En cette année d’élections européennes, les grands groupes européens et les partis nationaux se cherchent des têtes de listes pour affronter ce scrutin, en juin. Selon les affinités politiques, la campagne portera davantage sur la place de l’Europe dans le monde, le pouvoir d’achat des Européens, la transition écologique ou les questions migratoires et de souveraineté.
Avec le remaniement ministériel en France, le groupe Renew Europe, celui de la majorité présidentielle, a perdu son chef de file, Stéphane Séjourné, devenu ministre des Affaires étrangères.
Il est remplacé par Valérie Hayer, jusque-là peu connue du grand public : 37 ans, fille d’agriculteur, elle a été élue à la présidence de ce très grand groupe central au Parlement européen le 25 janvier dernier, et devra en porter les priorités : « le fameux Pacte vert et la protection de l’état de droit, des libertés fondamentales, des enjeux de compétitivité et de souveraineté européenne ».
« C’est un honneur, une fierté et une grande responsabilité de représenter les 101 députés de ce groupe charnière sans lequel aucune majorité n’est possible au Parlement européen, et qui a donc une vraie force d’influence », nous confie Valérie Hayer.
Alors que le scrutin des élections européennes se rapproche, le parti présidentiel en France n’a pas encore désigné sa tête de liste : « On n’a pas de retard. […] La réalité, c’est qu’on parle d’Europe depuis le premier jour du premier mandat d’Emmanuel Macron. Et évidemment, la majorité présidentielle est active sur les enjeux européens […] et on va entrer dans la campagne dans les prochaines semaines. »
Et, même si son nom circule parmi les potentielles têtes de liste, elle ne confirme pas qu’elle y est candidate : « Évidemment que je serai très active dans la campagne nationale, mais ma priorité c’est le groupe politique dont je viens de prendre les rênes. […] L’enjeu, c’est de conserver l’unité et la cohésion du groupe sur les prochains dossiers législatifs qui arrivent, parce qu’on a encore du travail avant le lancement de la campagne, […] notamment sur le Pacte Asile et Migration et le Pacte de stabilité et de croissance. »
Le Parlement européen vient de voter une directive sur les violences faites aux femmes, mais le viol en est absent, en raison de la vive opposition d’une dizaine de pays, dont la France, l’Allemagne, la Pologne et la Hongrie, qui refusent d’intégrer la notion de consentement dans la définition du viol, position très critiquée par la gauche et peu lisible pour les citoyens.
Si la France s’y est opposée, « c’était pour des raisons juridiques », souligne Valérie Hayer.
« Avec mon groupe Renew Europe, et même les députés français membres du groupe, nous sommes en faveur de l’inclusion de la définition du viol dans cette directive, […] et nous avons une lecture différente de ces arguments juridiques », nous confie-t-elle, « mais c’est quand même un très grand texte, avec des avancées majeures pour la protection des femmes partout en Europe, avec la reconnaissance en tant que crime européen des crimes en ligne, et notamment du revenge porn, la question du mariage forcé, ou encore celle des mutilations génitales. […]
La question du viol est abordée dans le cadre de la prévention, c’est une première étape, […] et nous en aurons une autre dans un autre temps pour continuer à avancer sur cette question de la définition du viol. »
Les agriculteurs européens manifestent leur colère. Tout comme d’autres avant eux, c’est en Espagne et au Portugal qu’ils expriment leur opposition à la Politique agricole commune (PAC), trop complexe selon eux, mais également aux normes trop restrictives du Pacte Vert. Valérie Hayer, elle-même fille et petite-fille d’agriculteurs, tient à rappeler que « dans la PAC telle qu’on l’a négociée au début du mandat, et qui a été adoptée avec l’aval de la France, l’idée c’est d’avoir ce triptyque revenu des agriculteurs, transition environnementale et souveraineté alimentaire. […]
Ces mobilisations se nourrissent des mécontentements à la fois sur des dispositifs nationaux, et sur des dispositifs européens, et je m’insurge contre ceux qui disent que c’est une grogne anti-Europe. C’est faux : il y a des mécontentements vis-à-vis de l’Union européenne, mais il y a aussi des attentes très fortes au niveau national. »
Les mesures nationales prises en France ont été portées au niveau européen par Emmanuel Macron, et c’est grâce à cela, nous dit-elle, que « la Commission européenne a accepté une dérogation d’un an sur la question de la jachère et de mettre en œuvre la clause de sauvegarde sur les œufs, le poulet et le sucre ukrainien », dont les importations à bas coût depuis le début de la guerre menacent les productions européennes.
Des aménagements qui, dans une volonté d’apaisement de cette crise agricole, ont provoqué l’indignation de certains parlementaires européens et associations de défense de l’environnement, inquiets que Bruxelles ne recule sur des ambitions environnementales face à la pression agricole.
Valérie Hayer insiste : « On ne doit pas opposer – et d’ailleurs on n’oppose pas – agriculture et environnement. Les agriculteurs sont les premières victimes du réchauffement climatique et ils sont eux-mêmes l’un des acteurs majeurs dans la lutte contre le réchauffement climatique. »
Ursula von der Leyen a également remis en cause la loi sur la réduction des pesticides, qui avait été rejetée par le Parlement européen mais en faveur de laquelle Valérie Hayer avait voté : « Je voulais un texte ambitieux et j’ai voté en faveur de ce texte. Seulement, on est arrivé dans une situation où l’alliance de l’extrême droite et de la droite au Parlement européen a généré un texte complètement vidé de sa substance.
Donc ce texte n’a pas abouti et Ursula von der Leyen a annoncé qu’elle le retirait. […]
On attend qu’elle fasse une nouvelle proposition pour le prochain mandat. Il faut qu’on avance sur cette question-là et on a tous intérêt, collectivement, à aller vers une réduction de l’usage des pesticides. […] Les agriculteurs ne sont pas les premiers ravis d’utiliser des pesticides pour des raisons sanitaires et de coût économique, mais il faut qu’on les accompagne vers des alternatives. »
La présidente du groupe Renew Europe au Parlement européen tient par ailleurs à rappeler que « si cette loi sur les pesticides est tombée, c’est à cause de l’alliance entre l’extrême droite et la droite, alors même que le fait d’européaniser la réduction de l’usage des pesticides permettait de mieux soutenir les agriculteurs, notamment français ».
Elle dénonce plus particulièrement « l’hypocrisie de l’extrême droite, avec Jordan Bardella qui se dit le premier soutien des agriculteurs en France.
La réalité, c’est que le Rassemblement national a voté en faveur de la PAC, c’est-à-dire les contraintes réglementaires de la PAC, mais il a voté contre son budget, c’est-à-dire les 9 milliards d’euros dévolus chaque année aux agriculteurs français. Il disait par ailleurs, il y a quelques mois, qu’il était le premier écologiste de France, et aujourd’hui il dit qu’il faut mettre à bas le Green Deal.
Il y a un opportunisme électoral qui est assez insupportable, je trouve. »
D’autres pans du Pacte Vert se trouvent bloqués par cette alliance de la droite et de l’extrême droite au Parlement européen, comme la loi sur la restauration de la nature. Une vingtaine de textes doivent encore être votés d’ici la fin de la mandature et risquent de ne pas voir le jour parce qu’ils auraient été bloqués.
Valérie Hayer constate une offensive contre le Pacte vert au Parlement européen « depuis un an à peu près. Une lame de fond anti-Green deal pour des raisons purement électoralistes. Il y a des textes qu’on a votés en début de mandat qu’on ne pourrait plus voter aujourd’hui.
C’est ça la réalité et c’est extrêmement préoccupant. »
Elle concède qu’au sein même du groupe Renew Europe, qu’elle dirige, il y a des divergences sur ces sujets. Mais elle assure que « la ligne de notre groupe, elle est très claire, majoritairement et je dirais même en bloc, on soutient le Green Deal, on soutient aussi les agriculteurs ». Un « en même temps » dur à tenir ?
Elle en convient, « mais il faut l’assumer impérativement ! […]
Il faut qu’on aille au bout du Green Deal, mais surtout – et ce sera la grande responsabilité de la prochaine Commission européenne – il est maintenant temps de s’assurer que tous les textes soient mis en œuvre, qu’on ait des mesures d’accompagnement des agriculteurs mais aussi d’autres acteurs en la matière. Ça a beaucoup manqué aussi, et ça va être l’une de nos responsabilités, l’une de nos tâches principales. »
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