Nouvelle-Calédonie : Emmanuel Macron a convoqué une réunion de crise après les violences meurtrières

Après une deuxième nuit d’émeutes en Nouvelle-Calédonie, où deux personnes sont mortes, Emmanuel Macron a convoqué mercredi matin un Conseil de défense et de sécurité nationale consacré à la situation insurrectionnelle en Nouvelle-Calédonie. L’opposition réclame l’instauration de l’état d’urgence sur l’archipel ou encore une médiation pour sortir de la crise.

Le territoire français du Pacifique Sud connaît ses plus graves violences depuis les années 1980.

Des émeutes se sont poursuivies pour la deuxième nuit consécutive en Nouvelle-Calédonie, du 14 au 15 mai, faisant au moins deux morts et des centaines » de blessés, dont « une centaine » de policiers et gendarmes, alors que l’Assemblée nationale a adopté la révision constitutionnelle réformant le corps électoral tant décriée par les indépendantistes.

Le Haut-commissariat de la République a annoncé, mercredi 15 mai, plus de 130 interpellations durant ces émeutes.

« Plusieurs dizaines d’émeutiers ont été placés en garde à vue et seront présentés à la justice », a précisé le Haut-commissariat dans un nouveau point de situation.

Selon le Haut-commissariat de la République, deux personnes ont été tuées lors des violences.

De son côté, le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer Gérald Darmanin a déclaré sur RTL que des « centaines » de personnes ont été blessées, dont une « centaine » de policiers et gendarmes. Parmi eux, un gendarme mobile a été grièvement blessé par balle à la tête, dans le secteur de Plum, au sud de l’île, et son pronostic vital est engagé, a appris l’AFP de source proche du dossier et de la gendarmerie.

Les principaux partis indépendantistes et non-indépendantistes de Nouvelle-Calédonie ont appelé « solennellement l’ensemble de la population » du territoire « au calme et à la raison ».

Emmanuel Macron a convoqué mercredi matin un Conseil de défense et de sécurité nationale, a annulant son déplacement du jour à Fécamp (Seine-Maritime), où il devait inaugurer un parc d’éoliennes en mer.

La droite réclame l’état d’urgence
« Je demande au Président de la République de décréter l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie dès ce matin, en Conseil des ministres », a déclaré le président du groupe LR à l’Assemblée nationale Olivier Marleix sur LCI. La patronne du Rassemblement national Marine Le Pen a estimé que « la gravité des violences qui se déroulent en Nouvelle-Calédonie nécessite la proclamation de l’état d’urgence », dans un message sur le réseau social X.

Alors que de « graves troubles à l’ordre public sont toujours en cours », selon le communiqué du Haut-commissariat de la République qui fait état de « nombreux incendies et pillages de commerces, d’infrastructures et d’établissements publics, dont plusieurs écoles et collèges », les députés à Paris ont adopté, après les sénateurs, le texte du gouvernement par 351 voix contre 153.

La réforme devra encore réunir les trois cinquièmes des voix des parlementaires réunis en Congrès à Versailles.

Dans un courrier adressé mercredi aux représentants calédoniens condamnant des violences « indigne(s) » et appelant au « calme », le président Emmanuel Macron a précisé que le Congrès se réunirait « avant la fin juin », à moins qu’indépendantistes et loyalistes ne se mettent d’accord d’ici là sur un texte plus global.

Le projet de loi constitutionnelle vise à élargir le corps électoral aux élections provinciales, cruciales dans l’archipel. Les partisans de l’indépendance jugent que ce dégel risque de « minoriser encore plus le peuple autochtone kanak ».

Écoles et aéroport fermés

Au vu des heurts de la nuit, les établissements scolaires « resteront fermés jusqu’à nouvel ordre », a annoncé le vice-rectorat de la Nouvelle-Calédonie dans la matinée.  Et l’aéroport de La Tontoura reste pour l’instant fermé aux vols commerciaux. 

Mardi, le Premier ministre Gabriel Attal avait appelé au dialogue et à l’apaisement durant les questions au gouvernement au Palais Bourbon.

Dans l’agglomération de Nouméa, le couvre-feu décrété par le Haut-commissaire de la République est entré en vigueur mardi à 18 h locales (9 h à Paris). Mais à la tombée de la nuit mardi, les actes de vandalisme avaient repris de plus belle. Plusieurs infrastructures publiques de la capitale ont brûlé dans la nuit, a constaté un correspondant de l’AFP. Des voitures accidentées ou calcinées étaient également visibles un peu partout dans les rues, alors que des camions transportant des gendarmes mobiles, entre autres forces de l’ordre, sillonnaient la ville.

Mercredi matin, les pénuries alimentaires, faute d’approvisionnement des commerces, étaient criantes, engendrant de très longues files d’attente devant les magasins. Certains à Nouméa étaient pris d’assaut, d’autres étaient quasiment vides, n’ayant plus de pain ni de riz à vendre, a constaté le correspondant de l’AFP. 

Une longue file d'attente s'est formée dans le quartier Magenta, à Nouméa, devant l'un des magasins restés ouverts après deux nuits d'émeutes.

Dans les quartiers, la débrouille s’organise. « Nous voulons éviter de nous faire déborder, nous faisons de la prévention », a expliqué à l’AFP David, un habitant du quartier de Ouemo. 

« Nous nous sommes organisés spontanément. Hier en fin de journée, des gens ont essayé de faire entrer quatre barils d’ essence. Nous filtrons la circulation la journée », dit-il alors que certains habitants se sont « armés » de clubs de golf ou de cannes de croquet.

À Tuband, un autre quartier de Nouméa, des habitants patrouillaient armés de bâtons ou de battes de base-ball, encagoulés pour certains. « Un mouvement collectif impliquant une cinquantaine de détenus », qui avait débuté dans la nuit de mardi à mercredi dans la prison du Camp-Est de Nouméa, a par ailleurs été « maîtrisé » par les forces de l’ordre, selon la Chancellerie. 

Des renforts policiers en cours d’acheminement

« Plus de 70 policiers et gendarmes ont été blessés », a indiqué le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin lors des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale. Et « 80 chefs d’entreprises ont vu leur outil de production brûlé ou détruit », a-t-il précisé.

Le président de l’Union calédonienne (indépendantiste) Daniel Goa a demandé à la jeunesse de « rentrer chez elle » et condamné pillages et exactions. « Les troubles de ces 24 dernières heures révèlent la détermination de nos jeunes de ne plus se laisser faire par la France », a-t-il toutefois commenté.

La principale figure du camp non-indépendantiste, l’ex-secrétaire d’État Sonia Backès, a, elle, dénoncé le racisme anti-blancs de manifestants qui ont incendié la maison de son père, septuagénaire, exfiltré par le GIGN.

Les premières altercations entre manifestants et forces de l’ordre avaient commencé dans la journée de lundi, en marge d’une mobilisation indépendantiste contre la réforme constitutionnelle.

Dans la crainte d’un enlisement, des éléments du GIGN, du RAID (son équivalent pour la police), quatre escadrons de gendarmes mobiles et deux sections de la CRS 8, une unité spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines, ont été mobilisés.

Des renforts étaient en cours d’acheminement dans l’archipel, a annoncé Gérald Darmanin. 50 membres du GIGN, unité d’élite de la gendarmerie, vont être envoyés d’ici la fin de la semaine, a précisé une source proche du dossier à l’AFP, en plus des 15 membres déjà arrivés en renfort mardi. Ce qui portera au total à une centaine les effectifs du GIGN présents sur l’île.

Reuters

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