La colère étudiante en soutien aux Palestiniens se propage depuis deux semaines aux États-Unis. À l’université Columbia de New York, la police a délogé mardi soir les élèves barricadés dans un bâtiment, tandis qu’à l’université UCLA de Los Angeles, des affrontements entre manifestants et contre-manifestants ont éclaté dans la nuit.
La police de New York a eu recours à la force, mardi 30 avril dans la soirée, à l’université Columbia, épicentre de la mobilisation propalestinienne sur les campus américains, afin de déloger les manifestants qui se barricadaient dans un bâtiment depuis la nuit précédente, tandis que sur le campus de l’université UCLA, à Los Angeles, des affrontements entre manifestants et contre-manifestants ont éclaté dans la nuit, selon la police et des images retransmises par les télévisions américaines.
À New York mardi soir (vers 1 h 30 GMT mercredi), c’est en tenue antiémeute, aidés d’un véhicule d’intervention avec échelle, que des dizaines, voire des centaines de policiers, sont entrés sur le campus.
Des agents casqués, grimpant sur l’échelle, sont ensuite entrés par une fenêtre dans le bâtiment occupé.
#HAPPENINGNOW: @Columbia has requested our assistance to take back their campus, which has seen disturbing acts of violence, forms of intimidation & destruction of property. @NYPDnews is dispersing the unlawful encampment and persons barricaded inside of university buildings… pic.twitter.com/gQUzXDUlFe
— NYPD Deputy Commissioner, Operations Kaz Daughtry (@NYPDDaughtry) May 1, 2024
« Les événements de la nuit dernière sur le campus ne nous ont pas donné le choix », a écrit la présidente de l’université, Minouche Shafik, dans une lettre rendue publique demandant à la police de New York d’intervenir sur le périmètre de cet établissement privé de Manhattan.
Depuis deux semaines, elle et de nombreux autres dirigeants d’universités à travers le pays font face à des manifestants, parfois quelques dizaines seulement, qui occupent leur campus pour s’opposer à la guerre menée par Israël à Gaza contre le Hamas, rappelant les manifestations contre la guerre du Vietnam à la fin des années 1960.
Dans sa lettre à la police de New York, Minouche Shafik demande aux forces de l’ordre de « maintenir une présence sur le campus au moins jusqu’au 17 mai, afin de maintenir l’ordre et de s’assurer qu’aucun campement ne soit établi ».
La cérémonie de remise des diplômes est prévue le 15 mai.
Dans la nuit de lundi à mardi, quelques dizaines de protestataires s’étaient barricadés dans le Hamilton Hall. Le bâtiment a été renommé « Hind’s Hall » par le groupe propalestinien « Columbia University Apartheid Divest », en hommage à une fillette de six ans tuée à Gaza. Sur son compte Instagram, ce groupe a dénoncé une « invasion » du campus.
La présidence de Columbia avait commencé lundi à « suspendre » administrativement des étudiants qui refusaient de quitter le « village » de tentes.
Les manifestants propalestiniens exigent que leurs universités coupent les ponts avec des mécènes ou entreprises liés à Israël.
Columbia refuse. Mais un autre campus d’élite du Nord-Est, Brown University, à Providence dans le Rhode Island, a annoncé un accord avec les étudiants : démantèlement du campement contre un vote de l’université en octobre sur d’éventuels « désinvestissements de ‘sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza' ».
« Des méthodes franchement choquantes et honteuses »
À l’autre bout des États-Unis, sur la côte ouest, à Los Angeles, des affrontements ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi, en marge d’un rassemblement propalestinien sur le campus, selon la police et des images retransmises par les télévisions américaines.
« À la demande de UCLA, en raison de nombreux actes de violence commis dans le campement à l’intérieur du campus, le LAPD intervient pour assister la police de l’université et restaurer l’ordre et la sécurité », a annoncé la police de la ville de Los Angeles sur X.
Des manifestants et des contre-manifestants s’affrontaient à coups de bâton, se lançaient des objets et tiraient des feux d’artifice les uns sur les autres, selon les images des télévisions. Les heurts opposent des groupes propalestiniens et pro-israéliens, d’après CNN.
Le chancelier de UCLA, Gene D. Block, avait mis en garde, avant ces heurts, contre la présence de personnes extérieures à l’université. Dimanche, des militants propalestiniens et pro-israéliens, soutenus par de nombreux manifestants extérieurs au campus, en étaient venus aux mains, avec des bousculades et des insultes.
« Beaucoup de manifestants et de contre-manifestants pratiquent leur militantisme de manière pacifique. Mais d’autres emploient des méthodes franchement choquantes et honteuses », a écrit le chancelier dans un message posté mardi sur le site de l’université. « Nous avons été témoins d’actes de violence. Ces incidents ont provoqué, tout particulièrement chez nos étudiants juifs, une profonde anxiété et de la peur », a-t-il ajouté.
Vives réactions du monde politique
La vague de protestation contre la guerre que conduit Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza s’étend dans les universités américaines depuis dix jours. Le mouvement est parti de Columbia, où cent personnes avaient été interpellées le 18 avril.
Les images de forces de l’ordre en tenue antiémeute intervenant brutalement sur des campus ont fait le tour du monde. Depuis le week-end dernier, des centaines d’étudiants, enseignants, militants d’une vingtaine d’universités ont été interpellés, certains arrêtés et placés en détention.
Ces nouvelles manifestations propalestiniennes aux États-Unis ont ravivé le débat électrique depuis octobre entre liberté d’expression et accusations d’antisémitisme.
Le pays compte le plus grand nombre de juifs dans le monde après Israël, et des millions d’Américains arabo-musulmans.
À six mois de la présidentielle et dans un pays polarisé, ce mouvement estudiantin a fait vivement réagir le monde politique. Joe Biden « doit faire quelque chose » contre ces « agitateurs payés », a déclaré mardi soir sur Fox News le candidat républicain Donald Trump.
« Il nous faut mettre fin à l’antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd’hui », a-t-il ajouté.
« Alors que l’université Columbia est plongée dans le chaos, Joe Biden est absent parce qu’il a peur de s’attaquer au sujet », a écrit dans la soirée sur X le chef républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson. Il réclame depuis longtemps le départ de sa présidente, Minouche Shafik.
« Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche » et ne représente « pas un exemple de manifestation pacifique », avait tonné avant l’intervention de la police John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale du président démocrate Joe Biden.
AFP