« Pas besoin de désherber, ça pousse très vite en étouffant les mauvaises herbes »: Olivier Schintgen, agriculteur céréalier sur 187 hectares dans l’Essonne a découvert la culture du chanvre bio il y a trois ans, et il est devenu accro.
Ils contribuent ainsi à faire baisser la consommation énergétique des bâtiments et à décarboner la construction, secteur qui émet près de 40% des émissions mondiales de CO2 responsables du réchauffement de la planète.
Mais alors que la France comptait jusqu’à 176.000 hectares de chanvre cultivé vers 1830, utilisé principalement dans l’industrie textile, elle n’en compte plus que 23.145 aujourd’hui, exploités par 1.550 agriculteurs dans tout le pays, soit 0,3% des paysans français essentiellement dans le Grand Est, la Vendée, la Seine-et-Marne et la Haute-Saône.
Une toute petite filière agricole, mais en pleine renaissance: « Dans les années 60-70, on était descendu à 300 hectares de chanvre au plus bas », se console Franck Barbier, agriculteur et président d’InterChanvre, l’interprofession du secteur créée en 2003
– 15 t de CO2/ha –
Outre ses capacités de puits de carbone captant 15 tonnes de CO2 par hectare, les agriculteurs sont surtout attirés par l’intérêt agronomique de la plante « qui laisse les champs propres », est « sobre en eau » et permet d' »éviter l’utilisation de fongicides, d’herbicides et d’insecticides », souligne M. Schintgen.
Le maire de Trilport en Seine-et-Marne, Jean-Michel Morer défend la filière depuis 2009. Il a été un des pionniers des eco-quartiers conçus à partir de matériaux biosourcés (bois, chanvre…) et locaux.
« Ma région a été fortement polluée par l’atrazine pendant des années », un herbicide systémique dangereux désormais interdit, « et je cherchais comment rendre l’agriculture plus propre sans appauvrir les sols », explique-t-il à l’AFP.
« Tout est exploitable dans cette plante », s’enflamme-t-il: la graine est utilisée pour de l’huile alimentaire ou des cosmétiques, la tige intérieure (ou chénevotte) sert à la fabrication du béton de chanvre, de litière animale ou de paillage horticole, et la paille ou fibre sert à fabriquer les isolants du bâtiment, s’utilise dans l’industrie textile, la plasturgie automobile (pour des garnitures intérieures de voitures), et surtout dans la papeterie, son débouché historique.
Mais le revenu reste moins élevé que le blé ou les céréales, surtout qu’il n’existe pas de prix du marché mondial, admet Joël Lagneau d’Interchanvre.
« Pour que le prix soit attractif et encourage les agriculteurs à semer du chanvre, nous augmentons leur rémunération pour sécuriser nos approvisionnements », explique Arthur Cordelier, charpentier et directeur général de la jeune société Wall Up, créée en 2019, à Aulnoy (Seine-et-Marne). Wall Up a inventé un concept de panneau isolant pré-fabriqué à ossature bois, rempli d’isolant en chanvre, pour la construction.
Autre frein au développement, le manque d’outils de transformation, usines ou coopératives, qui soient proches des exploitations agricoles. La France compte sept chanvrières seulement.
L’une des plus connues, la Cavac en Vendée, est en train de tripler ses capacités de production après un investissement de près de 30 millions d’euros, Planète Chanvre en Seine-et-Marne également.
Dans l’Essonne, Gatichanvre a investi 3 millions d’euros pour redémarrer son usine, explique Delphin Pallu, son directeur.
Pour développer encore plus la culture, la filière espère « obtenir un feu vert de Bruxelles » pour que le chanvre bénéficie de subventions de la politique agricole commune (PAC) dites « pour services environnementaux » ou qu’il puisse être produit sur les jachères, « puisqu’il n’a besoin d’aucun pesticide », explique Franck Barbier. « Notre but est de parvenir à 45.000 hectares d’ici 2027 ».
AFP