Venezuela : Nicolas Maduro candidat pour un troisième mandat présidentiel

(FILES) Venezuelan President Nicolas Maduro speaks to supporters during a rally to commemorate 20 years of the anti-imperialist declaration of the late former President Hugo Chavez in Caracas on February 29, 2024. Venezuela's President Nicolas Maduro has been officially selected to seek a third, successive term in the July 28 elections, a senior ruling party official said on March 11, 2024. (Photo by Federico PARRA / AFP)

Le président en exercice a été désigné par son parti pour les élections du 28 juillet. La légitimité du scrutin est déjà en cause, notamment depuis que la Cour suprême, accusée d’être aux ordres du pouvoir, a confirmé l’inéligibilité de l’opposante Maria Corina Machado.

Bien que plus de soixante pays n’aient pas reconnu la légitimité de sa réélection en 2018 − dont les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) −, le chef de l’Etat vénézuélien, Nicolas Maduro, a été désigné, lundi 11 mars, par sa formation, le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV), pour briguer un troisième mandat lors du scrutin présidentiel, prévu le 28 juillet.

« La base du PSUV a décidé que Nicolas Maduro était le candidat à la présidence, 4 240 032 membres de la formation ont participé », a dit, sur le réseau X, Diosdado Cabello, le vice-président du PSUV, considéré comme le numéro deux du pouvoir même s’il n’apparaît pas dans l’exécutif.

Elu une première fois en 2013 après la mort du président Hugo Chavez (1999-2013) dont il se dit l’héritier, M. Maduro, 61 ans, a été réélu en 2018 lors d’un scrutin contesté et boycotté par l’opposition.

Depuis, une batterie de sanctions s’est abattue sur le Venezuela et sur les dirigeants au pouvoir. Mais le chef de l’Etat a su se maintenir d’une main de fer malgré la grave crise économique que connaît le pays.

L’officialisation de sa candidature se faisait attendre depuis que l’autorité électorale vénézuélienne (CNE) a fixé la semaine dernière la date de la présidentielle au 28 juillet, date de la naissance d’Hugo Chavez. Les candidatures pourront être officiellement déposées du 21 au 25 mars et la campagne électorale est prévue du 4 au 25 juillet.

Pas d’élection « sans moi », clame l’opposante
Gouvernement et opposition étaient convenus en octobre 2023 à la Barbade de l’organisation de ce scrutin au cours du second semestre 2024 en présence d’observateurs internationaux. Mais cet accord, sous l’égide notamment de la Norvège, médiatrice dans les négociations, est depuis vigoureusement dénoncé par l’opposition, qui accuse M. Maduro de ne pas l’avoir respecté. La légitimité du scrutin est déjà en question.

Pour la Norvège il est pourtant « fondamental » que s’applique l’accord de la Barbade.

Selon ses termes, il devait ouvrir à ceux « aspirant à se présenter » la possibilité de contester devant la justice leur inéligibilité. L’opposition espérait que cette procédure permettrait à sa championne, Maria Corina Machado, déclarée inéligible par la justice, de pouvoir se présenter. Mais la Cour suprême du Venezuela, accusée d’être aux ordres du pouvoir, a confirmé, le 26 janvier, l’inéligibilité de celle qui avait remporté haut la main, en octobre 2023, la primaire de l’opposition vénézuélienne, recueillant plus de deux millions de voix et 92 % des suffrages.

Pas d’élection « sans moi », avait lancé après sa condamnation à quinze ans d’inéligibilité Mme Machado pour avoir soutenu les sanctions américaines. Elle persiste à vouloir se présenter et multiplie les déplacements. Mais la date de clôture des candidatures approche et elle pourrait être poussée à nommer un remplaçant.

Samedi, elle a dénoncé « le régime de Nicolas Maduro qui a kidnappé notre directeur de campagne de l’Etat de Barinas », portant à quatre le nombre de dirigeants de son camp détenus depuis janvier. Pour Mme Machado, cette arrestation constitue « une nouvelle violation de l’accord de la Barbade déjà bafoué ».

La décision de la Cour suprême d’écarter les champions de l’opposition, Mme Machado mais également Henrique Capriles, deux fois ancien candidat à la présidence, a été vertement dénoncée par Washington, l’UE et plusieurs pays d’Amérique du Sud. Dans la foulée, les Etats-Unis ont annoncé réactiver les sanctions contre le secteur pétrolier et gazier du Venezuela, suspendues pour six mois dans le sillage de l’accord de la Barbade.

Multiplication des apparitions publiques
M. Maduro avait multiplié les apparitions publiques ces dernières semaines dans ce pays pétrolier de trente millions d’habitants. L’ancien chauffeur de métro-bus rappelle fréquemment ses origines et aime cultiver une image d’homme du peuple. Il se plaît à évoquer le bon sens, à massacrer des mots anglais, à parler de base-ball ou de ses soirées télé avec sa femme, Cilia Flores, la « première combattante », ancienne procureure omniprésente sur la scène politique vénézuélienne.

Formé à Cuba, sa culture dépasse largement celle du chauffeur de bus. « C’est l’un des jeunes dirigeants ayant les meilleures capacités » pour diriger le pays, avait affirmé Hugo Chavez à la fin de 2012 en le désignant comme son héritier avant sa mort un an plus tard.

Beaucoup l’ont sous-estimé.

A tort. Il a su s’imposer face à ses rivaux au sein du PSUV, dont il est le président, manœuvrer dans les tempêtes des manifestations monstres qui ont suivi son élection contestée de 2018, jongler avec une crise économique sans précédent, les sanctions économiques, la pandémie et des scandales de corruption se chiffrant en milliards de dollars. Il a aussi survécu aux complots, réels et imaginaires, qu’il dénonce régulièrement.

Dans le viseur de la Cour pénale internationale
Alliant discours politique pur et dur, blagues parfois lourdes, et parenthèses personnelles, il sait tenir une foule en haleine. Une image sympathique jurant avec sa manière de diriger le pays, qui repose en grande partie sur l’armée et l’appareil sécuritaire. Le Venezuela est dans le viseur de la Cour pénale internationale. Les organisations non gouvernementales dénoncent arrestations arbitraires, tortures, exécutions extrajudiciaires, procès truqués, censure et contrôle des médias.

Nicolas Maduro montre aussi qu’il est capable de realpolitik.

Il a coupé dans toutes les dépenses sociales, supprimé les droits de douane à l’importation pour permettre le réapprovisionnement d’un pays qui manquait de tout et autorisé la « dollarisation » pour juguler l’hyperinflation. Le billet vert de l’ennemi honni est désormais roi au pays du socialisme chaviste.

Intransigeant dans son discours antiaméricain, Nicolas Maduro sait aussi négocier en catimini.

Il est ainsi parvenu à faire lever provisoirement les sanctions de Washington de novembre à avril. Il a aussi su obtenir la libération de deux neveux de Cilia Flores condamnés pour trafic de drogue aux Etats-Unis, et, surtout, en décembre 2023, d’Alex Saab, considéré comme un des principaux intermédiaires du Venezuela, incarcéré aux Etats-Unis pour blanchiment et considéré comme l’homme de paille de Maduro.

lemonde

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