Christian Kwongang, ex-président de l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT) et lui-même étudiant, a été incarcéré dans le centre de détention d’El Ouardia, à Tunis, alors qu’il était parti récupérer sa carte de séjour définitive. Il aurait été interrogé à propos de ses prises de positions contre le président tunisien Kaïs Saïed au printemps 2023. Plusieurs associations réclament sa libération.
L’inquiétude monte en Tunisie. Christian Kwongang, ex-président de l’Association des étudiants et stagiaires africains en Tunisie (AESAT), est détenu depuis le 19 mars dans le centre de détention d’El Ouardia, à Tunis, sans aucune explication.
L’étudiant camerounais, inscrit à l’université privée Upes (gestion et technologie) à Tunis, était « parti chercher sa carte de séjour définitive » quand il a été retenu au poste de police, a déclaré Yaya Traoré, actuel président de l’AESAT, contacté par InfoMigrants.
Détention de Christian Kwongang, pdt sortant de l’#AESAT, depuis plus d’une semaine. Parti chercher sa carte de séjour au poste de police, il se retrouve au centre de détention d’el Ouardia. #Tunisiehttps://t.co/cENDNePUnn pic.twitter.com/QVLq6YbFcB
— Nadiah (@carnetdoute) March 26, 2024
Il a pu passer un appel téléphonique où il a dit avoir été interrogé à propos de ses activités pendant la crise du printemps 2023 lorsqu’un discours du président tunisien Kaïs Saïed contre l’immigration illégale avait déclenché une violente campagne contre les migrants originaires d’Afrique subsaharienne en Tunisie.
Dans son communiqué publié sur Facebook, l’AESAT a dénoncé une détention « sans aucune accusation officielle ni procès ». Interrogé par l’AFP, le ministère de l’Intérieur tunisien a dit ne pas disposer à ce stade d’informations sur le sujet.
« Disparaître pendant huit jours, ce n’est pas normal »
L’arrestation de Christian Kwongang aurait-elle un motif politique ? Aucun élément ne permet pour l’instant de l’établir. Mais les raisons de son incarcération demeurent floues.
D’autant que l’université Upes a expliqué que l’étudiant était accompagné par un responsable pédagogique pour obtenir sa carte de séjour.
« On déplore surtout la manière dont cela s’est fait, continue l’actuel président de l’AESAT, Yaya Traoré. Disparaître pendant huit jours ce n’est pas normal pour un étudiant, et encore moins pour un membre de la société civile. Même les trois avocats qu’on a dépêchés sur place n’ont pas réussi à le voir. »
Les associations Terre d’Asile, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et Avocats sans frontières (ASF) ont, en effet, envoyé des avocats pour tenter d’obtenir la libération de Christian Kwongang. Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) a appelé à « une libération urgente » de l’étudiant, détenu « hors de tout cadre légal ». « Des démarches administratives sont menées par l’ambassade et par l’AESAT », a précisé à InfoMigrants Romdhane Ben Amor, porte-parole du FTDES.
El Ouardia, un cauchemar pour les Subsahariens
À l’origine conçu comme un « Centre d’accueil et d’orientation », El Ouardia servirait depuis juillet 2021 strictement à la détention de migrants : « Officiellement, il est présenté comme un centre d’accueil et d’hébergement, alors que dans les faits, c’est un centre de détention », a déclaré Romdhane Ben Amor.
El Ouardia a d’ailleurs été épinglé par l’Organisation mondiale de lutte contre la torture (OMCT) comme une « zone de non droit où des personnes sont arbitrairement privées de leurs libertés ».
Le bâtiment, où s’entassent une cinquantaine de migrants, de réfugiés et de demandeurs d’asile majoritairement issus de pays subsahariens, est sous la tutelle de la gendarmerie tunisienne, qui refuse son accès aux ONG et aux avocats travaillant sur les questions migratoires.
L’année dernière, un migrant arrêté lors d’une descente de police à Sfax, dans le centre-est du Pays, avait raconté à France 24 les conditions de détention à El Ouardia.
« La manière dont on est accueillis dans ce centre en dit long sur le déroulé des choses : les agents sont déjà préparés à nous faire du mal. On te crache dessus, on t’appelle ‘kahlouch’ [‘noireau’ en arabe maghrébin, ndlr] ou ‘guirguira’ [mot censé imiter des cris de singe, ndlr] ».
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