YAOUNDE — Il est crucial d’assurer la disponibilité et d’optimiser les traitements antirétroviraux (ARV) dans les pays en développement et notamment en Afrique.
C’est le message largement soutenu par les participants, parmi lesquels des chercheurs, membres des organisations internationales, acteurs de la société civile et personnes vivant avec le VIH, qui ont pris part au symposium organisé dans le cadre de la 12e conférence internationale de l’Alliance francophone des acteurs de santé contre le VIH et les infections virales chroniques (AFRAVIH), tenue du 16 au 19 avril à Yaoundé au Cameroun.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on estimait à 39 millions le nombre de personnes vivant avec le VIH à la fin 2022, dont plus des deux tiers (25,6 millions) dans la Région africaine de l’OMS.
« Quand il y a de nouveaux médicaments qui pourraient avoir un impact important dans les pays en développement, on discute et on négocie avec les entreprises pharmaceutiques qui ont développé ces nouveaux médicaments pour qu’ils puissent être rapidement disponibles et à un prix plus abordable dans ces pays, notamment par le biais de la fabrication des produits génériques »Esteban Burrone, directeur des politiques, Medicines Patent Pool (MPP)
L’Afrique du Centre et de l’Ouest représentent 4,8 millions des 39 millions de personnes vivant avec le VIH. Par ailleurs, 160 000 nouvelles infections sont enregistrées chaque année, dont 51 000 chez les enfants de moins de 15 ans.
Les décès liés au VIH s’élevant à 120 000 par an.
Au regard de ces chiffres, il est « indispensable » de mettre à la disposition des pays des traitements à moindre coût, précise Esteban Burrone, directeur des politiques, de la stratégie et de l’accès au marché chez Medicines Patent Pool (MPP), une organisation internationale dont l’objectif est de réduire les prix des médicaments contre le VIH et de faciliter le développement de traitements anti-VIH, grâce à l’octroi de licences de brevets dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
« Quand il y a de nouveaux médicaments qui pourraient avoir un impact important dans les pays en développement, on discute et on négocie avec les entreprises pharmaceutiques qui ont développé ces nouveaux médicaments pour qu’ils puissent être rapidement disponibles et à un prix plus abordable dans ces pays, notamment par le biais de la fabrication des produits génériques », déclare-t-il
Il poursuit en précisant que « […] le TLD qui est le régime de première intention aujourd’hui dans le monde est disponible pour moins de 45 $ par patient l’année ».
D’après lui, il y a quelques années, les meilleurs médicaments étaient disponibles dans les pays riches et les médicaments moins chers disponibles dans les pays en développement.
« Mais aujourd’hui, on a les meilleurs médicaments possibles tels que la combinaison à dose fixe TLD qui est la recommandation principale de l’OMS pour le VIH disponibles dans les pays en développement », soutient Esteban Burrone.
Médicament « révolutionnaire »
Le symposium de Yaoundé était consacré aux 10 ans d’efforts pour un large accès au Dolutégravir (DTG), un médicament assez « révolutionnaire », du point de vue de Philippe Duneton, directeur exécutif de UNITAID, organisation internationale chargée de centraliser les achats médicaments en vue d’obtenir de meilleurs prix.
Medicines Patent Pool et ViiV Healthcare ont signé, en avril 2014, deux accords de licence (adulte et pédiatrique) visant à accélérer l’accès au DTG, un antirétroviral destiné à l’adulte et à l’enfant. Grâce à ces accords, des fabricants de génériques produisent des versions à bas coût de ce médicament.
Il s’agit « d’une combinaison très efficace et bien tolérée qui contribue à supprimer rapidement le virus et à réduire la transmission », renseigne MPP.
En 2019, l’OMS a recommandé le DTG « comme option thérapeutique à privilégier contre le VIH dans toutes les populations ». Aujourd’hui, environ 24 millions de personnes prennent des produits à base de ce principe actif, indique Esteban Burrone.
Le déploiement de ce médicament au Sénégal depuis 2018 a été « un évènement très intéressant », témoigne pour sa part Eloi Kambanck, représentant du Conseil national de lutte contre le SIDA dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
« Le plan de transition établi était prévu pour 2019-2021 et nos objectifs pour 2021 étaient de mettre 80 % des patients sous protocole a base de DTG. A la fin de 2021 lorsqu’on a fait l’évaluation à mi-parcours, on était à 84%. Aujourd’hui nous sommes à 96% de patients qui sont sous DTG », précise-t-il dans un entretien avec SciDev.Net.
D’après cet expert, la réussite de ce produit et tous les avantages y associés sont en partie liés a l’approvisionnement qui a pu être assuré. La baisse des couts permettant au pays de renouveler les stocks.
« Je suis moi-même une personne vivant avec le VIH et j’avais fait des vacances thérapeutiques parce que je ne supportais plus le traitement que je prenais. Mais quand j’ai entendu parler du DTG, j’ai demandé à mon médecin de me le prescrire et aujourd’hui, je suis satisfaite », témoigne Nadia Adingra, directrice en Côte d’Ivoire de l’ONG International Community Women Living with HIV.
Pour elle, le DTG est un médicament « optimal » utilisé pour le traitement du VIH et assurer un accès équitable à ce traitement est « essentiel » pour garantir la santé et le bien-être des femmes et des enfants touchés par le VIH.
A en croire Nadia Adingra, près de 82% de femmes allaitantes et enceintes infectées sont sous traitement DTG en Côte d’Ivoire. Cependant, regrette-t-elle, la prise en charge des enfants vivant avec le VIH demeure préoccupante.
« Le taux de mortalité chez les enfants est beaucoup plus élevé faute de traitement. Les enfants ne représentent que 4% des personnes vivant avec le VIH. Malheureusement, 13% d’enfants meurent du fait du VIH, et c’est quelque chose qu’il faut corriger. On espère qu’avec la dose fixe, les choses rentreront dans l’ordre », affirme-t-elle.
SciDev.Net.