Le journaliste français Antoine Galindo était en route vendredi pour la France, après une semaine de détention en Éthiopie. Il avait été arrêté lors d’un rendez-vous avec un représentant de l’opposition oromo, et soupçonné par la justice de « conspirer pour créer le chaos » dans le pays.
Le journaliste français Antoine Galindo, incarcéré depuis une semaine en Éthiopie, a été libéré jeudi 29 février et est en route pour la France, a annoncé à l’AFP son employeur, la publication spécialisée Africa Intelligence. « Je vais bien, je suis en bonne santé » et « j’ai été bien traité », malgré des conditions de détention difficiles, a déclaré Antoine Galindo à un journaliste de l’AFP avant son départ.
« Antoine Galindo a été libéré le 29 février après une semaine d’incarcération et a pu quitter Addis Abeba pour regagner Paris », a indiqué à l’AFP Paul Deutschmann, rédacteur en chef à Africa Intelligence.
Sa libération « est un vrai soulagement pour toute la rédaction d’Africa Intelligence qui a hâte de retrouver Antoine », a-t-il ajouté.
Antoine Galindo a été arrêté le 22 février dans un hôtel du centre d’Addis Abeba, en compagnie d’un responsable du Front de libération oromo (OLF), parti d’opposition légalement enregistré, avec qui il avait rendez-vous. Ce dernier est toujours incarcéré.
Le journaliste français a comparu le surlendemain devant un juge qui a ordonné son maintien en détention.
À l’audience, la police a indiqué soupçonner le journaliste de « conspirer pour créer le chaos » en Éthiopie.
Selon une source proche du dossier, elle l’a accusé d’être en lien à la fois avec l’Armée de libération oromo (OLA), groupe armé actif dans l’État régional de l’Oromia et classé « terroriste » en Éthiopie, et avec les milices populaires amhara « Fano », qui affrontent les forces fédérales dans l’État régional de l’Amhara.
Conflits locaux
Africa Intelligence a dénoncé des « accusations fallacieuses » qui « ne se basent sur aucun élément tangible » et une « arrestation injustifiée ».
Antoine Galindo, 36 ans, chef de la rubrique Afrique de l’Est, était arrivé en Éthiopie le 13 février pour couvrir notamment le Sommet de l’Union africaine (UA) à Addis Abeba, siège de l’organisation panafricaine qui lui avait délivré une accréditation.
Mercredi, Selamawit Kassa, secrétaire d’État éthiopienne à la Communication, avait indiqué que le journaliste français avait été arrêté pour avoir outrepassé son accréditation, laquelle l’autorisait, selon elle, uniquement à couvrir le Sommet de l’UA, et pour avoir collecté illégalement « des informations sur des questions politiques internes » à l’Éthiopie.
Le journaliste avait été correspondant en Éthiopie entre 2013 et 2017 pour plusieurs médias internationaux.
Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) avait dénoncé « une arrestation injuste » qui « éclaire le contexte épouvantable pour la presse en général en Éthiopie (…) deuxième pire geôlier de journalistes en Afrique subsaharienne ».
Reporters sans Frontières (RSF) avait fustigé une « détention arbitraire », y voyant « la terrible illustration » de « l’hostilité envers le journalisme indépendant » de la part des autorités éthiopiennes qui « cherchent à contrôler le narratif des récentes tensions sociopolitiques ».
Deuxième pays le plus peuplé d’Afrique (120 millions d’habitants) et mosaïque de quelque 80 communautés ethno-linguistiques, l’Éthiopie est minée par plusieurs conflits locaux, particulièrement en Oromia et en Amhara, les deux États régionaux les plus peuplés.
État d’urgence
En Oromia, qui compte quelque 40 millions d’habitants essentiellement oromo, les forces fédérales affrontent depuis 2018 l’OLA, née d’une scission de l’OLF quand celui-ci a renoncé à la lutte armée et a été légalisé cette année-là. En Amhara, région d’environ 23 millions d’habitants, essentiellement peuplée d’Amhara, l’état d’urgence est en vigueur depuis août pour tenter – jusqu’à présent sans succès – de mater l’insurrection des Fano.
Après des décennies de répression, la liberté de la presse avait fait des progrès spectaculaires à l’arrivée au pouvoir en 2018 de l’actuel Premier ministre Abiy Ahmed qui avait fait libérer plusieurs journalistes et opposants.
Mais la situation s’est à nouveau dégradée depuis 2020 et le début de deux ans de guerre contre les autorités dissidentes de l’État régional du Tigré.
L’Éthiopie a incarcéré plusieurs journalistes éthiopiens et expulsé plusieurs journalistes étrangers depuis 2020. Mais l’emprisonnement d’un journaliste étranger est une première depuis plus de trois ans et l’incarcération mi-2020 durant plus d’un mois d’un journaliste kényan.
Perçu à son arrivée au pouvoir comme un réformateur capable de moderniser l’Éthiopie après des décennies de régimes autoritaires, Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix 2019, a déçu les espoirs placés en lui.
En 2023, selon Reporters sans frontières (RSF), l’Éthiopie pointait au 130e rang mondial en matière de liberté de la presse, en chute de 16 places par rapport à 2022. Selon l’ONG, au 1er janvier 2024, quinze journalistes se trouvaient en prison.
AFP