Ce week-end, les autorités tunisiennes ont récupéré 13 corps de migrants au large du pays. Près de 2 000 personnes, en grande majorité originaires d’Afrique subsaharienne, ont également été interceptées en mer.
Les traversées depuis les côtes tunisiennes ont été nombreuses ce week-end. Les autorités tunisiennes ont intercepté 1 867 personnes en Méditerranée et stoppé 50 tentatives de traversées, affirme un communiqué de la Direction générale de la Garde nationale, publié le 7 avril.
La plupart des migrants, soit 1 829 personnes, sont originaires d’Afrique subsaharienne. Les autres sont tunisiens.
Dans le même temps, 13 corps sans vie ont été récupérés. Aucune information sur le lieu de cette découverte ou sur l’identité des personnes n’a été dévoilée.
À Sfax, la Garde nationale a par ailleurs arrêté 14 personnes soupçonnées d’avoir organiser des traversées, ou d’avoir servi d’intermédiaires. Un « atelier » de fabrication de bateaux a aussi été découvert.
À l’intérieur, la police a saisi 16 embarcations, 47 moteurs, et du carburant.
#Tunisia: Coast Guard units in the centre recovered 13 bodies and rescued 1,867 irregular migrants of various #African nationalities involved in 50 irregular migration attempts, the Directorate General of the National Guard said on Sunday. https://t.co/nZp2amkSdF pic.twitter.com/QB4c2p7bcU
— TAP news agency (@TapNewsAgency) April 7, 2024
Le 25 mars déjà, cinq corps de migrants avaient été retrouvés par les garde-côtes tunisiens.
Cette découverte faisait suite à deux autres naufrages survenus la veille. Trois exilés – un Syrien, un Bangladais et un Éthiopien – sont tombés à l’eau pendant leur transfert à bord d’un cargo pétrolier. Une fillette de 15 mois et un garçon guinéen de 15 ans s’étaient également noyés lors d’un sauvetage près de Lampedusa. Leur embarcation en fer avait chaviré au moment de l’opération.
« Hordes de migrants »
Auparavant cantonnés en Libye, les départs de bateaux sont devenus également très nombreux en Tunisie. L’an dernier, pas moins de 1 313 personnes parties des côtes tunisiennes ont disparu ou sont mortes en mer Méditerranée, selon les chiffres du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). Un nombre jamais atteint jusqu’ici. Et au moins deux tiers de ces exilés étaient originaires d’Afrique subsaharienne.
Ce funeste bilan « équivaut à peu près à la moitié des morts ou disparus en Méditerranée » de 2023, a précisé Islem Ghaarbi de l’ONG tunisienne.
La multiplication des départs s’explique par la montée du racisme et de la xénophobie en Tunisie – notamment dans la région de Sfax – attisée par le président Kaïs Saïed. Le 21 février 2023, le dirigeant avait dénoncé l’arrivée dans son pays de « hordes de migrants » clandestins d’Afrique subsaharienne dans le cadre d’un supposé complot « pour changer la composition démographique » du pays.
Au cours des semaines suivantes, des centaines de ressortissants d’Afrique subsaharienne avaient été chassés de leur travail et logement, et beaucoup s’étaient réfugiés près de leurs ambassades avant des rapatriements en urgence notamment en Côte d’Ivoire, au Mali et en Guinée. L’été dernier, des milliers de migrants ont été interpellés dans la région de Sfax et envoyés dans le désert, à la frontière entre la Libye et l’Algérie. Selon les ONG, une centaine d’entre eux y sont morts de soif.
Déplacements arbitraires
Un an après les propos anti migrants de Kaïs Saïed, « les violations systématiques et les campagnes racistes et xénophobes visant les migrants subsahariens en Tunisie se poursuivent, et restent à ce jour impunies », ont dénoncé plusieurs associations dans un communiqué, le 5 avril.
Le document déplore « l’acharnement exercé par l’appareil sécuritaire » tunisien, et « l’implication directe des autorités tunisiennes dans les violences perpétrées à l’encontre des personnes migrantes, tant lors des opérations d’interception en mer que lors d’interventions terrestres ».
Les signataires pointent également du doigt les déplacements arbitraires opérées par les forces de l’ordre après les interceptions en mer, à El Amra, El Jédériya, et Kasserine, « où la situation est de plus en plus inquiétante et alarmante ».
Interrogé par InfoMigrants sur ces pratiques, le porte-parole de la Garde nationale tunisienne, Houssem Eddine Jbebli, a nié l’existence de toute expulsion vers les pays frontaliers de la Tunisie. « Ces propos sont inacceptables. Il n’y a aucune opération d’expulsion. Il ne se passe rien », avait-il expliqué en décembre 2023. « Nous proposons uniquement des retours volontaires pour les migrants qui le souhaitent ».
Mohamed, 16 ans, a pourtant été transféré en bus, contre son gré, de Sfax à la frontière algérienne en janvier dernier.
« Quand on s’est approchés de la zone montagneuse, le bus était trop gros. Ils nous ont répartis dans des pickups pour grimper dans la montagne, avait-il témoigné. Ils nous ont abandonnés là, ils ont pris les portables, l’argent qu’on avait et ils sont partis ».
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