Avec la réception des chefs de partis à l’Élysée, puis un débat au Parlement, le camp présidentiel espère mettre la lumière sur les ambiguïtés du Rassemblement national.
Terrain d’affrontements. Depuis l’organisation d’une conférence de soutien fin février à Paris, et ses propos remarqués sur l’envoi possible de troupes au sol, Emmanuel Macron s’attache à replacer la guerre en Ukraine au cœur du débat politique français.
Après s’être entretenu avec ses deux prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande mercredi, au retour d’une visite express en République tchèque, le président de la République reçoit ce jeudi 7 mars les chefs de parti de la majorité et de l’opposition à l’Élysée pour évoquer la situation à l’est de l’Europe.
Une séquence internationale qui se poursuivra ensuite avec un débat à l’Assemblée puis au Sénat les 12 et 13 mars prochain concernant l’accord bilatéral de sécurité signé mi-février avec son homologue Volodymyr Zelensky.
C’est la première fois que le chef de l’État use de l’article 50 de la Constitution pour convoquer de tels échanges (avec un vote à la clef) concernant l’Ukraine.
Appuyer sur les talons d’Achile
Pour la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot, cette volonté de « consulter, dialoguer » est « fondamentale » à l’heure « d’un durcissement extrêmement présent de la Russie de Vladimir Poutine », selon ses mots à la sortie du conseil des ministres mercredi 6 mars. Difficile, néanmoins de ne pas déceler quelques arrière-pensées derrière ces différentes initiatives venues de l’Élysée à trois mois des élections européennes.
La guerre en Ukraine, qui avait déjà été au cœur de la présidentielle de 2022, apparaît comme l’un des grands sujets sur lequel l’exécutif veut mettre en exergue les clivages parfois béants avec les autres formations politiques.
En clair : tenter de mettre la lumière sur le positionnement des oppositions dans ce conflit, en particulier celui de l’extrême droite.
Le vote notamment sera un « moment de vérité » car « il est essentiel que les Français puissent savoir qui défend qui », avait ainsi lâché la porte-parole du gouvernement mercredi 28 février, alors que le président de la République s’attirait les foudres des oppositions après ses propos sur l’envoi potentiel de troupes occidentales en Ukraine. Après les critiques, chacun devra donc se positionner.
Une façon d’appuyer sur le talon d’Achile de deux formations majeures : la France insoumise, dont les prises de position suscitent de régulières controverses et surtout le Rassemblement national qui caracole en tête des sondages en vue des européennes.
Ce n’est pas un hasard si Gabriel Attal hausse le ton contre la formation présidée par Jordan Bardella, rappelant ses ambiguïtés à l’égard du Kremlin, au point de les assimiler à des « troupes de Poutine » en France. Comme un amuse-bouche aux débats à venir l’Ukraine.
Le retour, aussi, de l’effet drapeau ?
Force est de constater que le retour de ces enjeux dans le débat français permet, aussi, à Emmanuel Macron de s’extirper de la tenace crise dans les campagnes, de faire oublier les images calamiteuses de son passage au salon de l’Agriculture, tout en prenant un peu de hauteur sur les sujets nationaux.
Une façon de rejouer l’effet drapeau de la présidentielle 2022 ?
Bouleversée par l’invasion des troupes russes et les premières semaines de guerre en Ukraine, la campagne électorale avait réussi au chef de l’État. Le président avait effectivement fait une percée dans les sondages au profit d’un phénomène selon lequel les électeurs, en cas de crise, préfèrent opter pour le candidat sortant et son halo rassurant.
C’est en tout cas la crainte exprimée par Éric Ciotti, mardi, dans la matinale de franceinfo.
« On voit bien le petit scénario qu’est en train d’installer le président de la République, c’est le chef de guerre dans un duel qu’il installe en politique intérieure contre le Rassemblement national qui serait l’avant-nez de monsieur Poutine », a ainsi pesté le président des Républicains, en redoutant de voir la campagne des européennes « confisquée » comme l’a été à ses yeux celle de la présidentielle.
« Il dramatise les choses, il nous rejoue le même scénario », souffle encore le député.
Quoi qu’il en soit, le calendrier du camp présidentiel va lui permettre de continuer à mettre le sujet ukrainien au cœur de l’actualité. La coalition Renaissance, MoDem et Horizons tient son premier meeting de campagne, samedi à Lille, pour donner le ton des mois à venir.
Viendront ensuite les débats au Parlement, puis la visite du président de la République à Kiev. Maintes fois repoussée, elle est prévue pour la mi-mars.
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