Le CETA, l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada, arrive enfin devant le Sénat français pour être ratifié. Le vote ne va pas de soi, car sept ans après avoir été approuvé par les chefs d’État et le Parlement européen, cet accord demeure très polémique parmi les agriculteurs français.
Le sujet a été réactivé avec la récente crise agricole. Les sénateurs, très sensibles au monde rural, pourraient voter contre. Cette option du pire bloquerait en théorie l’accord, d’où la fébrilité du gouvernement.
La France n’est pas le seul pays qui se méfie du CETA.
Dix autres pays européens repoussent la ratification par crainte d’essuyer un rejet. Pourtant, le CETA est déjà partiellement mis en œuvre depuis 2017 et le bilan est plutôt rassurant. En valeur, les échanges entre le Canada et l’Europe ont augmenté de 37% depuis l’application de l’accord, et la balance est toujours très favorable à l’Europe.
Les gains sont significatifs pour l’industrie, les services et l’agro-alimentaire. Même tendance pour la France avec un bond d’échanges avec le Canada de 30%. Un chiffre à relativiser, car il est conforme à l’évolution globale des exportations françaises.
L’agro-alimentaire, grand gagnant du CETA
Le quart des exportations françaises vers le Canada sont des produits agro-alimentaires. Contre toute attente, les éleveurs en profitent largement. Et contrairement à ce qu’ils redoutaient, le bœuf canadien n’a pas déferlé dans les boucheries françaises. Les 52 tonnes expédiées en 2023 dans l’Hexagone ne représentent que 0,0034 % de la consommation.
De fait, les Canadiens utilisent seulement 2% du quota autorisé dans le cadre du CETA.
Les vignerons français sont les grands gagnants de cet accord de libre-échange. Leurs exportations vers le Canada se sont envolées. Idem pour les producteurs de reblochon ou d’autres fromages AOC — Appellations d’origine contrôlée. Une tendance qui est valable pour toute l’Europe.
Les exportations de parmesan, ricotta et autres douceurs italiennes ont bondi.
Cela n’empêche pas l’Italie de la populiste Giorgia Meloni de refuser la ratification. En Italie comme en France, le CETA est devenu un objet de crispation très politique, trop politique pour être abordé sereinement à quelques mois des élections européennes.
Encore des inconnues pour les écologistes
Y compris pour examiner les réserves sérieuses sur l’évolution future du commerce avec le Canada. Les éleveurs canadiens pourraient se réveiller, se détourner de leur marché américain pour exporter du bœuf aux hormones en Europe, car les contrôles locaux s’avèrent légers au regard des normes européennes.
Autre incertitude : le fonctionnement de la cour arbitrale chargée de régler les différends entre les entreprises et les États. Sera-t-elle une voie pour contourner les législations environnementales de l’Union européenne, comme le redoutent les écologistes ?
Ces doutes exigent une franche discussion avec les responsables canadiens.
Les sujets pourraient être abordés le 10 avril prochain lors de la visite de Gabriel Attal à Ottawa. Le premier ministre français sera accompagné de Franck Riester, le ministre délégué au Commerce extérieur.
rfi