Phoenix (États-Unis) – Davine Cortez jette d’abord un regard hésitant aux deux militants démocrates qui frappent à sa porte dans l’Arizona. Mais lorsqu’elle apprend qu’ils récoltent des signatures pour protéger le droit à l’avortement dans cet Etat du sud-ouest des Etats-Unis, elle leur ouvre grand la porte.
« Bien sûr que je vais signer ! », lance cette femme d’affaires qui dit pourtant ne pas s’intéresser, d’habitude, à la politique.
Cette quinquagénaire de Phoenix s’empresse de saisir une poignée de stylos pour les tendre aux bénévoles: « Tenez, pour que d’autres personnes puissent signer ! ».
En pleine campagne électorale, cette réaction révèle l’importance du thème de l’accès à l’avortement, défendu bec et ongles par le président démocrate Joe Biden face à Donald Trump, dont le camp républicain a subi plusieurs revers électoraux précisément à cause de l’impopularité des restrictions à ce droit.
« Les femmes ont besoin d’avorter dans diverses situations et leur retirer ce droit revient à leur retirer un droit humain », fait valoir Davine Cortez à l’AFP.
Avec le revirement de jurisprudence de 2022 par une Cour suprême des Etats-Unis largement remaniée par Donald Trump lorsqu’il était président, l’avortement n’est plus un droit protégé au niveau national.
« Ramener l’Amérique aux années 1800 »
Depuis, une vingtaine d’Etats américains ont interdit ou sévèrement restreint l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). La semaine dernière, la justice de l’Arizona a estimé applicable une interdiction quasi-totale de l’avortement… vieille de 160 ans.
Même si l’application de cette décision reste incertaine, la vice-présidente Kamala Harris, en campagne avec Joe Biden, s’est rendue sur place. Donald Trump « veut ramener l’Amérique aux années 1800 », a-t-elle taclé vendredi lors de ce déplacement dans l’Arizona.
« Voici à quoi ressemble un second mandat de Trump: plus d’interdictions, plus de souffrances et moins de liberté », a-t-elle fustigé.
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Sur le terrain, bénévoles ou militants démocrates aussi se mobilisent. Surtout que, en 2020, Joe Biden avait battu Donald Trump d’un peu plus de 10.000 voix dans cet Etat.
Initiée à l’origine par des associations apolitiques, la pétition dans l’Arizona vise à inscrire le droit à l’avortement dans la constitution de l’Etat par le biais d’un référendum…qui se tiendrait le même jour que le scrutin présidentiel du 5 novembre.
Les organisateurs affirment avoir déjà recueilli plus d’un demi-million de signatures.
« J’espère que davantage de gens s’inscriront sur les listes électorales » parce que « ça compte pour la vie des gens », confie à l’AFP le sénateur démocrate de l’Arizona Mark Kelly, en marge d’une rencontre avec les bénévoles et les militants qui font circuler la pétition à Phoenix.
« Aucun sens »
Face aux militants républicains « pro-life », c’est-à-dire hostiles à l’IVG, ce thème « va vraiment aider la campagne démocrate », estime Liz Grumbach, l’une des bénévoles. Le droit à l’avortement « est vraiment ancré dans l’histoire de cet Etat », affirme à l’AFP cette femme de 37 ans.
« J’ai l’impression qu’on revient un peu en arrière.
Je pense que j’ai été préoccupée par l’avortement tout au long de ma vie de femme », déplore Liz Grumbach, disant toutefois « espérer » que les désaccords n’empêchent pas de « parler des questions importantes pour nous » et de trouver « un terrain d’entente ».
Donald Trump s’est longtemps vanté d’avoir rendu la Cour suprême plus conservatrice.
Mais, conscient de l’attachement de la majorité des Américains au droit à l’IVG, il joue désormais une retenue inhabituelle sur la question, semblant écarter la possibilité d’une interdiction à l’échelle nationale.
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« On est plus dans les années 1800. On est bien plus avancés », dit à l’AFP Lucy Meyer, une autre femme qui a signé volontiers la pétition. Pour cette banquière de 54 ans, ces restrictions sont tout simplement « ridicules » et n’ont « aucun sens ».
La frange la plus conservatrice des républicains, elle, n’en démord pas.
Et les quelques élus du parti dans l’Arizona qui ont cherché à se dissocier des restrictions à l’avortement ont été conspués sur les réseaux sociaux.
Pourtant, Donald Trump lui-même a reconnu que la décision dans l’Arizona allait trop loin.
AFP