Régulièrement, on voit émerger l’idée que l’Homme ne serait pas nécessairement responsable du réchauffement climatique, et que celui-ci pourrait avoir des origines tout à fait naturelles, notamment en lien avec les cycles de Milankovitch. S’il est vrai que le forçage astronomique a gouverné l’évolution du climat dans le passé, peut-on réellement lui attribuer le réchauffement actuel ? On fait le point dans cet article.
Le changement climatique actuel est une réalité, personne ne peut le nier.
Les observations sont en effet nombreuses à témoigner d’un réchauffement global du climat. Fonte des glaciers, diminution des calottes polaires, hausse du niveau des océans… cette évolution rapide que l’on observe depuis plusieurs décennies à un lien direct avec les activités humaines, qui depuis plus d’un siècle maintenant, engendrent une augmentation sans précédent de la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
L’histoire terrestre marquée par une oscillation régulière du climat
Mais mettons pour une fois de côté cette période actuelle pour regarder la longue histoire climatique de la Terre. Et quelle histoire ! Car en lisant les registres sédimentaires et glaciaires, on se rend vite compte que le climat terrestre n’a eu de cesse de varier au fil des millions d’années.
Si le passé est ponctué de grands événements climatiques extrêmes (glaciations comme réchauffements), souvent associés à des extinctions de masse d’ailleurs, ils se sur-impriment à une oscillation régulière du climat, qui fait alterner périodes glaciaires et interglaciaires suivant des cycles d’une étonnante régularité allant de quelques dizaines à centaines de milliers d’années. Ces oscillations sont particulièrement claires lorsqu’on regarde les derniers 800 000 ans, pour lesquels nous avons des données fines et précises.
Des variations cycliques d’ensoleillement influencé par le mouvement de la Terre dans l’espace
Dès le XIXe siècle, cette régularité intrigue les scientifiques, qui se mettent à en chercher la cause. En partant du principe que la quantité d’ensoleillement, c’est-à-dire la quantité d’énergie solaire reçue par la Terre, est le principal facteur contrôlant les variations de température, certains scientifiques comme Adhémar, Croll et Milankovitch ne tardent pas à identifier le ou plutôt les coupables.
Une telle régularité ne peut en effet être liée qu’à des variations de paramètres orbitaux de la Terre, qui modifient de façon cyclique la quantité d’ensoleillement.
Ce forçage astronomique, nous en faisons dans un certain sens l’expérience à une très courte échelle de temps : les alternances des saisons sont en effet liées au fait que la Terre est inclinée sur son axe de rotation, ce qui modifie, au cours d’une année, la quantité d’ensoleillement reçue par l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud.
Il s’agit de l’excentricité de l’orbite terrestre, de l’obliquité de l’axe de rotation et de la précession.
L’excentricité
L’excentricité est visiblement le facteur ayant le plus d’influence. Elle marque le fait que l’orbite terrestre ne décrit pas un cercle parfait autour du Soleil, mais plutôt une ellipse, dont la forme n’est pas stable à l’échelle de la centaine de milliers d’années. L’orbite terrestre est en effet influencée par les autres corps qui gravitent dans le Système solaire, ou qui passent à proximité. Ces interactions planétaires vont graduellement faire passer l’orbite terrestre d’une forme quasi circulaire à une forme très allongée.
Dans ce dernier cas, la Terre se retrouve donc annuellement très proche du Soleil.
Actuellement, l’excentricité de la Terre est en train de diminuer très lentement, ce qui signifie que l’orbite se rapproche d’une forme circulaire. À l’échelle de temps humaine, la variation d’excentricité est toutefois trop faible pour jouer un rôle visible sur le climat. Son influence ne se voit qu’à des échelles de temps bien plus longues.
L’obliquité
Comme dit plus haut, l’axe de rotation de la Terre est légèrement incliné par rapport au plan de l’orbite. C’est grâce à cela que nous observons l’alternance des saisons. Mais comme pour l’excentricité, cette inclinaison n’est pas stable dans le temps. On observe une légère variation de l’angle d’inclinaison, qui oscille ainsi entre 22,1 et 24,5°. Cette variation qui se produit suivant des cycles de 41 000 ans influence les saisons, qui sont plus intenses dans les hautes latitudes (hiver plus froid et été plus chaud) quand l’inclinaison est la plus forte.
L’oscillation de l’obliquité de la Terre est elle aussi liée aux interactions gravitationnelles avec les autres planètes.
Actuellement, l’inclinaison de l’axe terrestre est de 23,4° par rapport à la « verticale » (dans un système de référence où le plan orbital représente l’horizontal).
Nous sommes donc à mi-chemin entre les deux extrêmes. Cet angle est en train de décroître et atteindra son minimum dans 10 000 ans environ, avec pour conséquences des saisons moins marquées.
Une obliquité minimale favorise ainsi l’établissement et la croissance des calottes polaires, qui vont en retour accentuer le refroidissement du climat en réfléchissant l’énergie solaire. À l’inverse, une obliquité maximale favorise la déglaciation et le réchauffement global du climat. Une situation que la Terre a connue il y a 10 000 ans.
La précession
La variation d’obliquité n’est toutefois pas la seule évolution que connaît l’axe de rotation de la Terre. La présence de la Lune et du Soleil, via les forces de marées et la déformation du globe que cela entraîne, le perturbe en effet d’une autre manière. L’axe terrestre décrit ainsi un petit cercle, comme la pointe d’une toupie sur le point de s’arrêter.
Cette oscillation que l’on appelle la précession de l’axe, suit des cycles d’environ 25 771 ans.
Ici encore, ce sont les saisons qui sont affectées, par une atténuation ou une augmentation des contrastes saisonniers entre les deux hémisphères (Nord et Sud). Actuellement, l’hémisphère Sud devrait ainsi connaître des contrastes plus forts entre l’été et l’hiver, alors que les différences saisonnières devraient être moins marquées dans l’hémisphère Nord.
Dans 13 000 ans, cette situation devrait s’inverser.
Mais cela, c’est sans compter l’effet des activités humaines sur le climat.
Climat terrestre : les cycles de Milankovitch ne font pas tout
On l’a vu, plusieurs cyclicités sont ainsi identifiables et ce sont leurs interactions qui modulent, à grande échelle, le climat terrestre. La durée de chaque cycle n’est cependant pas fixe et va dépendre de la position relative des différentes planètes du Système solaire et des variations de leurs propres paramètres orbitaux au cours du temps.
De ce point de vue, le comportement de la Terre et de Mars apparaît plutôt chaotique, pouvant engendrer de fortes variations des cycles de Milankovitch au cours du temps, et ainsi produire, de façon ponctuelle, des événements climatiques extrêmes comme celui du maximum thermique du Paléocène-Éocène il y a 56 millions d’années, comme l’expliquent Dutkiewicz et ses co-auteurs dans une récente publication scientifique.
Les paramètres astronomiques ne sont cependant pas les seuls à influencer le climat terrestre, qui varie en réponse à une multitude de facteurs et d’interactions que nous sommes encore loin d’avoir totalement compris. On sait ainsi que la tectonique de plaques, via la modification de l’agencement des masses continentales, peut influencer le climat terrestre, notamment via son contrôle sur les grands courants océaniques.
Ces derniers jouent d’ailleurs un rôle majeur sur le climat, par leur influence sur l’humidité et la température de l’eau et de l’air.
Il ne faut pas non plus oublier l’effet albedo des calottes glaciaires et les processus chimiques associés à l’altération des sols qui participent au grand cycle du carbone et donc influencent également l’état climatique. L’ensemble de ces facteurs tendent à moduler la réponse climatique des cycles de Milankovitch et des grands cycles astronomiques.
Sauf que l’Humain et bien là, et ce n’est pas anodin.
Réchauffement actuel : quel impact des cycles de Milankovitch ?
Si certaines théories proposent que le réchauffement climatique actuel pourrait être dû à ce forçage astronomique, la majorité des experts s’accordent à dire que ce n’est pas possible. Le premier argument est l’échelle de temps. Le réchauffement actuel est en effet bien trop rapide pour entrer dans les cycles de Milankovitch, qui se déroulent sur plusieurs dizaines de milliers d’années.
Le deuxième argument va de plus à l’encontre d’un réchauffement lié à une hausse de l’ensoleillement.
Sur les 150 dernières années, la quantité d’énergie solaire absorbée par la Terre n’a en effet quasiment pas varié, les satellites mesurant même, à l’inverse, une baisse des radiations sur les dernières décennies.Le taux de CO2 dans l’atmosphère bat par contre des records. Les derniers cycles glaciaires montrent des fluctuations naturelles du CO2 entre 180 ppm (partie par million) et 280 ppm. En à peine 150 ans, nous sommes par contre passés de 280 à 421 ppm (valeur pour 2023).
En cause, les rejets massifs de CO2 produits par la combustion des énergies fossiles.
La réponse en est un effet de serre renforcé et donc une augmentation de la température au sol et de la basse atmosphère, alors même que le forçage astronomique actuel induit plutôt un refroidissement de la stratosphère.
Par ses activités, l’Humanité a donc réussi à masquer totalement le signal climatique naturel lié aux cycles de Milankovitch.
Bien que le forçage astronomique soit toujours là et continue de jouer un rôle, la Nasa indique que son impact n’est plus perceptible depuis que la concentration en CO2 dans l’atmosphère a dépassé les 350 ppm.