Côte d’Ivoire : plus de 150 000 euros distribués à des migrants rentrés au pays

Plus de 150 000 euros distribués, environ 98 millions de francs CFA. C’est le montant total de l’enveloppe allouée au gouvernement ivoirien à 96 migrants, dont 28 femmes, de retour dans le pays. Les quelques 1 500 euros reçus par chacun des exilés prennent la forme d’un prêt remboursable sur deux ans, afin « de les accompagner dans leur parcours d’insertion professionnelle », a indiqué le ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique, Mamadou Touré.

C’est lui qui a remis leur chèque aux exilés bénéficiaires mercredi 20 mars dans le quartier du Plateau à Abidjan, en compagnie de Wautabona Ouattara, ministre délégué chargé de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’Extérieur.

Le partenaire financier du programme Orange Bank était aussi présent.

Les secteurs d’activité des migrants de retour sont le commerce (50 projets), les services (19), l’élevage (15), l’artisanat (cinq), la restauration (quatre), le transport (deux) et l’agriculture (un), affirme un communiqué du ministère de la Promotion de la jeunesse.

Hia Binan Sandrine a pour projet de faire du commerce de produits alimentaires. « J’ai passé cinq ans en Tunisie. Cela n’a pas été facile. Ce financement va me permettre de me lancer », peut-on lire dans le communiqué. Brou Franck Valérie, lui, est revenu volontairement de Tunisie après sept mois, et souhaite « relancer [son] salon de coiffure » avec l’argent prêté.

Durant la distribution, Mamadou Touré a par ailleurs invité les bénéficiaires à « être des ambassadeurs de la Côte d’Ivoire dans la campagne de sensibilisation contre l’immigration irrégulière » et à faire comprendre aux jeunes qu’il existe des dispositifs d’insertion professionnelle pour eux.

En 2023, 150 personnes rentrées en Côte d’ivoire ont bénéficié de ce même programme, d’un montant total cette année-là de 143,8 millions de francs CFA, soit environ 218 000 euros.

Plus de 16 000 Ivoiriens débarqués en Italie

Parmi les candidats à l’exil qui empruntent chaque année les routes migratoires menant à l’Europe, nombreux sont les citoyens ivoiriens. En 2023, sur les 157 000 migrants débarqués en Italie, 16 000 étaient Ivoiriens. Soit la troisième nationalité représentée, derrière la Guinée et la Tunisie.

En octobre 2023, l’agence européenne de surveillance des frontières extérieures Frontex comptabilisait 14 000 Ivoiriens arrivés de manière irrégulière en Europe, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), 12 500.

Des chiffres que conteste le gouvernement ivoirien. Après la publication de ces données, le ministre ivoirien de l’intérieur Vagondo Diomandé s’était offusqué « d’une situation qui tend à ternir l’image de notre pays » et avait contredit les chiffres donnés par les deux agences. Selon lui, beaucoup de migrants se diraient Ivoiriens mais seraient en réalité originaires d’un autre pays.

« J’attends le financement »

Pour inciter ses ressortissants à rentrer au pays, les autorités ont, il n’empêche, lancé divers programmes d’aide à la réinsertion économique et sociale, en partenariat avec l’OIM. En 2023, plus de 1 700 Ivoiriens – poussés notamment par les attaques anti-Noirs en Tunisie – sont revenus chez eux, un record depuis 2013. Et près de 800 ont demandé l’aide proposée par l’État.

Mais beaucoup attendent encore de toucher ces sommes d’argent. Abdoul Rahman, rentré de Tunisie l’année dernière, travaille dans la boutique de son frère en attendant de monter son propre commerce. « Moi j’ai un projet, donc j’attends le financement, témoigne-t-il au micro de TV5 Monde.

Mais si à chaque fois on me dit : ‘Dans 9 mois’, je vais recevoir [cet argent] quand ? ».

L'association Realic sensibilise les jeunes ivoiriens aux dangers de la route de l'exil. Ici, dans un club de foot d'Abidjan, en novembre 2021. Crédit : Realic/Facebok
L’association Realic sensibilise les jeunes ivoiriens aux dangers de la route de l’exil. Ici, dans un club de foot d’Abidjan, en novembre 2021. Crédit : Realic/Facebok

 

Pour pallier les carences de l’État, des ONG tentent d’aider les migrants, souvent traumatisés par un passage en Libye ou une traversée périlleuse de la Méditerranée.

L’Association pour la réinsertion des migrants de retour en Côte d’Ivoire (Arm-ci), basée à Abidjan, aide par exemple les exilés à « réintégrer le tissu social », avait assuré à InfoMigrants Boniface N’Groma, son fondateur. D’abord en leur permettant de gagner leur indépendance financière, car beaucoup de migrants de retour doivent rembourser des personnes qui leur ont prêté de l’argent pour leur voyage.

Puis en leur apportant un soutien psychologique, indispensable à leur réinsertion.

« Une fois rentrés, par honte, beaucoup se cachent et ne préviennent pas leurs parents, avait confié Florentine Djiro, présidente du Réseau africain de lutte contre l’immigration clandestine (Realic). Le regard de la famille et de l’entourage sur eux est très dur. Dans certaines zones du pays, ces migrants de retour, on les appelle ‘les maudits’ ».

infomigrants

You may like