Une première version du décret, publiée mi-décembre 2023, avait été critiquée par les organisations de sage-femmes car elle prévoyait des conditions d’exercice « restrictives », allant bien au-delà des garde-fous aujourd’hui exigés lorsque le geste est effectué par un gynécologue ou un médecin généraliste.
Un premier texte « contre-productif »
Le décret de décembre requérait la présence simultanée dans l’établissement d’un médecin spécialiste en orthogénie, d’un gynécologue-obstétricien, d’un anesthésiste et d’un plateau d’embolisation – pour gérer des complications rarissimes -, des conditions auxquelles répondent seulement les grandes maternités, notamment celles des CHU. Ces conditions allaient aussi au-delà de celles exigées pour les accouchements, pourtant plus à risque selon les professionnelles.
Les sage-femmes et plusieurs associations de lutte pour les droits des femmes avaient rapidement dénoncé un texte « contre-productif », allant « à l’encontre de ses objectifs », puisqu’il ne permettait pas de développer l’accès à l’avortement dans les déserts médicaux.
Le nouveau décret supprime ces conditions restrictives.
Il « définit de nouvelles conditions de formation des professionnels et des conditions d’organisation plus simples », précise le ministère délégué à la Santé dans un communiqué. « Les modalités de prise en charge ainsi que la procédure en cas de complications seront désormais identiques quel que soit le professionnel réalisant l’acte d’IVG instrumentale, reconnaissant par là même pleinement le rôle et l’expertise des sage-femmes », poursuit-il.
« A partir du moment où elles le font dans un établissement qui a l’autorisation de ce type d’acte, il n’y a pas besoin d’avoir, à côté d’elles, un médecin qui, au-dessus de leur épaule, vérifierait ce qu’elles feraient », a déclaré mercredi Frédéric Valletoux sur France Inter.
« Avancée majeure et concrète »
Cette mesure va « faciliter l’accès » à l’avortement, alors que les IVG instrumentales représentent environ « 20% des IVG pratiquées » en France, a-t-il ajouté. L’IVG est autorisée en France et remboursée par la Sécurité sociale, jusqu’à 14 semaines de grossesse. Les sage-femmes pouvaient déjà, depuis 2016, pratiquer l’IVG médicamenteuse.
L’IVG instrumentale, dite aussi chirurgicale, désigne la technique qui vise à aspirer l’œuf, grâce à une canule introduite dans l’utérus. L’opération dure de 10 à 20 minutes et se pratique sous anesthésie locale ou générale.
L’IVG médicamenteuse se pratique en tout début de grossesse, jusqu’à 7 semaines, et s’effectue avec une prise de médicaments.
Après l’inscription dans la Constitution en mars de la liberté de recourir à l’IVG, mesure à « dimension symbolique », le décret de mercredi constitue « une avancée majeure, concrète, pour l’exercice de ce droit » par les femmes, a salué la présidente du Conseil de l’Ordre des sage-femmes, Isabelle Derrendinger. Elle a noté qu’après la première version du texte, « un certain nombre de petits établissements, volontaires, avaient renoncé à s’engager », et vont finalement pouvoir le faire.
« C’est une reconnaissance des professionnelles »
« M. Valletoux nous a entendues », s’est aussi réjouie la co-présidente de l’Association nationale des Sages-femmes orthogénistes, Delphine Giraud. « C’est une reconnaissance des professionnelles, qui ont déjà une connaissance de l’anatomie » féminine et une pratique courante « des gestes techniques à risque de la sphère génitale ».
Le collectif Avortement en Europe se félicite aussi dans un communiqué de « la rédaction retenue, qui enlève toute contrainte aux sage-femmes », mais regrette « que la revalorisation de leur rémunération ne figure pas dans le décret ».
Les tarifs de l’IVG – soit les forfaits de prise en charge versés par l’Assurance maladie aux établissements – ont récemment augmenté mais les hôpitaux ne sont pas tenus d’augmenter le salaire des praticiennes.
afp