Les escrocs se faisant appeler Yahoo Boys sont parmi les plus prolifiques du Web. Étonnamment, ils ne cherchent pas du tout à se cacher et sont très facilement repérables sur les réseaux sociaux.
Si vous avez connu les balbutiements de l’Internet grand public, vous avez certainement entendu parler d’une arnaque par email mettant en scène un prince nigérian. Devenue un genre de plaisanterie pour désigner une tentative d’escroquerie tellement évidente qu’on ne risque pas de se faire avoir, elle a pourtant sévi pendant longtemps. L’idée était d’envoyer un mail en se faisant passer pour un membre de la famille royale du Nigeria (qui n’existe pas) et en promettant de vous donner de l’argent.
Sauf qu’avant cela, il faut en envoyer vous-même ou fournir des informations personnelles.
Ce genre de message n’existe quasiment plus, mais il a donné naissance à toute une génération d’arnaqueurs agissant encore aujourd’hui : les Yahoo Boys. Souvent basés au Nigeria justement, ils utilisent ce nom depuis l’époque où ils ciblaient surtout les utilisateurs de services Yahoo. Ils sont aujourd’hui des centaines de milliers organisés comme un tas de petits groupes agissant plus ou moins indépendamment des autres. Les Yahoo Boys sont parmi les plus dangereux du genre. Il est donc très étonnant d’apprendre qu’ils agissent en plein jour en toute impunité ou presque.
MALGRÉ LEUR DANGEROSITÉ, CES ESCROCS D’INTERNET NE CHERCHENT MÊME PAS À SE CACHER
En cherchant à en savoir plus sur eux, les équipes de Wired ont constaté qu’il était très facile de trouver des Yahoo Boys sur de nombreuses plateformes : Facebook, WhatsApp, Telegram, TikTok, YouTube… Rien que sur le réseau social de Mark Zuckerberg, il y a plus de 16 groupes clairement identifiés, pour un total de 200 000 membres environ. On compte aussi une douzaine de chaîne WhatsApp et YouTube ou encore 20 comptes TikTok.
Les arnaqueurs sont également présents sur le service de partage de documents Scribd.
Une telle présence en ligne est incompréhensible pour Kathy Waters, cofondatrice et directrice exécutive de l’organisation Advocating Against Romance Scammers. “Ils ne se cachent pas sous des noms différents. Ils vendent des scripts, des photos, des identifications de personnes, le tout en ligne, sur les plateformes de réseaux sociaux“. Car c’est bien là le but de tous ces groupes : partager les meilleurs méthodes pour arnaquer les gens.
LES YAHOO BOYS PARTAGENT LEURS TECHNIQUES SUR INTERNET À LA VUE DE TOUS
Les “scams” mis en place par les Yahoo Boys sont multiples. Ils peuvent se faire passer pour la police, le FBI, un médecin, ou encore une personne qui recherche l’amour. Ce genre d’approche est très prisée dans le milieu, et on peut facilement trouver des scripts de parfois plusieurs dizaines de pages dont il suffit de copier/coller des éléments lors d’une conversation en ligne.
“J’ai vu des scripts de 30 à 60 couches de profondeur avant que l’escroc ne doive trouver quelque chose d’autre à dire“, explique Ronnie Tokazowski d’Intelligence for Good, qui travaille avec les victimes de cybercrimes.
Ces derniers temps, les Yahoo Boys sont responsables d’une vague de sextorsions aux États-Unis. Ce type d’arnaque consiste à convaincre quelqu’un d’envoyer des photos à caractère sexuel à l’escroc. Il menace ensuite la victime de les diffuser si elle ne paye pas une certaine somme. Ce fléau a des conséquences tragiques et les Yahoo Boys sont “responsables du suicide de dizaines d’adolescents“, rappelle Paul Raffile, analyste au Network Contagion Research Institute qui recherche activement les membres du groupe.
Contactées par Wired, toutes les plateformes concernées ont supprimé les chaînes ou documents mentionnés.
Cependant aucune n’explique pourquoi les Yahoo Boyz ont pu opérer longtemps en toute impunité. Sur Scribd, l’un des fichiers partagé datait de 2020. Il est fort probable que cela retarde à peine les membres malheureusement, d’autant qu’ils sont très rapides pour adopter de nouveaux canaux ou technologies. Paul Raffile souligne que les Yahoo Boyz utilisent désormais l’intelligence artificielle pour créer des “voix clonées“, ou “des outils de deepfakes pour communiquer en direct avec les victimes“.
phandroid