Comment la Terre a-t-elle fait pour rester habitable pendant plusieurs milliards d’années ?

Pourquoi la Terre a-t-elle réussi à maintenir un climat relativement stable au cours des milliards d’années alors que les conditions sur Vénus et Mars ont rapidement dégénéré ? Si l’on sait que certains grands cycles chimiques sont à la base de ce formidable mécanisme d’auto-régulation climatique qui a permis le développement d’une vie complexe, les interactions et les relations de cause à effet qui les lient sont encore très mal comprises.

Une nouvelle étude présente une nouvelle approche basée sur les mathématiques qui pourrait aider à y voir plus clair.

Même si les conditions environnementales de la Terre primitive, il y a 4 milliards d’années, sont supposées avoir été bien différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui, elles ont été suffisamment stables et propices pour permettre l’émergence de la vie et son développement.

Avec l’émergence des premiers continents et le démarrage d’une tectonique des plaques modernes vont en effet s’établir certains cycles géochimiques qui vont permettre au climat terrestre de rester étonnamment stable au fil des millions d’années. Certes, la Terre a connu de multiples épisodes de  ou de réchauffement parfois intenses.

Les conditions de température et d’humidité n’ont eu de cesse de varier, mais en restant à chaque fois dans une gamme acceptable pour les êtres vivants, ou du moins pour certains.

Car si les épisodes climatiques les plus extrêmes ont pu mener à des extinctions de masse, la situation n’a jamais dégénéré au point d’éradiquer totalement la vie terrestre. De même, malgré ces excursions climatiques notables, le climat terrestre a toujours réussi à se réguler suffisamment rapidement pour éviter un emballement irréversible.

Deux planètes sœurs de la Terre qui ont pourtant échoué à réguler leur climat

Si cela peut nous paraître banal, force est de constater que nos deux voisines, Mars et , n’ont pas suivi le même parcours. Tout, ou presque, semblait pourtant prédestiner ces trois planètes sœurs à posséder un environnement favorable à la vie. De nombreux témoins nous indiquent d’ailleurs qu’un observateur extérieur aurait pu contempler trois  au tout début du .

Aujourd’hui, seule la Terre peut se targuer de cette étiquette.

Cette spécificité nous indique que malgré un démarrage relativement similaire à la Terre, Mars et Vénus n’ont pas eu les moyens de mettre en place des mécanismes de régulation permettant le maintien de conditions climatiques stables au cours du temps. Pour Vénus, les choses se sont certainement très vite dégradées, transformant ce monde pourtant extrêmement semblable à la Terre en une fournaise invivable.

 Mars aurait visiblement résisté plus longtemps avant que le climat ne bascule définitivement vers une aridification totale.

Vénus et la Terre sont souvent considérées comme sœurs du fait de leurs similarités de taille, de masse, de densité et de volume. La différence majeure concerne le climat, qui a rapidement plongé Vénus dans une spirale infernale et irréversible. © Nasa, JPL

VÉNUS ET LA TERRE SONT SOUVENT CONSIDÉRÉES COMME SŒURS DU FAIT DE LEURS SIMILARITÉS DE TAILLE, DE MASSE, DE DENSITÉ ET DE VOLUME. LA DIFFÉRENCE MAJEURE CONCERNE LE CLIMAT, QUI A RAPIDEMENT PLONGÉ VÉNUS DANS UNE SPIRALE INFERNALE ET IRRÉVERSIBLE. 

La Terre doit-elle donc être vue comme une exception ?

Une question cruciale pour la recherche de vie extraterrestre sur d’autres . Pour y répondre, il est cependant nécessaire de comprendre les mécanismes qui participent à cette régulation climatique depuis plusieurs milliards d’années. Or, les choses sont loin d’être simples.

Un puzzle complexe de cycles biogéochimiques intriqués qui gouverne le climat terrestre

On sait que les cycles géochimiques qui se jouent entre les océans, l’atmosphère et les roches sont essentiels, mais les mécanismes sont si complexes qu’il est difficile d’étudier le processus de régulation climatique dans son ensemble. Les chercheurs se voient donc souvent obligés d’étudier chaque pièce de ce puzzle géant de manière indépendante.

Or, ce sont également les interactions entre ces différents cycles qui permettent d’expliquer comment la Terre a pu maintenir des conditions d’habitabilité favorable pendant si longtemps.

Le cycle géologique du carbone est l'un des grands cycles géochimiques qui permet la régulation du climat terrestre, en interaction avec d'autres cycles. © John Garrett, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons

LE CYCLE GÉOLOGIQUE DU CARBONE EST L’UN DES GRANDS CYCLES GÉOCHIMIQUES QUI PERMET LA RÉGULATION DU CLIMAT TERRESTRE, EN INTERACTION AVEC D’AUTRES CYCLES. 

Des chercheurs ont donc décidé de considérer le problème sous un autre angle. Au lieu de plonger dans les détails de chaque mécanisme, les scientifiques ont choisi de mettre en évidence les relations entre les différents cycles chimiques d’un point de vue très large et simplifié, grâce à des outils mathématiques. Les résultats ont été publiés dans la revue Pnas.

Un schéma global permettant d’identifier les interactions entre les différents cycles chimiques

Cette nouvelle approche permet ainsi d’identifier les fondements de la stabilité climatique de la Terre. Cette analyse mathématique permet d’identifier quelles sont les multiples combinaisons de  principales ou mineures qui permettent une régulation du cycle du carbone, ainsi que les interactions entre ces combinaisons.

Le climat terrestre peut ainsi être représenté par un ensemble d’ interconnectées, qui jouent de façon systématique.

En se basant sur ce schéma, il devient possible d’établir des suites de réactions. « Si le processus X augmente ou décroît lors d’un événement climatique, alors notre modèle permet de dire que le processus Y va se produire et que l’ensemble sera contrebalancé par le processus Z », explique Preston Kemeny, premier auteur de l’étude, dans un communiqué de l’université de Chicago.

En d’autres termes, ces résultats mathématiques conceptuels permettent de faire des prédictions théoriques sur l’enchaînement de processus intervenant dans la régulation climatique. Des résultats intéressants pour comprendre l’évolution future du climat face au  actuel.

futura

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