Une découverte qui pourrait nous forcer à réajuster nos prédictions vis-à-vis du changement climatique, mais aussi nous offrir des perspectives d’action concrètes un jour.
Une étude d’une équipe internationale de chercheurs vient de publier une étude qui montre que la Terre pourrait engloutir des quantités de carbone bien supérieures à ce que l’on imaginait.
Pour comprendre ce qui rend ce résultat intéressant, il faut partir du cycle du carbone. Ce cycle aux proportions gigantesques décrit la vie d’une molécule de carbone, et son passage par les différents réservoirs de notre planète. Ces réservoirs par lesquels transite le carbone sont au nombre de quatre : les mers et océans (hydrosphère), le vivant (biosphère), certains types de roches, et surtout l’atmosphère.
Le fait que cette dernière soit un réservoir est particulièrement important; lorsque le carbone est relargué dans l’atmosphère, c’est souvent sous forme de dioxyde de carbone. Or, ce gaz est connu entre autres pour son rôle dans l’effet de serre. Pour gérer la crise climatique, il est donc fondamental d’étudier et de comprendre ce cycle du carbone et ses implications. Sauf qu’à l’heure actuelle, notre compréhension de ces phénomènes est très hétérogène.
Les mystères de nos sous-sols
“Actuellement, nous avons une bonne compréhension des réservoirs de carbone en surface et des flux qui les relient”, explique Stefan Farsang, de l’université de Cambridge. “Mais nous en savons beaucoup moins sur les réservoirs de carbones internes de la Terre, qui stockent le carbone pendant des millions d’années.”
Des lacunes très handicapantes, quand on sait que ce carbone atmosphérique provient en partie de nos sous-sols, où il est stocké sous la forme de roches carbonatées. Pour comprendre les mécanismes du carbone atmosphérique, il est donc indispensable d’étudier la façon dont ce carbone y parvient. En l’occurrence, c’est la tectonique des plaques qui joue un rôle clé. Lorsque deux plaques tectoniques de densité différentes convergent, elles vont se chevaucher; l’une d’elles va plonger vers les entrailles de la Terre, et on parle alors de subduction.
Lorsqu’une plaque plonge de cette façon, elle emporte avec elle tout le carbone qui y a été déposé pendant des millions d’années sous forme d’organismes morts et de coquilles calcaires. Dans le sous-sol, tous ces éléments vont être soumis à des conditions de pression et de température dantesques; cela va générer certaines des réactions chimiques qui façonnent notre planète au quotidien. Mais pour bien des raisons, nous sommes aujourd’hui techniquement incapables d’aller vérifier ce qui s’y passe en temps réel.
Le carbone en quarantaine
Les géologues ont donc choisi de simuler ces phénomènes dans un accélérateur de particules, l’European Synchrotron Radiation Facility. Ils ont ainsi découvert que plus elles étaient emportées en profondeur, plus les roches carbonatées perdaient de leur calcium au profit du magnésium. Ces détails chimiques un peu obscurs ont une implication très simple; ils signifient que plus une plaque tectonique plonge, moins le carbone qu’elle contient devient soluble. C’est très important, car moins le carbone est soluble, moins il est susceptible de passer dans des roches partiellement fondues… et donc d’émerger bien plus tard lors d’une éruption volcanique.
À la place, les chercheurs ont découvert qu’un tiers du carbone de la coûte terrestre serait acheminé bien plus en profondeur, où il serait stocké partiellement sous forme de diamant. Il y restera pendant des millions d’années. En résumé, la Terre dévore et digère bien plus de carbone qu’on ne le pensait. Il est mis en “quarantaine” et ne participera donc plus au réchauffement climatique à l’échelle de notre vie humaine.
Si ce processus se déroulait bien de cette façon, il s’agirait d’une excellente nouvelle. Mais cela ne serait tout de même pas suffisant pour compenser la folle quantité de carbone atmosphérique produire par l’humain; ces travaux ne constituent en aucun cas une excuse pour interrompre les efforts réalisés jusqu’à présent.
Rappelons toutefois qu’il ne s’agit que d’une première étude, qui sera complétée par d’autres travaux. L’intérêt principal de ces recherches, c’est avant tout les pistes qu’elles proposent. Ce processus devra encore être étudié méticuleusement; mais une fois mieux compris, il sera peut-être possible de l’accélérer. Voire même de le reproduire artificiellement, pour régler une bonne fois le problème du carbone atmosphérique.
Source: flipboard