« Optimisme prudent quant à une trêve à Gaza », c’est le sentiment des responsables égyptiens après leurs discussions dimanche 28 avril avec une délégation du Hamas, et deux jours auparavant avec des responsables israéliens à Tel Aviv.
La délégation du Hamas a déclaré qu’elle reviendra au Caire avec la réponse aux dernières propositions des médiateurs égyptiens, rapporte notre correspondant au Caire, Alexandre Buccianti. Le site al-Qahera news, proche des services de renseignement égyptiens, a indiqué que, selon des « sources égyptiennes », la délégation du Hamas « reviendra avec une réponse écrite à la proposition de trêve » à Gaza.
Selon diverses sources, une percée a été réalisée après un assouplissement de la position israélienne concernant un cessez-le-feu permanent à l’issue de l’échange d’otages israéliens et de prisonniers palestiniens.
Une condition exigée par le Hamas.
On aurait donc une trêve d’une quarantaine de jours suivie de négociations sur le cessez-le-feu. On a même commencé à discuter de l’avenir du pouvoir à Gaza et de sa reconstruction lors d’une conférence économique en Arabie saoudite qui réunit le chef de la diplomatie américaine et ses homologues arabes.
Pressions arabes
Mais le diable étant dans les détails, on attend impatiemment la réponse du Hamas tout en exerçant, coté arabe, de discrètes pressions. La question d’un éventuel départ du Qatar de la direction politique de l’organisation islamiste a été évoquée dimanche dans une interview par un haut responsable du Hamas, même s’il a ajouté que « cela n’était pas d’actualité ».
Zaher Jabareen, un des négociateurs du Hamas, a par ailleurs dit à l’AFP qu’il était « trop tôt pour parler d’une atmosphère positive dans les négociations ».
En plus d’un cessez-le-feu permanent, le Hamas réclame également « un retrait (israélien) de la bande de Gaza, le retour des déplacés, un calendrier clair pour le début de la reconstruction et un accord d’échange qui lève toute injustice envers les détenus palestiniens, hommes et femmes », a-t-il dit.
Selon des médias, le cabinet de guerre israélien avait dans un premier temps réclamé la libération de 40 otages retenus à Gaza, avant d’autoriser les négociateurs à abaisser ce nombre.
Le site d’information américain Axios a indiqué qu’Israël réclamait la libération des femmes, civiles ou soldates, et des hommes de plus de 50 ans ou en mauvaise santé. Selon Axios, le Hamas affirme que seulement 20 otages répondent à ces critères. Le site ajoute que le nombre de jours de trêve serait égal à celui des otages libérés.
Le secrétaire d’État américain est attendu ce 30 avril en Israël. Il a entamé une nouvelle tournée au Moyen-Orient afin de promouvoir la trêve dans le territoire palestinien. Lundi 29, il était en Arabie saoudite d’où il a appelé à une union régionale face à l’Iran.
Antony Blinken a annoncé l’organisation dans les semaines à venir de discussions avec les six pays du Golfe sur l’intégration de la défense aérienne et antimissile et sur le renforcement de la sécurité maritime.
Selon Antony Blinken, il est important de favoriser une entente régionale incluant Israël. Le secrétaire d’État a également annoncé que les États-Unis étaient prêts à proposer à l’Arabie saoudite des garanties de sécurité si elle normalise ses relations avec Israël.
Riyad a fait savoir il y a deux mois qu’il n’y aurait pas de relations diplomatiques avec Israël tant qu’un État palestinien ne serait pas reconnu. C’est aujourd’hui également la solution que soutien Washington.
Les bombardements se poursuivent sur la bande de Gaza
Depuis le début de la guerre, une seule trêve d’une semaine a été instaurée fin novembre. Elle avait permis la libération de quelque 80 otages israéliens ou binationaux et d’une vingtaine d’étrangers, en majorité des travailleurs agricoles thaïlandais, en échange de 240 prisonniers palestiniens incarcérés par Israël.
La guerre a été déclenchée le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque sans précédent dans le sud d’Israël, entraînant la mort de 1 170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l’AFP établi à partir de données officielles israéliennes.
Plus de 250 personnes ont été enlevées et 129 restent captives à Gaza, dont 34 sont mortes selon des responsables israéliens.
En représailles, Israël a juré d’anéantir le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007. Son offensive à Gaza a fait 34 488 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.
Selon des médecins et la Défense civile, des frappes israéliennes sur plusieurs maisons ont fait 22 morts pendant la nuit à Rafah. Des bombardements ont également visé lundi le camp palestinien de Nousseirat, dans le centre de la bande de Gaza, selon des images de l’AFP, ainsi que la ville de Gaza (nord).
Que disent les Palestiniens des négociations ?
À Hébron, en Cisjordanie occupée, Hatem Amro est prudent, raconte notre envoyé spécial Nicolas Falez. Il ne se revendique pas du Hamas, mais il dit appartenir à « l’axe de la résistance ». L’ingénieur de 60 ans a connu les prisons israéliennes mais aussi celles de l’Autorité palestinienne, en raison de ses liens avec le Hamas.
Hatem Amro pense qu’Israël est condamné à la disparition et que la guerre à Gaza en est une étape.
« Netanyahou, les dirigeants politiques et militaires ont fixé deux objectifs : récupérer les otages du Hamas et éradiquer le Hamas. D’un point de vue militaire, si ces objectifs ne sont pas atteints, alors c’est une victoire pour le Hamas. »
Ce sentiment qu’Israël est en difficultés s’entend de la part d’autres interlocuteurs liés au Hamas en Cisjordanie, comme Hani Abu Sbaa qui vient de sortir de prison après 6 mois de détention administrative sans procès ni accusation et qui témoigne de mauvais traitements subis derrière les barreaux.
Cet universitaire connu pour son engagement islamiste assure qu’Israël perd du soutien dans le monde : « Israël prétend être le seul État démocratique du Proche-Orient. Cette guerre a révélé que c’était faux. C’est un État oppresseur/répressif qui ne défend pas les libertés. Avec les crimes perpétrés dans la bande de Gaza, Israël a perdu sa place dans le monde. Les crimes, les fosses communes, les mauvais traitements infligés aux prisonniers montrent qu’Israël ne respecte pas le droit international. »
Et pour appuyer leur propos, ces interlocuteurs ont tous fait référence aux mobilisations dans les universités occidentales, qu’ils observent avec attention.
rfi