu’on a mis cette décision en route, le Gabon a perdu 75 milliards de FCFA. Il faut nécessairement des mesures d’accompagnement », avait-il suggéré.
« Il y a certes des pertes fiscales dès le début, mais à la fin tout se normalise. Le Gabon et le Congo engrangent déjà les résultats de l’interdiction des exportations de grumes », soutient une source autorisée.
En effet, premier pays de la Cemac à avoir interdit les exportations des grumes, pour profiter du boom de l’exploitation forestière, dont les coupes ont doublé en 10 ans, passant de 1,9 million de mètres cubes en 2012 à 3,7 millions de mètres cubes en 2021, le Gabon est devenu à la fois premier producteur (40% de la production selon la banque centrale des pays de la Cemac) et premier transformateur (69%) du bois de la Cemac. Avec des retombées notables en termes de plus-value et de création des emplois.
Pour l’heure, le Cameroun, qui ne transforme que 36% de sa production de bois selon les données de la banque centrale, s’emploie à remonter la pente.
En l’absence de l’interdiction des exportations de grumes, le pays a augmenté de 343% au cours des six dernières années, la taxe à l’exportation des grumes. À côté de cette mesure qui vise à décourager les exportations du bois non transformé, le gouvernement a, depuis 2022, exonéré de tous les droits et taxes de douane les appareils, équipements, matériels et outils importés destinés au développement de l’activité locale de « transformation poussée » du bois.
Dans le même temps, un droit d’accise ad valorem de 25% a été institué sur toutes les importations des ouvrages et mobiliers en bois. Cette mesure, qui vise à décourager les importations des produits finis issus de la transformation du bois, apprend-on des officiels Camerounais, encourage plutôt les achats des meubles et autres mobiliers de bureau fabriqués localement, y compris en matière de commande publique.
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