Qui est Jimmy Chérizier alias «Barbecue», chef de gang en Haïti qui plonge le pays dans le chaos?

Il sème la terreur depuis des années en Haïti et s’affiche en ce moment ouvertement comme le chef d’une révolution qui veut chasser du pouvoir le Premier ministre. Jimmy Chérizier, surnommé « Barbecue », a menacé de déclencher une guerre civile qui conduirait à un génocide si Ariel Henry ne démissionnait pas. Qui est ce chef de gang, ancien policier de 46 ans ?

Certains l’appellent « l’homme le plus puissant d’Haïti ». Et en ce moment, ce qualificatif n’est pas loin de la réalité. Les violences provoquées par ses hommes empêchent le Premier ministre de rentrer dans le pays, créant un vide de pouvoir dont Jimmy Chérizier compte bien profiter.

Cet ancien policier est le chef de l’un des gangs les plus puissants, nommé « G9 et famille ». Lui d’ailleurs n’aime pas le mot gang et préfère parler de « groupe armé ». Toujours est-il que « G-9 et famille » est en grande partie responsable de la violence dans laquelle le pays s’est enfoncé depuis 2020.

Soutien des autorités

Dès l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse en juillet 2021, Jimmy Chérizier appelle à une révolution contre l’élite politique du pays, une élite dont certains membres l’ont toutefois soutenu dans ses activités criminelles. Selon des experts onusiens, le gouvernement Moïse et une partie de la police lui auraient donné de l’argent et des armes. Avec ses hommes, il contrôlait notamment les quartiers pauvres de la capitale, à tendance majoritairement anti-gouvernementale.

D’après le site InSight Crime, jusqu’à l’assassinat de Jovenel Moïse, la moitié du financement de « G9 et famille » provenait des autorités haïtiennes.

Le soutien financier aurait chuté de 30% après juillet 2021. Toujours selon InSight Crime, « Barbecue », afin de protester contre le gouvernement intérimaire d’Ariel Henry (désigné après l’assassinat de Jovenel Moïse) et peut-être pour « regagner l’influence politique et économique perdue », a lancé des opérations de blocage du plus grand terminal pétrolier d’Haïti, le terminal Varreux, provoquant une pénurie d’essence à travers le pays.

Aujourd’hui, il est difficile de savoir si « Barbecue » est encore soutenu par des personnalités politiques et économiques, comme d’ailleurs d’autres chefs de gang.

Le chef de gang haïtien Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », photographié le 5 mars 2024.
                                                    Le chef de gang haïtien Jimmy Chérizier, alias « Barbecue »

Du policier au chef de gang

Avant de s’affirmer comme chef d’un groupe criminel, Jimmy Chérizier sert donc comme agent de police. Et c’est dans cette fonction qu’il commence son ascension dans le milieu des gangs. Encore policier, il est l’un des responsables du massacre de La Saline. Plus de 70 personnes sont tuées dans ce quartier pauvre de Port-au-Prince en 2018, lors d’une opération conjointe entre la police et les gangs.

D’autres massacres suivent en 2020 : cette fois-ci, « Barbecue » se convertit officiellement en chef de gang.

Preuve de son influence, il est le premier à être inscrit en octobre 2022 dans le tout nouveau régime de sanctions de l’ONU contre les gangs haïtiens – interdiction de voyager, gel des avoirs et embargo ciblé sur les armes.

Un comité d’expert de l’ONU dresse la liste des activités criminelles de « G-9 et famille » et de son millier de membres : meurtres, vols, extorsions, viols, assassinats ciblés, trafics de drogues, enlèvements et incendies criminels.

À propos d’incendies : le surnom « Barbecue » viendrait d’ailleurs du fait que Jimmy Chérizer aime brûler les maisons et les cadavres de ses victimes. Visé par des sanctions de Washington et de l’ONU, il se montre sur les réseaux sociaux comme un révolutionnaire, arme automatique en bandoulière. D’ailleurs, les médias haïtiens ont souvent publié ses vidéos et déclarations, la plupart du temps sans les mettre dans leur contexte.

Quel avenir pour Barbecue ?

Désormais à la tête d’une coalition de gangs, celui qui a tué tant de personnes a affirmé lutter pour la « libération du peuple haïtien ». Rejetant toutes les accusations criminelles à son encontre, il ne se considère pas comme un chef de gang, un gangster, mais plutôt comme un défenseur des quartiers populaires, une sorte de « Robin de Bois haïtien ».

Une image qu’il met habillement en scène sur sa chaîne Youtube ou des plateformes numériques comme TikTok. C’est là aussi qu’il recrute de nouveaux membres et lance des appels à renverser le gouvernement.

Quel sera son sort lorsque la force internationale arrivera en Haïti ?

Nul ne sait. « Barbecue » avait prévenu qu’elle serait la bienvenue uniquement si elle arrêtait Ariel Henry et « si elle nous aide à rétablir l’ordre ».

En attendant, le nombre de victimes des gangs qui contrôlent presque tous les quartiers de Port-au-Prince ne cesse d’augmenter. En une semaine, l’hôpital universitaire La Paix à Delmas 33 a accueilli plus de 68 personnes blessées par balles.

rfi

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