KIGALI_La 8e conférence de l’Initiative multilatérale sur le paludisme (MIM) qui s’est tenue du 21 au 27 avril à Kigali au Rwanda a permis de saluer les succès de ce pays d’Afrique centrale dans la lutte contre cette maladie.
En effet, les chiffres du Centre biomédical du Rwanda (RBC) montrent qu’en 2016, jusqu’à cinq millions de personnes dans le pays avaient contracté le paludisme, soit 400 personnes sur 1.000. Parmi ces personnes, 17.000 personnes sont tombées gravement malades et 560 sont décédées.
Mais sept ans plus tard, en 2023, seuls 550.000 cas de paludisme ont été enregistrés. Ce qui représente une réduction de l’ordre de 90%. Tandis que les décès dus à la maladie sont tombés à 51, soit une réduction de 91 %. Les cas graves quant à eux sont tombés à 1.300.
“Les agents de santé communautaire ont joué un rôle important et ils le font toujours. Grâce à eux, les gens n’ont plus besoin de faire la queue dans les centres de santé et les hôpitaux pour se faire soigner contre le paludisme”
Aimable Mbituyumuremyi, RBC
Selon Aimable Mbituyumuremyi, chef de division du programme de lutte contre le paludisme au RBC, l’une des stratégies prises par le pays pour faire reculer la prévalence de la maladie a été l’augmentation de manière significative du nombre d’agents de santé communautaire, qui a atteint aujourd’hui 60.000, dont la moitié est qualifiée pour traiter le paludisme.
« Je peux dire que les agents de santé communautaire ont joué un rôle important et ils le font toujours. Grâce à eux, les gens n’ont plus besoin de faire la queue dans les centres de santé et les hôpitaux pour se faire soigner contre le paludisme. Près de 60 % des patients atteints du paludisme dans le pays sont soignés par des agents de santé communautaire » a-t-il indiqué.
Parmi les autres mesures qui ont produit ces résultats, il y a l’assainissement de l’environnement avec les travaux communautaires dénommés en langue nationale «Umuganda».
Les populations étant conviées chaque dernier samedi du mois à couper les herbes autour des maisons, à nettoyer les caniveaux, à éliminer les flaques d’eau laissées par les pluies et qui favorisent la reproduction et la propagation des moustiques vecteurs du paludisme.
« Le Rwanda a été choisi pour abriter cette conférence, justement car le pays a fait des progrès remarquables », souligne Wilfried Fon Mbacham, le directeur exécutif du MIM.
Ce dernier mène actuellement des recherches sur la pharmacogénomique de la réponse aux médicaments, la diversité moléculaire et l’épidémiologie de la résistance aux médicaments dans le domaine du paludisme entre autres maladies.
Volonté politique
« Le Rwanda a réussi à obtenir des résultats intéressants contre le paludisme grâce à une forte volonté politique et à des structures de gouvernance efficaces », témoigne Mambo Muvunyi, le directeur général du RBC.
SciDev.Net a notamment appris que le Rwanda avait lancé une stratégie agressive dès 1997 afin de réduire les cas de paludisme , et le gouvernement a fourni des moustiquaires imprégnées d’insecticide tous les 2 à 3 ans.
Dès 2007, les maisons ont commencé à être pulvérisées afin de tuer les moustiques pendant que les populations étaient sensibilisées à se débarrasser des flaques d’eau stagnante près de leurs domiciles, surtout après les pluies.
Cependant, des défis subsistent dans la lutte contre le paludisme au Rwanda, notamment en matière de sensibilisation à l’utilisation des moustiquaires. Et là encore, les agents de santé communautaire ont été appelés à former les gens à leur bonne utilisation…
Pour sa part, Rose Gana Fomban Leke, experte de la lutte contre le paludisme et professeure d’immunologie et de parasitologie à l’université de Yaoundé I au Cameroun, a appelé à l’utilisation du vaccin pour faire reculer la maladie. « Mais le vaccin doit être accessible à l’ensemble de la population» a-t-elle indiqué.
Vaccin
Le Burkina Faso a de ce fait été cité en exemple en tant que l’un des premiers pays à introduire le vaccin contre le paludisme dans leur programme de vaccination de routine.
« Pour le moment, il s’agit du vaccin RTS,S/AS01 qui est déployé depuis le mois de février dernier. Par rapport à son implémentation, nous n’avons pas encore des résultats d’évaluation », affirme Hamtandi Magloire Natama, de l’Institut de recherche en science de la santé au Burkina Faso, une institution qui a participé aux recherches et essais cliniques sur les deux vaccins actuellement autorisés.
« Mais ayant participé aux essais cliniques, notamment sur le R21/Matrix-M, qui a une efficacité de 75%, on a trouvé que sur quatre années, avec quatre doses, on peut protéger les enfants de de 5 à 17 mois, autour de 71% pour ce qui concerne la survenue du premier épisode, et de 67% pour ce qui concerne l’ensemble des épisodes », ajoute le chercheur.
Rose Gana Fomban Leke rappelle toutefois que le vaccin doit être considéré comme une arme supplémentaire qui vient en complément de l’arsenal existant : moustiquaires, chimiothérapie préventive saisonnière (SMC) et chimiothérapie préventive permanente du paludisme.
Pour sa part, Daniel Ngamije, ancien ministre de la santé du Rwanda et actuel directeur exécutif du Programme mondial de lutte contre le Paludisme à l’OMS, appelle le monde à investir davantage dans la lutte contre cette maladie.
« Les pays doivent mettre en commun leurs efforts en augmentant les investissements dans le secteur de la santé et de la lutte contre le paludisme, et mettre en place des politiques durables en faveur de la prévention du paludisme et de la lutte contre cette maladie’ », a-t-il martelé.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 608.000 décès dus au paludisme ont été enregistrés dans le monde an 2022 sur un total de 249 millions de cas de maladie, dont 94% en Afrique.
scidev