La bataille des héritiers de Johnny Hallyday a fait couler beaucoup d’encre depuis la mort du Taulier. Plus récemment, la succession de Lisa Marie Presley a fait se déchirer sa famille. Et que dire des enfants d’Alain Delon, déjà en guerre alors que leur père est encore vivant ? Le testament d’une star est presque toujours source de conflit pour sa famille et de fascination pour son public. Bernard Pascuito, auteur du livre Les Héritiers, nous explique pourquoi.
Alain Delon n’est pas encore mort que déjà son héritage intéresse les médias. Comment a-t-il réparti sa fortune entre ses trois enfants ? À combien s’élève exactement le montant de son patrimoine ? A-t-il de l’argent caché ? Des questions soulevées sur fond de querelle familiale entre les trois enfants, qui se déchirent sur la place publique à coups d’interviews, de passages à la télévision et de messages cinglants postés sur les réseaux sociaux.
La plupart des stars le savent : les affaires de testament détruisent des mythes.
Le public découvre tout d’un coup les faiblesses et défauts d’une idole. Mais aussi les tensions qui régnaient en secret entre les membres d’une famille. Ou la ruine de certains, que l’on considérait pourtant riches comme Crésus. De Michel Sardou à aux Presley, Bernard Pascuito, auteur du livre Les Héritiers, réédité aux éditions Litos en janvier 2024, nous explique pourquoi les affaires d’héritages nous passionnent tant.
Gala.fr : Vous annoncez en préface de votre livre que l’amour est ce qui se trouve au cœur des conflits d’héritage, bien plus que l’argent. Comment l’expliquez-vous ?
Bernard Pascuito : L’héritage, c’est une preuve d’amour. Chaque personne a un sentiment d’être légitime dans l’amour et dans la reconnaissance que lui devait le défunt. Forcément, cet amour est quantifié par les sommes accordées à chacun, et c’est là que les tensions et les jalousies apparaissent.
L’héritage, c’est la vie en pire. Tout d’un coup apparaissent tous les manques ou des actes cruels. Dans l’affaire Delon, on s’aperçoit soudainement, à l’approche de sa mort, que ses garçons ont été psychologiquement broyés par leur père.
Chez les Hallyday, ce qui apparaît c’est qu’il a eu beaucoup de mal à donner de l’amour à David et Laura, parce que lui-même en a été privé dans sa petite enfance à cause de son père, parti comme un voleur quand il avait 8 mois, et de sa mère, qui n’a jamais su s’occuper de lui… C’est ça que ça révèle.
« Dans le cas Delon, on est dans le désamour »
Est-il vrai que la loi française concernant les héritages est l’une des plus strictes au monde, comme l’avait prétendu l’avocat de Laeticia Hallyday ?
Il est vrai qu’on est dans un pays où la loi sur l’héritage est quand même très spéciale. On donne aux enfants l’impression qu’ils sont légitimes, en leur accordant les trois quarts des biens des parents (ou bien la moitié, dans le cas d’un enfant unique).
Prenons la famille Delon : les trois enfants héritent tout de même de 75% du patrimoine d’Alain Delon. Lui se garde 25% comme quotité disponible. Soit. Mais admettons que Delon soit de nature un peu plus généreuse et altruiste : il pourrait avoir envie de donner un peu de sa fortune à sa demi-sœur Paule-Edith ou à son demi-frère Jean-François.
Et puis, il adore les animaux, les chiens surtout. Alain Delon aurait pu avoir envie de faire un don à la SPA sur ses 25% de quotité disponible. Mais la loi l’oblige à donner les trois-quarts de sa fortune à ses enfants, donc il ne verse rien à ses autres proches.
Même si Alain Delon a tout prévu, on voit qu’Anthony, Anouchka et Alain-Fabien sont déjà en guerre ouverte. Doit-on s’attendre à ce que l’héritage de leur père soulève de nouvelles querelles après sa mort ?
Chez les familles qui ont plusieurs enfants, on trouve souvent de la jalousie entre frères et sœurs. Une sœur peut dire qu’elle s’est occupée de son père durant toutes ses dernières années tandis que ses frères habitaient loin et ne venaient pas le voir. Dans sa tête, elle estime qu’elle a droit à plus, en guise de gratitude.
C’est ce qu’on constate chez les Delon. Alain Delon a décidé de donner une grande partie de sa quotité disponible à Anouchka, ce qui fait au final 50% de sa fortune pour elle, 25% pour Anthony et 25% pour Alain-Fabien. Alors là, si on veut créer des ennuis, c’est la voie royale… De manière générale, le cas Delon est intéressant, parce qu’on est dans le désamour.
Quand on connaît le comportement d’Alain Delon avec ses fils dans leur enfance et leur adolescence, il y a de quoi tomber de sa chaise…
Forcément les frères sont jaloux d’Anouchka depuis des années parce qu’Alain Delon la met en permanence en évidence, l’érige en symbole de la perfection. Et là, en plus, il lui donne le double à l’héritage. C’est dur à vivre pour eux, même si, apparemment, tout est réglé côté succession.
Comme Alain Delon, Hugues Aufray ou encore Michel Sardou ont eux aussi déjà réglé les détails de leur départ. Peut-on penser que leur choix a été motivé par les guerres d’héritage qu’on a pu voir chez les Hallyday pour ne citer qu’eux ?
Vouloir tout régler avant sa mort, ça devrait toujours être fait dans l’idée de vouloir protéger ses proches et éviter les inimités. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Certains règlent leur succession par peur des scandales qui éclateraient dans la presse. C’est une mauvaise raison. Je pense que Michel Sardou a dû régler son héritage de la façon la plus juste possible pour protéger ceux qu’il aime.
On est dans le cas de quelqu’un qui est marié, avec Anne-Marie Périer en troisième noces, et qui a quatre enfants, dont deux filles, Sandrine et Cynthia nées d’une première union et deux fils, Romain et Davy, qui sont nés de son deuxième mariage avec son ex-femme Elizabeth Haas. Ça doit donc faire autour de 15% du patrimoine par enfant et environ 40% pour Anne-Marie Périer. Mais il ne devrait pas y avoir de scandale pour l’héritage de Sardou. Il a fait les choses de manière minutieuse, concrète, rationnelle.
S’intéresser autant aux querelles d’héritages n’est-il pas un moyen pour les fans d’entretenir une sorte de flamme, de semblant d’existence, autour de l’idole disparue ?
Non je ne pense pas. L’affaire de l’héritage de Johnny Hallyday a plus abîmé les choses qu’entretenu une flamme… Ça a gâché le souvenir de Johnny. Les gens n’aiment pas voir deux familles qui se déchirent avec des discours de haine. Ce n’est pas digne. Chez les stars, qui ont souvent beaucoup plus d’argent que le commun des mortels, c’est intéressant de voir que ce n’est pas tant l’argent qui déchire.
Laura Smet disait : « Je n’ai même pas eu la pochette du disque Laura. » Dans le fond, une pochette, ce n’est rien du tout… mais ça signifiait tout pour elle. Elle voulait aussi la guitare de son père, celle qu’elle adorait. David voulait le droit de contrôle sur l’œuvre de son père et la chanson Sang pour sang, qu’il a composée pour Johnny et dans laquelle il parle de leur relation, lui qui n’a jamais su « trouver les mots « . C’est ça qui a fendu le cœur du public…
« Des faux-semblants qui se brisent ou des soupçons qui se confirment »
Selon vous, pourquoi les médias s’emparent-ils de certaines affaires d’héritage plus que d’autres, à l’instar de cas récents comme les successions de Lisa Marie Presley ou de Gina Lollobrigida ?
Les personnages célèbres morts dans des conditions un peu douteuses, ou jeunes, ce sont déjà des éléments de fascination. En plus, quand des embrouilles éclatent entre les héritiers, on se rend compte que les tensions cachées existaient dans ces familles célèbres depuis des années, donc ce sont des faux-semblants qui se brisent, ou des soupçons qui se confirment.
Dans votre livre, vous consacrez une section « au syndrome de la belle-mère ». Pourquoi la belle-mère est-elle souvent perçue comme la méchante dans les affaires d’héritage ?
Les enfants ont toujours un peu de mal à intégrer une nouvelle femme dans la vie de leur père. Déjà, c’est quelqu’un qui vient prendre la place de la mère. Et puis, il y a aussi le malaise causé par de faibles différences d’âge entre eux et la jeune belle-mère. Laeticia Hallyday n’a que 8 ans de plus que Laura Smet… Laura vivait déjà séparée de son père depuis plusieurs années quand il a rencontré Laeticia.
Et tout d’un coup, il apparaît au bras d’une femme à peine plus âgée qu’elle, qu’il ne quitte pas d’une semelle tandis qu’elle-même passe peu de temps avec son père.
Vous imaginez ce qu’elle a pu ressentir ? Et puis, le comble avec certaines belles-mères comme Laeticia Hallyday, c’est qu’elles se plaignent souvent d’avoir dû s’occuper seules de leurs maris célèbres, alors même qu’elles sont la cause de leur éloignement avec leurs enfants. Évidemment, quand on a éradiqué tout le monde de la vie de quelqu’un, à commencer par les enfants, on se retrouve seul à prendre en charge ladite personne…
Avez-vous des exemples de successions « réussies » chez les stars ?
Je trouve absolument magnifique la façon dont France Brel gère la mémoire de son père Jacques Brel. Elle y a consacré sa vie. Brel est mort en 1978, elle a monté la Fondation Jacques Brel vers 1980, à Bruxelles. C’est un formidable petit musée dédié au chanteur.
Un autre cas, c’est la succession de Serge Gainsbourg. Il meurt en laissant quatre enfants de trois lits différents et sans signer de testament. Normalement, ça devrait être le scénario parfait pour une guerre d’héritage. Mais au final, ça c’est bien passé parce que les quatre enfants ont eu l’intelligence de ne pas se déchirer.