Droits des étrangers : en France, la Cimade dénonce des enfermements toujours plus abusifs

Si le nombre d’enfermements de personnes étrangères n’a que légèrement augmenté par rapport à 2022, les conditions de rétention en France se sont considérablement dégradées, selon la Cimade. L’association publie son rapport annuel sur les centres de rétention administrative (CRA), lieux où des ressortissants étrangers sont privés de libertés en raison de l’irrégularité de leur situation.

En 2023, 45 000 personnes de nationalité étrangère ont été enfermées dans les centres de rétention en France, dont les trois quarts dans les Outre-mer. Mayotte concentre à elle seule plus de 60% des retenus.

Dans 70% des cas, la rétention a été décidée à la suite de l’édiction d’une OQTF, une obligation de quitter le territoire français. À l’échelle de l’Union européenne, la France est le pays qui en délivre le plus.

Depuis 2022, elle est à l’origine d’un tiers des mesures d’éloignement prises sur le continent.

« On constate une volonté politique d’enfermer et d’éloigner des personnes considérées comme dangereuses par l’administration, analyse Justine Girard. Les personnes étrangères représenteraient une menace pour l’ordre public et sont enfermées à ce motif, au mépris de leurs droits et de leur situation individuelle et personnelle ».

Pourtant, le nombre effectif d’expulsions depuis les centres de rétention administrative (CRA) a baissé de 15,3% l’an dernier, signe pour la Cimade que le lien entre nécessité de l’enfermement et expulsions, cher au ministère de l’Intérieur, ne tient pas debout.

Des procédures et des droits bafoués
Plusieurs personnes ont été expulsées alors que leur demande d’asile ou leur recours devant la justice était encore en cours d’instruction.

« Ça arrivait rarement auparavant, le plus souvent à cause d’erreurs de l’administration. Mais en 2023, il y en a eu beaucoup plus et on sent une volonté politique d’expulser les personnes sans respecter les procédures en cours, alors que certaines de ces procédures permettent la suspension de l’expulsion », explique Justine Girard.

À l’intérieur des centres de rétention administrative, les droits des retenus ont également été bafoués à plusieurs reprises.

Les permanences médicales ne sont pas systématiquement assurées, selon le rapport, et lorsqu’elles le sont, l’avis des médecins n’est parfois pas pris en compte par la préfecture (qui décide de la prolongation de la rétention).

Ainsi, un homme est décédé à l’été 2023 après plusieurs alertes ignorées par les autorités sur sa vulnérabilité et l’incompatibilité d’un placement en rétention avec son état de santé. Au total, quatre personnes y sont mortes l’année dernière.

Alors que la durée de séjour moyen en CRA était en 2023 de 28,5 jours, soit deux fois plus qu’il y a cinq ans, le rapport met également en lumière les conséquences de l’enfermement : violences, automutilations, tentatives de suicide, séquelles psychologiques à la sortie, notamment chez les plus jeunes.

Des enfants encore enfermés
Si le placement en centre de rétention des mineurs non accompagnés est interdit, 21 personnes se disant âgées de moins de 18 ans se sont retrouvées en CRA l’année dernière.

Le rapport rapporte notamment le témoignage d’une ressortissante angolaise, âgée de 14 ans et placée au CRA de Metz au mois de juin 2023, car la préfecture la considérait majeure : « Madame J. était pourtant munie de son acte de naissance, qui n’a pas été pris en compte par les services de la préfecture. Or, la Cour de cassation a rappelé qu’en cas de doute sur l’âge de la personne concernée, celui-ci devait profiter à l’intéressé ; la présomption de minorité aurait dû primer dans la situation de madame J ».

Elle n’en sortira que trois semaines plus tard, après qu’un officier de l’Ofpra ordonne sa libération immédiate du centre de rétention.

Les enfants accompagnés par leurs parents, eux, sont de moins en moins nombreux. En métropole, ils ont été 87 à séjourner en CRA, et ce chiffre devrait diminuer encore davantage avec la loi immigration votée début 2024. Le texte demande aux préfectures de privilégier l’assignation à résidence des familles plutôt que leur enfermement.

Seule exception à son application : Mayotte, qui devra attendre 2027 pour que cette disposition soit mise en œuvre. C’est d’ailleurs à Mayotte que les enfants sont les plus nombreux. En 2023, 3 262 mineurs accompagnés ont été retenus, soit 37 fois plus que dans l’Hexagone.

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