Dans certaines régions en Allemagne, les demandeurs d’asile sont désormais contraints d’effectuer des travaux dans leur centre d’accueil pour ne pas perdre une partie de leurs aides sociales.
Ils taillent des haies, balayent les rues et nettoient les vitres. Dans le Land de Thuringe, à l’est de l’Allemagne (le pays est composé de 16 Etats fédérés appelés « Länder »), tous les résidents adultes en bonne santé du centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Saale-Orla sont tenus de travailler jusqu’à quatre heures par jour. Ils sont payés 80 centimes de l’heure, versés directement sur leur nouvelle carte de paiement.
Ce genre d’activités n’est pas nouveau.
Ce qui l’est, c’est la retenue sur les allocations : ceux qui refusent de travailler voient leurs prestations sociales réduite – jusqu’à 180 euros par mois en moins.
Saale-Orla est ainsi devenue la première circonscription en Allemagne à appliquer ce que l’on appelle la « Arbeitspflicht », que l’on peut traduire par « obligation de travail », même si, depuis les années 1990, les autorités ont déjà la possibilité d’exiger que les demandeurs d’asile travaillent.
« Donner quelque chose en retour »
Pour Mario Voigt, président du parti conservateur CDU de Thuringe, il s’agit d’un signal politique positif. « Tous ceux qui bénéficient de la solidarité de la communauté en Allemagne doivent également donner quelque chose en retour », estime-t-il.
Le président du conseil local de Saale-Orla, Reinhard Sager, est du même avis : « Toute personne qui reste en Allemagne pendant une longue période doit trouver un emploi. C’est ce que la communauté attend », estime-t-il dans les colonnes du tabloïd allemand Bild.
De plus, selon lui, c’est également ce que souhaitent de nombreux demandeurs d’asile. Reinhard Sager ambitionne d’ailleurs d’élargir le programme à des emplois réguliers au sein d’entreprises qui recherchent désespérément du personnel, comme par exemple dans le secteur de la restauration.
Jens Marco Scherf, membre du parti des Verts et partisan de mesures fortes pour limiter l’immigration irrégulière, estime qu’en intégrant rapidement les demandeurs d’asile dans le marché du travail, « l’acceptation professionnelle, linguistique et sociale » des nouveaux arrivants sera plus importante.
Des enquêtes menées par l’Institut allemand pour le marché du travail (IAB) ont montré que 70 % des réfugiés et des demandeurs d’asile souhaitent travailler.
Le gouvernement tente ainsi de faciliter l’accès au marché de l’emploi dans une démarche gagnant-gagnant : les demandeurs d’asile payent des impôts et contribuent à l’économie, tout en bénéficiant des avantages à occuper un emploi régulier.
D’après les ONG, cette intégration se heurte toutefois encore à la lourdeur des procédures administratives et à la difficulté de faire reconnaître des qualifications étrangères en Allemagne.
Hamado Dipama, porte-parole du Conseil bavarois pour les réfugiés, considère qu’il faut distinguer le programme de travail obligatoire et les efforts déployés par le gouvernement pour améliorer l’accès au marché du travail.
Originaire du Burkina Faso, Hamado Dipama a obtenu le statut de réfugié en Allemagne. Il estime que le travail obligatoire est discriminatoire.
Le récit raciste des réfugiés « réfractaires au travail »
« Autoriser les réfugiés à travailler est une évolution positive, mais je n’accepte pas le terme ‘obligation’ parce qu’il suggère que les demandeurs d’asile ne travailleraient pas sans y être forcés », lance le Burkinabè.
Par ailleurs, note Hamado Dipama, ceux qui affirment que mettre des demandeurs d’asile au travail leur donnera une meilleure image auprès de l’opinion publique jouent avec l’atmosphère raciste qui règne dans le pays.
Un point de vue soutenu par Doreen Denstädt, ministre régionale de l’Intégration de Thuringe, qui rappelle que le même « récit erroné sur les réfugiés réfractaires au travail » est véhiculé par les groupes d’extrême-droite en Allemagne.
Selon elle, la majorité des demandeurs d’asile sont motivés pour travailler, raison pour laquelle il faut leur donner la possibilité d’obtenir un permis de travail. « Je souhaite que les responsables politiques prennent enfin au sérieux la situation des demandeurs d’asile. Ils ne veulent pas de ces petites activités, de ces maigres opportunités de travail », explique-t-elle à InfoMigrants.
Tareq Alaows, porte-parole de la politique des réfugiés pour l’ONG Pro Asyl, a qualifié les propositions sur le travail obligatoire de « racistes et inhumaines ». Pour lui, cette mesure « démontre une fois de plus que la politique des réfugiés n’est pas la bonne, et une fois de plus une tendance dangereuse vers un débat populiste de droite ».
Un « facteur d’attraction » ?
Les opposants au programme ne se limitent toutefois pas aux réfugiés et aux partis de la gauche allemande. Parmi ses détracteurs, on trouve également des conservateurs qui disent craindre que l’accès au travail pour les demandeurs d’asile leur permettra d’envoyer plus rapidement une partie de leurs revenus vers leur pays d’origine.
Thomas Karmasin et Martin Sailer, du parti CSU, entre autres, assure que cela crée un « facteur d’attraction » et incitera des migrants à choisir l’Allemagne comme pays de destination.
Martin Sailer pense également qu’il sera plus difficile d’expulser une personne si celle-ci est trop intégrée à la société allemande à travers son emploi.
infomigrants