Une équipe de scientifiques a suivi le jeûne de 12 personnes durant une semaine. Elle a constaté de nombreux changements dans l’organisme.
Ils ont passé une semaine sans manger d’aliment solide.
Dans le cadre d’une étude publiée dans la revue Nature Metabolism, 12 participants ont suivi un jeûne de sept jours, durant lequel ils ne pouvaient ingérer que de l’eau.
Une longue période sans manger : quels effets sur l’organisme ?
Le but : observer les changements dans l’organisme induits par une si longue période sans manger. Pour cela, une équipe de la Queen Mary University de Londres a monitoré plus de 3.000 protéines présentes dans l’organisme et a observé leurs variations au cours de la semaine.
Attention, « un jeûne d’une telle durée doit toujours être réalisé avec l’aide d’un médecin », rappellent les chercheurs.
Cette étude a été menée dans un cadre très contrôlé, avec des consultations médicales quotidiennes et des critères d’inclusion stricts. « Les personnes que cela intéresse doivent toujours en parler d’abord à leur médecin.
Nous avons constaté des effets positifs et négatifs mais les bénéfices sont probablement inférieurs aux dommages causés », comme l’apparition de caillots sanguins.
Pour la première fois, les changements opérés dans l’organisme ont pu être observés avec précision.
Dès les trois premiers jours, les premières variations de protéines sont apparues, indiquant une réponse complète de l’organisme à la restriction calorique. Environ une protéine sur trois a subi des changements importants, et ce, dans tous les organes majeurs du corps.
Des changements observés chez tous les volontaires qui vont bien plus loin que la simple perte de poids souvent évoquée dans le cadre d’un jeûne. Neuf familles de protéines différentes ont montré une réponse.
Les hormones de reproduction ne sont plus sécrétées
Première observation, les hormones nécessaires à la reproduction ont cessé d’être sécrétées. « Dès les premières 24 heures, nous avons remarqué une forte augmentation de la follistatine, une protéine qui inhibe la libération de l’hormone FSH (stimulant la maturation des follicules producteurs d’ovules, ndlr).
Et cela peu importe le sexe, aussi bien chez les hommes que chez les femmes.
On ne sait pas ce qui provoque cette augmentation mais nous supposons que c’est l’absence totale de nourriture », explique le Pr Maik Pietzner, épidémiologiste et co-auteur de l’étude à Sciences et Avenir.
L’équipe aimerait pouvoir jeter un œil aux hormones stéroïdiennes (comme les œstrogènes, androgènes et progestatifs), qui ne faisaient pas partie de leur base de protéines.
Dans tous les organes principaux, des changements sont apparus au niveau de la matrice extracellulaire, l’assemblage de molécules qui lie les cellules pour qu’elles forment un tissu.
« Nous avons vu le niveau de plasma des cellules baisser tout au long de la période de jeûne. Peut-être que le système vasculaire (les vaisseaux sanguins) s’est adapté au jeûne en tentant d’être le moins éloigné possible du flux sanguin », commente le Pr Pietzner.
« Aucun des participants n’a présenté des problèmes de cognition ou de bien-être »
Pour l’instant, impossible de savoir quelles conséquences cette baisse pourrait avoir pour les organes uniquement avec ces données. Mais elle pourrait expliquer la perte de « masse maigre » (composée de muscles, de peau, d’organes, en opposition à la masse dite graisseuse) chez les participants.
Surtout, les protéines en charge de la structure des neurones dans le cerveau ont aussi montré des changements.
« Certaines protéines spécifiques au cerveau étaient réduites dans le sang pendant le jeûne. Mais après avoir recommencé à manger, leur taux est revenu rapidement à la normale », explique la Pr Claudia Langenberg, également spécialisée en épidémiologie à l’Université Queen Mary de Londres.
« Aucun des participants n’a présenté des problèmes de cognition ou de bien-être.
Mais nous savons déjà, grâce à d’autres études, qu’un jeune prolongé, au-delà de deux jours, affecte la structure du cerveau car il nécessite principalement du glucose pour fonctionner. »
L’équipe indique qu’il serait intéressant d’observer ces protéines dans le cas de maladies comme l’épilepsie, dont on sait que le jeûne entraîne des effets positifs. « Cela pourrait nous faire voir la maladie sous un autre angle. »
Un risque de caillots sanguins
Les auteurs soulignent l’importance de ne pas ignorer les effets négatifs d’un jeûne aussi long, en particulier pour les personnes présentant déjà des maladies. « Nos participants étaient jeunes et en bonne santé.
Et pourtant, nous avons constaté un risque accru de caillots sanguins », prévient le Pr Langenberg, qui précise qu’environ la moitié des changements métaboliques observés durant ce jeûne pourraient entraîner des effets négatifs.
Certaines protéines ont même montré des changements après le jeûne, quand la prise alimentaire avait recommencé.
« C’est le cas des protéines exocrines libérées par le pancréas. Cela indique que la période de rétablissement après un jeûne aussi extrême est importante. »
Enfin, comme attendu, les participants ont perdu du poids.
Dans les trois premiers jours de jeûne, l’organisme change sa source d’approvisionnement en énergie. Il passe des réserves de glucose aux réserves de gras dans notre corps. En moyenne, les volontaires ont perdu 5,7 kg, à la fois de masse graisseuse et de masse maigre.
Trois jours après la reprise des repas, la masse maigre était revenue quasiment à la normale. La perte de masse graisseuse, elle, n’a pas été compensée après trois jours de repas classiques.
Ces résultats vont dans le même sens que d’autres travaux.
Mais de plus amples études vont être nécessaires pour savoir si cette perte de masse graisseuse persiste, en particulier chez les personnes qui ne changent pas leurs habitudes alimentaires. L’équipe précise aussi qu’au-delà de leur étude, de plus amples travaux vont être nécessaires pour pouvoir démontrer des effets sur la santé à long terme.
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