Le stade départemental Yves-du-Manoir de Colombes vient d’être inauguré. Cent ans après avoir été le cœur des JO de Paris en 1924, l’enceinte va de nouveau accueillir des épreuves olympiques cet été avec la compétition de hockey sur gazon. Le site a une riche histoire sportive entretenue par des passionnés.
C’est en grande pompe que l’inauguration du stade départemental Yves-du-Manoir de Colombes (Hauts-de-Seine) a eu lieu mardi 19 mars, après des rénovations. Le président du Comité d’organisation des Jeux olympiques, Tony Estanguet, était présent aux côtés de la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, du président du département des Hauts-de-Seine, Georges Siffredi, ou encore de la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse.
« C’est un formidable clin d’œil à l’Histoire, au patrimoine sportif français », a déclaré le triple médaillé olympique Tony Estanguet lors de cette cérémonie. Le stade de Colombes est en effet le seul site sportif ayant accueilli les Jeux olympiques de Paris en 1924 à être de nouveau mis à contribution cent ans après.
Lors des JO-2024, l’enceinte va être le lieu des épreuves de hockey sur gazon.
Pour cette prochaine échéance olympique, le stade centenaire a eu droit à une rénovation complète durant 22 mois : deux terrains synthétiques éclairés de hockey sur gazon ont été construits, l’un doté d’une tribune de 1 000 places. La tribune historique de 6 000 places du terrain principal, vestige du stade d’origine, a été remise aux normes. Elle sera complétée par des tribunes éphémères installées pour les Jeux.
Le centre névralgique des Jeux olympiques de 1924
Il y a un siècle, le stade de Colombes était l’épicentre des Jeux de Paris. Il a notamment été le théâtre de la cérémonie d’ouverture, le 5 juillet 1924. « C’est un peu particulier d’imaginer les choses, mais il y avait 20 000 personnes debout et serrées entre les deux pylônes de l’éclairage », raconte Michaël Delépine, docteur en histoire et auteur du livre « Le Bel Endormi.
Histoire du stade de Colombes » (éd. Atlande). « C’était le centre névralgique des Jeux. Juste derrière, il y avait le premier village olympique.
C’était un peu spartiate avec des petits baraquements en bois », précise ce spécialiste des lieux.
Lors de cette 8e Olympiade de l’ère moderne, 3 089 athlètes dont 135 femmes, représentant 44 nations, se mesurent dans 17 sports. Le stade de Colombes accueille notamment des épreuves de football, d’équitation, de rugby, de gymnastique, mais surtout celles d’athlétisme. À l’époque, ce sont les « Finlandais volants » qui dominent cette discipline.
Paavo Nurmi et son compatriote Ville Ritola entrent dans la légende en remportant respectivement cinq et quatre médailles d’or à Paris.
Hommage à « l’Écossais volant » Eric Liddell
De ces épreuves d’athlétisme, l’Histoire a aussi retenu la rivalité entre les sprinters britanniques Harold Abrahams et Eric Liddell. À l’occasion de la semaine inaugurale du stade de Colombes, un hommage particulier va lui être rendu vendredi 22 mars lors d’une cérémonie.
« Eric Liddell a marqué les Jeux olympiques car il avait renoncé à courir le dimanche pour des raisons religieuses.
Sachant qu’il ne pourrait pas s’aligner sur l’épreuve du 100 mètres pour laquelle il était l’un des favoris, il a décidé de concourir sur une autre épreuve, le 400 mètres. Il a gagné non seulement la médaille d’or sur cette épreuve mais battu le record du monde de la discipline », explique Stéphane Pailler, consul général de France à Édimbourg et Glasgow, à l’initiative de cet événement.
Une plaque va ainsi être apposée en mémoire de cet athlète écossais, fils de missionnaire, fervent chrétien, dont l’histoire a inspiré le film de Hugh Hudson aux quatre Oscars « Les Chariots de feu », sorti en 1981. Devenu pasteur, Eric Liddell est mort en 1945 dans un camp de prisonniers japonais en Chine, où il était détenu en tant que civil durant la Seconde Guerre mondiale.
Le long-métrage de Stephen Shin « Les Ailes de la victoire » (2017) relate ce tragique épisode. « Son héritage sportif et humain demeure un symbole d’amitié entre la France, l’Écosse et le Royaume-Uni. Une légende. Un héritage.
Une source d’inspiration », pourra-t-on lire sur ce monument commémoratif.
Après le succès des Jeux de 1924, le site de Colombes – qui portera officiellement le nom de stade olympique Yves-du-Manoir à partir de 1928 en hommage à un joueur de rugby du Racing Club de France mort aux commandes de son avion – devient un lieu incontournable du sport français. « Colombes a attiré les plus grands sportifs et les spectateurs les plus renommés », résume Michaël Delépine.
L’enceinte a ainsi été le théâtre de 17 records du monde entre 1924 et 1980, de 42 finales de Coupe de France entre 1924 et 1971 et de 79 matches de l’équipe de France de football.
Elle a aussi accueilli la finale de la Coupe du monde de football en 1938 – remportée par l’Italie face à la Hongrie –, la première victoire du XV de France contre les All Blacks néo-zélandais en 1954, le seul match du roi Pelé sur le territoire français avec la Seleçao en 1963, le quart de finale de Coupe d’Europe le 5 mars 1969 entre l’Ajax de Johan Cruyff et Benfica avec 63 638 spectateurs (record d’affluence) ou encore l’affrontement Bouttier-Monzon au championnat du monde de boxe en 1972 devant 40 000 spectateurs.
Un stade qui renaît
Tombé en désuétude après l’avènement du nouveau Parc des Princes en 1972, le stade a connu une seconde vie au tournant des années 2000 après sa vente par le Racing Club de France au département, qui y a développé la pratique du sport amateur.
Le stade de Colombes va retrouver sa renommée d’antan en accueillant les épreuves de hockey sur gazon lors des Jeux de Paris 2024 qui s’y dérouleront du 27 juillet au 9 août.
« C’est évidemment émouvant de voir ce lieu accueillir une nouvelle Olympiade. Cette enceinte, parfois cataloguée comme un stade du passé et qui n’a plus accueilli d’événement majeur depuis plusieurs décennies, prouve que l’on peut écrire une nouvelle page, l’une des plus belles de son histoire, 100 ans après », savoure Michaël Delépine.
Après les Jeux, le site de 18 hectares, qui compte également des terrains de football et de rugby ainsi qu’un anneau d’athlétisme, abritera le siège de la Fédération française de hockey sur gazon.
Il doit bénéficier aux « habitants, avec des pratiques sportives ouvertes aux associations, au public scolaire et peut-être aussi aux universitaires », a déjà assuré la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, lors de l’inauguration.
Pour Michaël Delépine, l’histoire du stade Yves-du-Manoir ne fait finalement que commencer : « On peut imaginer que dans des dizaines d’années, il y aura toujours du sport à Colombes et, espérons-le, du sport de haut niveau et de la pratique pour les amateurs. »
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