Le Sommet Climate Chance Europe 2024 Wallonie et la Déclaration de Liège des acteurs non-étatiques sur l’adaptation au changement climatique

Déclaration de Liège sur l’adaptation au changement climatique : Feuille de route de l’adaptation au changement climatique des acteurs non-étatiques réunis lors du Sommet Climate Chance Europe 2024 Wallonie, du 8 au 9 février 2024 à Liège dans le cadre de la présidence belge du Conseil de l’UE.                                      

Nous, réseaux et organisations européens d’acteurs non étatiques – y compris des entreprises, des chercheurs, la société civile, les gouvernements locaux –, réunis à Liège pour discuter de l’avenir du Pacte vert pour l’Europe post-2024, en particulier en ce qui concerne l’adaptation au changement climatique, les solutions fondées sur la nature (SfN) et la résilience,                                 

Reconnaissant l’impact croissant de notre modèle économique, de nos modes de consommation et de gestion des ressources et d’autres facteurs anthropiques sur la biodiversité et le climat, la fréquence et l’intensité croissantes des extrêmes climatiques dangereux et les effets néfastes qu’ils ont sur nos sociétés, avec des inégalités exacerbées, sur l’économie et l’écosystème, et reconnaissant par conséquent l’urgence de s’adapter au changement climatique ;

Notant l’importance de renforcer la résilience des citoyens et des communautés dans l’éventualité d’une défaillance des systèmes socio-économiques, notamment en ce qui concerne la capacité à se procurer et à conserver les éléments essentiels au maintien de la vie (nourriture, énergie, médicaments) et le maintien d’un cadre démocratique qui préserve les droits humains fondamentaux ;

Soulignant que du fait de la triple crise environnementale planétaire sans précédent (changement climatique, perte de la biodiversité et pollution), mais aussi les crises sociales, économiques et géopolitiques sont interconnectées et se renforcent mutuellement, une approche holistique est nécessaire, pour s’attaquer collectivement à ces menaces existentielles ;

Réaffirmant que la meilleure politique d’adaptation est une politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre, que l’Union européenne a un rôle clé à jouer en termes d’exemplarité et d’influence sur les émissions des autres grands émetteurs mondiaux, et la nécessité de développer les politiques et de maintenir l’ambition initiale du Pacte vert ;

Soulignant la nécessité de fonder les stratégies d’adaptation sur la meilleure science disponible, telles que les scénarios d’augmentation des températures mondiales du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les rapports du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur le déficit d’adaptation et les rapports de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) sur la perte de la biodiversité, et en tenant compte des engagements des États dans le cadre de l’Accord de Paris ;

Notant avec inquiétude que la maladaptation, telle que définie par le GIEC, et les risques en cascade non gérés peuvent conduire à des résultats dramatiques et parfois irréversibles pour les écosystèmes et nos communautés. Ces risques peuvent créer des blocages menant à une utilisation intensive des ressources, ces blocages sont difficiles à inverser et exacerbent souvent les inégalités ;

Reconnaissant que les populations précaires, en particulier les femmes et les personnes confrontées à de multiples discriminations, ont souvent moins d’influence sur la planification de l’adaptation et moins de bénéfices apportés par les politiques d’adaptation, et sont particulièrement exposées au risque de subir des dommages et des pertes d’emploi ;

Soulignant que, pour toutes les parties prenantes, en particulier les jeunes et les générations futures, le coût de l’inaction est plus élevé que le coût de l’action et que les incidences sociales des politiques d’adaptation doivent être prises en compte, dans une optique de progrès social et d’égalité entre les hommes et les femmes, conformément aux lignes directrices pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous, telles que définies par l’Organisation internationale du travail (OIT) ;

Soulignant les co-bénéfices potentiels des SfN et des approches écosystémiques, en adoptant une approche basée sur les droits de l’homme et en assurant des garanties environnementales et sociales, pour faire face aux crises du climat et de la biodiversité tout en contribuant à la réduction des risques de catastrophe, à la sécurité alimentaire et hydrique, à la résilience et en bénéficiant à la santé, au bien-être et à l’économie des êtres humains ;

Soulignant l’importance d’une action multi-niveau et multi-acteur, impliquant les citoyens, les communautés, le secteur de l’éducation, les gouvernements locaux, les associations, les syndicats et le secteur privé, en collaboration avec les institutions nationales et européennes et les autorités et organisations supranationales ;

Soulignant l’importance d’un système d’assurance qui préserve l’égalité entre les citoyens et les territoires, qui soit un acteur de la solidarité et de la prévention, qui ne laisse personne sans protection d’assurance et qui soutienne les parties prenantes dans leurs politiques d’intégration des risques ;

Soulignant qu’il est urgent d’aborder la crise mondiale de l’eau avec une stratégie globale de l’UE pour l’eau, un « Pacte bleu » de l’UE qui sera intégré dans le Pacte vert, et également dans toutes les politiques de l’UE ; soulignant la nécessité d’encourager la protection, la conservation et la restauration des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques et marins, qui jouent également un rôle clé dans la fourniture d’avantages et de co-bénéfices en matière d’adaptation au climat, tout en garantissant des sauvegardes sociales et environnementales, comme cela a été reconnu dans la conclusion du premier

Bilan mondial de l’Accord de Paris ;

Convenons collectivement de :

Appeler tous les niveaux politiques ainsi que les acteurs non étatiques à faire de l’adaptation une priorité clé dans l’élaboration des politiques, à intégrer une culture de la prévention et de la résilience à tous les niveaux de gouvernance et à produire des évaluations des risques climatiques et environnementaux afin d’informer et de renforcer les futurs plans d’adaptation.

Mobiliser les gouvernements locaux, le secteur privé, y compris les assureurs et les investisseurs, les syndicats et la société civile, en les impliquant dans la conception de plans et de politiques d’adaptation locaux et régionaux ascendants et tenant compte de la dimension de genre.

S’engager à adopter une approche locale et régionale des questions d’adaptation, dirigée par et basée sur les communautés, en tenant compte de la diversité des vulnérabilités et de leur caractère local. Le financement, la mobilisation et le renforcement des capacités des initiatives au niveau des communautés et des autorités locales, conduisant à une participation significative dans les processus démocratiques, sont importants pour le succès des politiques d’adaptation.

Exhorter les décideurs à tous les niveaux de l’UE, compte tenu de leur rôle essentiel et de premier plan sur les questions climatiques, à :

Accélérer la mise en œuvre des politiques d’adaptation, de résilience et des projets SfN, en intégrant les vulnérabilités liées au genre, le travail de soins rémunéré et non rémunéré, la communication et la formation sensibles au genre, ainsi que le suivi et l’évaluation des actions sensibles au genre, à la hauteur des défis auxquels nous sommes confrontés et alignés sur les recommandations scientifiques.

Demander à la Commission européenne de mettre à jour et d’accroître l’ambition de ses politiques au-delà de sa stratégie d’adaptation 2021, en abordant les vulnérabilités et les besoins politiques identifiés dans la première évaluation des risques climatiques de l’UE menée par l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), et en reliant les considérations d’adaptation au climat au contexte plus large de résilience régionale. En particulier :

– Mettre en œuvre le Pacte vert pour l’Europe pour construire une Europe socialement juste et résiliente, atténuer le changement climatique, stopper la perte de biodiversité et limiter l’utilisation des ressources, y compris l’eau, et intégrer les objectifs de l’UE en matière d’égalité entre les hommes et les femmes.

– Fixer des objectifs intermédiaires et des jalons pour ouvrir la voie à l’objectif de résilience de la stratégie pour 2050, y compris des indicateurs pour suivre les progrès sur le terrain, à la suite du Conseil consultatif scientifique européen sur le changement climatique.

– Élaborer des propositions concrètes pour intégrer l’adaptation à tous les niveaux de gouvernance et dans les politiques sectorielles, en particulier dans les secteurs de   l’agriculture, de l’industrie, de l’énergie et des transports, en montrant qu’une économie plus verte et résiliente préservera et créera des emplois qui réduiront les inégalités et créeront une société plus sûre et plus prospère favorisant l’entrepreneuriat et l’innovation verts et sociaux.

– Consacrer une part suffisante des fonds et des nouvelles ressources de l’UE aux SfN, en lien avec les stratégies de restauration de la biodiversité, et aux projets locaux d’adaptation et de prévention, et veiller à ce que les fonds soient plus facilement accessibles aux initiatives menées par les communautés et les autorités locales lors de l’examen du prochain cadre financier pluriannuel (CFP) de l’UE pour la période 2028-2034.

– Créer des plateformes de partage des connaissances et de renforcement des capacités concernant les mécanismes de financement, en intégrant des lignes directrices sur les garanties environnementales et sociales, qui soient accessibles et adaptées à toutes les parties prenantes publiques ou privées ayant le pouvoir de concevoir et de mettre en œuvre des actions en matière d’adaptation et de SfN.

– Eliminer progressivement les subventions nuisibles à la biodiversité et au climat, et mettre activement en œuvre les stratégies « Biodiversité 2030 » et « De la ferme à la table », en intégrant des mesures tenant compte de l’égalité des sexes et une approche ascendante « bottom-up ».

– Faire progresser la compréhension de ce que signifie et comment rendre opérationnelle une transition juste en matière de politiques d’adaptation et de stratégies de renforcement de la résilience.

S’engager et concrétiser la négociation internationale sur le climat afin de fixer un « nouvel objectif collectif sur le financement climatique » en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement, ainsi qu’avancer sur l’importance de la réforme de l’architecture financière multilatérale en profitant de l’occasion offerte par les discussions sur le Sommet de l’avenir de l’ONU.

Promouvoir les meilleures pratiques en matière de conception des politiques – suivi en continu, rapportage et vérification « MRV, monitoring, reporting and verification » – qui considèrent l’adaptation, la résilience, les SfN, ainsi que la prévention de la maladaptation comme des éléments nécessaires au succès, à l’efficacité, à la qualité et au bien-être, dans les limites de la planète.

Souligner l’importance de la prise en compte des questions d’adaptation dans le cadre des marchés publics de l’UE.

Prendre en compte, dans une société européenne où la majorité de la population vit dans les villes, l’importance d’une planification urbaine et de l’habitat qui tienne compte de l’accélération du besoin d’adaptation à la triple crise planétaire, en particulier en termes de santé.

Concevoir des politiques territoriales de développement et d’adaptation durables Basées sur la pertinence des territoires ruraux pour la biodiversité et les SfN, qui prennent en compte les liens fonctionnels entre les territoires ruraux et urbains et leurs environnements naturels.

Favoriser le développement des connaissances, l’enseignement et l’échange d’apprentissage itératif, basé par exemple sur le MRV mentionné ci-dessus et la recherche scientifique pertinente, sur la planification et l’action d’adaptation au climat, afin de stimuler l’innovation et la collaboration transnationale, y compris à tous les niveaux territoriaux et de gouvernance, et de tirer effectivement des enseignements de l’action sur le terrain.

Inciter fortement le secteur privé et le secteur financier à augmenter les investissements dans l’adaptation en suivant l’approche holistique de cette déclaration.

En conclusion, cette déclaration démontre notre engagement collectif à nous adapter aux défis posés par le changement climatique, sans préjudice de nos engagements à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à restaurer le rôle et la fonctionnalité de la biodiversité. C’est un appel à l’action, ancré dans l’esprit du Pacte vert pour l’Europe, qui encourage la coopération, la résilience et la responsabilité partagée pour le bien-être de nos communautés et de la planète.

vivafrik

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