Gaza, Bosnie, Ukraine… ce qu’il faut retenir du sommet des dirigeants de l’UE

Les dirigeants des pays de l’Union européenne (UE) réunis ce jeudi ont donné leur feu vert à l’ouverture de négociations d’adhésion avec la Bosnie-Herzégovine. Ils ont aussi appelé à une « pause humanitaire immédiate » dans la bande de Gaza. Les dirigeants européens souhaitent aussi soutenir le réarmement européen face à la Russie.

♦ Les Vingt-Sept appellent d’une même voix à une « pause humanitaire immédiate » à Gaza
Les dirigeants de l’UE, réunis en sommet à Bruxelles, ont appelé, jeudi 21 mars, à une « pause humanitaire immédiate » à Gaza, et exhorté Israël à ne pas lancer d’opération terrestre à Rafah, dans une déclaration commune. « Le Conseil européen appelle à une pause humanitaire immédiate devant conduire à un cessez-le-feu durable, [appelle] à la libération inconditionnelle de tous les otages et à la fourniture d’aide humanitaire », selon ce texte.

Dans cette déclaration sur la situation à Gaza, la première adoptée par les Vingt-Sept depuis la fin du mois d’octobre, les dirigeants européens exhortent aussi Israël à « ne pas mener d’opération terrestre à Rafah », dans le sud de la Bande de Gaza, où sont réfugiés des centaines de milliers de Gazaouis.

Très divisés depuis l’attaque sans précédent lancée par le Hamas palestinien contre Israël le 7 octobre, les Vingt-Sept n’étaient pas parvenus lors de deux précédents sommets, en décembre et février, à se mettre d’accord sur les termes d’une déclaration commune. Le texte adopté jeudi par l’UE fait suite à la décision des États-Unis, annoncée également jeudi, de soumettre au vote du Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution insistant sur la nécessité d’un « cessez-le-feu immédiat ».

Les Européens se disent aussi « profondément préoccupés » par la situation humanitaire « catastrophique » à Gaza et « ses effets sur les civils, particulièrement les enfants, ainsi que par le risque de famine provoqué par l’arrivée insuffisante d’aide ». Ils réclament un « accès rapide, total, sûr et sans entrave » pour l’aide humanitaire, dont une grande partie est bloquée aux portes du territoire palestinien.

il y a réellement un basculement parmi les dirigeants de l’UE. Les pays les plus réticents à formuler toute critique à l’égard d’Israël – à l’image de l’Autriche de la Hongrie ou de la République tchèque – ont accepté finalement de voir figurer le terme de « cessez-le-feu » dans la déclaration finale. Ursula von der Leyen elle-même a évolué également. Elle avait été très critiquée pour sa visite et ses déclarations dans la foulée des attaques du 7 octobre 2023. La présidente de la Commission européenne estime à présent que Gaza fait face à la famine, et que c’est « inacceptable ».

♦ Utilisation pour l’Ukraine des bénéfices des avoirs russes gelées dans l’UE
L’UE a aussi décidé d’aller de l’avant avec un projet visant à utiliser les bénéfices provenant des avoirs gelés de la Russie pour armer l’Ukraine. Les dirigeants des pays membres de l’UE ont dit vouloir « faire avancer les travaux » sur une proposition présentée mercredi par la Commission européenne, qui devrait permettre de dégager entre 2,5 et 3 milliards d’euros par an en faveur de Kiev.

Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell avait proposé mercredi d’utiliser les bénéfices tirés des avoirs russes gelés dans l’UE pour financer des équipements militaires à destination de l’Ukraine.

« Nous sommes déterminés à agir très rapidement afin de pouvoir utiliser une partie de cet argent pour soutenir l’Ukraine », a affirmé jeudi soir le président du Conseil européen, Charles Michel, lors d’une conférence de presse. La façon d’utiliser les avoirs de l’État russe qui ont été bloqués après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a deux ans, a fait l’objet d’intenses discussions.

Ces avoirs représentent environ 210 milliards d’euros dans l’Union européenne, et sont presque tous entre les mains d’Euroclear, institution financière basée à Bruxelles. L’essentiel de la manne dégagée par les intérêts tirés de ces avoirs doivent permettre de faciliter l’achat d’armes pour l’Ukraine, et cela, dès le mois de juillet, si les Vingt-Sept parviennent à formaliser rapidement leur projet, selon Josep Borrell.

♦ Investissement dans l’industrie de la défense
L’Europe a besoin de renforcer son industrie de défense et pour cela, il faut qu’elle s’en donne les moyens financiers, insuffisants pour le moment, aux yeux de Charles Michel, le président du Conseil européen : « Pendant des décennies, ce projet européen a été fondé sur la prospérité, sur la coopération économique fondée sur des valeurs partagées avec l’impression de la sécurité.

Et la défense était dans les mains principalement de l’Otan, qui est évidemment une force et une alliance substantielle pour garantir la sécurité transatlantique.

Mais nous avons, avec ces décisions prises aujourd’hui, la volonté de renforcer la dimension européenne, le pilier européen. »

Les dirigeants européens ont demandé à la Banque européenne d’investissement (BEI), organe de financement de l’UE, d’élargir ses prêts aux entreprises de défense pour soutenir le réarmement européen face à la Russie. La BEI « est invitée à adapter sa politique de prêt à l’industrie de la défense », ont écrit les chefs d’État et de gouvernement européens, dans une déclaration commune.

Cette banque basée à Luxembourg, dont les actionnaires sont les États membres de l’Union européenne, apporte des crédits et garanties aux entreprises pour financer les politiques prioritaires de l’Europe. Dotée de la prestigieuse notation financière AAA, gage de solidité qui lui permet d’emprunter à bon compte, la BEI joue en revanche un rôle clef dans le financement de la transition énergétique.

La France en particulier a milité pour élargir le mandat de la BEI aux industries de défense.

Elle avait rédigé cette semaine une lettre en ce sens, avec treize autres pays, dont l’Allemagne et l’Italie. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a « provoqué un besoin accru d’investissements dans le secteur de la sécurité et de la défense », avaient souligné ces pays.

En revanche, sur l’idée d’un endettement européen pour les dépenses de défense, les divisions restent tenaces au sein du Conseil européen, les pays dits « frugaux », Allemagne, Pays-Bas en tête restent très réticents face à cette idée. Signe cependant que les temps changent : la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s’est dite favorable à la création d’un poste de Commissaire à la Défense – mais ce sera pour la prochaine mandature, celle qui va suivre les élections européennes du 9 juin 2024.

« En s’appuyant sur la recommandation de la Commission du 12 mars 2024, le Conseil européen décide d’ouvrir des négociations d’adhésion avec la Bosnie-Herzégovine », indique la déclaration commune adoptée par les dirigeants.

Ces derniers invitent « la Commission à préparer le cadre de négociations en vue de son adoption par le Conseil (de l’UE) quand toutes les mesures adéquates énoncées dans la recommandation de la Commission du 12 octobre 2022 auront été prises ». Les discussions ne pourront débuter qu’après l’aval de tous les gouvernements des États membres à ce cadre de négociations.

« Félicitations ! Votre place est dans notre famille européenne.

La décision d’aujourd’hui est une étape clé dans votre chemin vers l’UE. Maintenant, le travail difficile doit continuer », a déclaré le président du Conseil européen Charles Michel sur le réseau X. Cette décision des Vingt-Sept, réunis en sommet à Bruxelles, est la dernière en date d’un mouvement vers l’élargissement de l’UE qui a gagné en vigueur depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022.

La Bosnie-Herzégovine, pays de 3,5 millions d’habitants, a obtenu le statut de candidat en 2022 après l’avis favorable de la Commission, qui avait déterminé 14 « priorités essentielles » pour des réformes.

Celles-ci consistent notamment à améliorer le fonctionnement des institutions centrales, renforcer l’État de droit et les droits fondamentaux, la lutte contre la corruption et la criminalité organisée dans ce pays, l’un des plus pauvres d’Europe.

La Bosnie a ouvert ces derniers temps des négociations en vue d’un accord de coopération avec l’agence européenne de gardes-frontières Frontex, son Parlement a adopté une loi contre le blanchiment exigée par Bruxelles ainsi qu’une loi sur la prévention de conflits d’intérêts dans les institutions. Mais il n’y a toujours pas d’accord sur la réforme des tribunaux et sur la loi électorale.

Le pays reste très divisé après le conflit intercommunautaire qui a dévasté cette ex-République yougoslave et fait plus de 100 000 morts.

Près de trente ans après les accords de Dayton qui ont mis fin à ce conflit en 1995, le pays est séparé en deux : une entité serbe, la Republika Srpska (RS), régulièrement accusée de faire le jeu de Moscou dans la région, et une autre croato-bosniaque, dont les dirigeants souhaitent que le pays adhère à l’Otan.

rfi

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