Les députés espagnols du Congrès se penchent à partir de mardi sur un projet de loi qui, s’il est adopté, permettra la régularisation d’un demi-million de migrants en situation irrégulière dans le pays. Le projet de loi a été porté au Parlement par une initiative citoyenne.
Top départ des discussions. Mardi 9 avril, les membres du Congrès espagnol – la chambre basse du Parlement – se penchent sur un projet de loi ouvrant la régularisation d’un demi-million d’étrangers en situation irrégulière dans le pays.
La proposition est soutenue par plus de 900 organisations, ONG comme congrégations catholiques, et une pétition citoyenne de 700 000 signatures.
Si le texte est adopté, le gouvernement aura six mois pour établir un arrêté royal. Seront concernés les étrangers sans papiers arrivés en Espagne avant le 1er novembre 2021.
La dernière régularisation de ce type a eu lieu en 2005, sous le mandat de José Luis Rodríguez Zapatero.
Elle avait permis la délivrance de papiers à près de 600 000 personnes.
⚠️ALERTA⚠️
El próximo martes 9 de abril, el Congreso decidirá el destino de la ILP Regularización. El riesgo para nuestra ILP es letal, porque el PSOE, el PP y VOX están planteándose finalizar el procedimiento sin debatirla. #ILPRegularizacion
🧵 pic.twitter.com/lcerBSfZ7J— ✳️ RegularizacionYa Cuenta Oficial (@RegularizacionY) April 5, 2024
Au Congrès, le texte est soutenu par six des neuf groupes parlementaires qui le constituent.
Pour la fondatrice du parti communiste Sumar Yolanda Diaz, cette régularisation massive est « une question de justice sociale », a-t-elle déclaré à El Mundo.
Une partie de la majorité socialiste au pouvoir, le PSOE, laisse pour l’instant planer le doute sur son vote. Les partis d’extrême-droite et de droite Vox et PP ont, eux, déjà assuré voté contre. Les deux partis ont mis en garde de l’éventuel « appel d’air » d’exilés conséquent à cette loi, indique l’agence de presse EFE.
La proposition a été lancée en décembre 2022 via une initiative législative populaire (ILP).
Ce mécanisme démocratique garanti par la Constitution espagnole permet aux citoyens de proposer des mesures législatives aux députés, via la diffusion de pétitions : au moins 500 000 signatures citoyennes sont nécessaires pour qu’une proposition de loi soit proposée à la discussion du Parlement.
Un cap qu’a passé avec succès la pétition pour la régularisation des sans-papiers en février 2023, et qui a donc acté le début du processus parlementaire. Trois mois plus tard, en mai 2023, le projet de loi a ensuite été déposé au Parlement espagnol avant débats.
« Dette de gratitude »
Pour les défenseurs du projet, le texte vient combler une défaillance administrative qui empêche les étrangers d’accéder à des droits fondamentaux et de bénéficier des services publics. « Imaginez ce que c’est de travailler sans aucune garantie sur votre salaire, ou sur une potentielle indemnisation en cas de licenciement et sans possibilité de cotiser.
Sans rien », a déclaré à la radio Cope le coordinateur de l’ILP, Jorge Serrano.
« Nous faisons partie de la société et nous effectuons des travaux essentiels, mais nous ne pouvons pas louer d’appartement, signer un contrat ou avoir une carte de santé », affirme le groupe de migrants faisant partie de l’ILP. On nous dit que nous sommes essentiels, mais il nous manque les droits les plus élémentaires ».
Le groupe rappelle aussi l’implication des migrants en situation irrégulière durant la pandémie de Covid-19, dans des secteurs essentiels comme les soins de santé, la livraison à domicile ou la collecte de fruits et légumes.
« Notre société a une dette de gratitude envers l’un de ses groupes les plus vulnérables ».
Pour pallier la situation, les députés espagnols ont adopté en août 2022 une réforme visant à faciliter l’entrée sur le marché du travail et l’installation légale de milliers de personnes étrangères dans le pays.
Parmi les principales dispositions figure la possibilité d’obtenir un titre de séjour de 12 mois pour les personnes en situation irrégulière, pouvant justifier d’un séjour dans le pays d’au moins deux ans.
À une condition cependant : effectuer une formation dans les secteurs qui manquent de main-d’œuvre, à savoir le tourisme, les transports, l’agriculture et la construction.
Une mesure bienvenue mais insuffisante donc, au regard du nombre conséquent de sans-papiers en Espagne, plongés malgré eux dans l’illégalité.
Des arrivées en hausse de 277 %
Selon une étude de la banque Allianz consultée par El Economista, le pays a par ailleurs besoin de personnes étrangères pour faire fonctionner son économie et contrer la pénurie de main-d’œuvre. D’après les économistes, l’Espagne a besoin de 338 000 travailleurs supplémentaires par an pour combler son déficit.
« Sans immigration, les gouvernements devront prendre des mesures pour allonger la journée de travail et retarder l’âge de la retraite », affirment les experts d’Allianz.
Depuis le début de l’année 2024, les arrivées de migrants en Espagne se sont multipliées.
En trois mois, un total de 16 156 personnes ont débarqué dans le pays, soit 277 % de plus qu’à la même période l’année dernière. La principale porte d’entrée se situe aux Canaries : plus de 81 % du nombre total d’exilés (13 115) sont entrées dans le pays par l’archipel, soit une augmentation de plus de 500 % de janvier à mars 2024.
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