Le Premier ministre, lors d’une rencontre avec les députés de la majorité, a annoncé mardi la constitution d’une mission qui fera des propositions sur « la taxation des rentes ».
Une fois de plus, le gouvernement se trouve propulsé au milieu d’un champ de mines. Où qu’il mette les pieds, le risque d’y laisser des points de popularité est presque certain. Face à un déficit bien plus important que prévu, la majorité n’a que de mauvaises options.
La première, évoquée par toutes les oppositions et quelques voix en interne, consiste à augmenter les impôts et particulièrement les taxes sur les superprofits.
La présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet s’en est fait l’écho. Mardi matin encore, elle plaidait en faveur de taxes « exceptionnelles », suggérant plusieurs pistes : « l’augmentation provisoire de la flat tax » et la taxation des superprofits, des superdividendes ou encore des rachats d’action.
De LFI au PS, elle a le soutien de toute la gauche. Le RN partage aussi ses positions. Marine Le Pen en février 2023 assurait : « la taxation des superprofits devient une urgence économique, mais surtout une urgence de justice sociale à l’égard des Français ».
La pression est devenue plus forte
Mais si jusqu’à présent le gouvernement s’est montré inflexible, c’est qu’Emmanuel Macron est convaincu que des hausses d’impôts seraient mal perçues par le monde de l’entreprise et les marchés financiers. Bruno Le Maire, le 22 mars, est donc resté ferme. Il a rappelé que taxer les superprofits « n’était pas une bonne solution » et qu’il s’agissait surtout d’un « engagement » pris avec Emmanuel Macron.
Les impôts « n’augmenteront pas, tout simplement parce qu’ils sont déjà très élevés », a-t-il insisté, rappelant que les énergéticiens seraient taxés comme prévu, « mais pas plus que ça ».
Mais ces derniers jours la pression est devenue plus forte. Au sein même de la majorité, notamment au Modem et chez Renaissance, des critiques se sont fait entendre soulignant qu’il serait dangereux de donner l’impression d’épargner les plus riches.
Le rapporteur général du budget, Jean-René Cazeneuve, a pris la parole mercredi en réunion de groupe pour dire au ministre de l’Économie qu’il devrait lire les travaux réalisés par les députés sur la suppression de certaines niches fiscales. Il a été très applaudi, « signe de l’agacement des élus macronistes qui ne se sentent pas suffisamment associés aux choix du gouvernement », confiait à La Dépêche un conseiller de la majorité.
Gabriel Attal a donné des gages
Le Premier ministre Gabriel Attal s’est donc invité mardi à l’Assemblée afin de tenter d’apaiser les esprits. Il a annoncé qu’ « une trajectoire sera donnée la semaine prochaine pour permettre d’atteindre les 3 % (de déficit NDLR) en 2027 », ajoutant : « fin juin on dira comment on y arrive avec notamment les recettes, les dépenses et les économies structurantes ». Dans l’attente, il a annoncé la constitution d’une mission qui fera d’ici juin des propositions sur « la taxation des rentes ».
Elle sera conduite par Jean-René Cazeneuve et un représentant de chaque groupe de la majorité.
Mais s’il a ainsi donné des gages à ceux qui demandent plus d’équité, le Premier ministre n’a pas pour autant infléchi son discours. Il a une nouvelle fois défendu l’idée que la réforme de l’Assurance chômage était la piste privilégiée pour sortir de l’ornière budgétaire : « C’est grâce à l’emploi que nous pourrons désendetter le pays et réarmer nos services publics », a-t-il assuré.
Une autre piste d’économies a été évoquée par la porte-parole du groupe Renaissance à l’Assemblée Maud Brégeon : le remboursement des médicaments en fonction du niveau de revenu.
Tout en campant sur ses positions, le Premier ministre s’est donc donné un peu d’air en ouvrant la piste d’une taxation des rentes.
Il espère ainsi éviter les critiques l’accusant de trahir la promesse de ne pas augmenter les impôts, et celles déjà audibles à gauche lui reprochant de faire peser les efforts uniquement sur les classes moyennes. Pas facile de slalomer au milieu d’un champ de mines.
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