En 2022, près de 85.000 personnes ont été hospitalisées au moins une fois, en médecine et chirurgie ou en psychiatrie, en lien avec un geste auto-infligé.
Nouvelle illustration d’une dégradation de la santé mentale des jeunes. Selon une étude publiée jeudi 15 mai par la Drees (Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques), les hospitalisations pour tentative de suicide ou automutilation ont progressé « de façon brutale et inédite » chez les adolescentes et les jeunes femmes en une quinzaine d’années.
« En cohérence avec les observations de terrain et les résultats d’enquête alertant sur une dégradation de la santé mentale des adolescentes et des jeunes femmes, le taux d’hospitalisation pour geste auto-infligé progresse de façon brutale et inédite dans cette population », constatent ces travaux en colalboration avec Santé publique France, qui portent sur la période 2007-2022.
En 2022, près de 85.000 personnes ont été hospitalisées au moins une fois, en médecine et chirurgie ou en psychiatrie, en lien avec un geste auto-infligé (tentative de suicide, scarifications, brûlures, coups contre un mur…).
Près de deux sur trois (64%) étaient des filles ou femmes.
Les habitants des communes plus défavorisées étaient aussi plus touchés. Commencée entre 2015 et 2019, avant la pandémie de Covid, la progression des hospitalisations d’adolescentes et jeunes femmes s’est interrompue en 2020, avant de repartir en 2021 de façon « nettement plus importante », retrace le service des statistiques des ministères sanitaires et sociaux.
En 2022, les niveaux se sont stabilisés comparé à 2021 chez les 10-14 ans et ont continué à augmenter chez les 15-24 ans « de façon moins marquée ».
Envolée en psychiatrie
En médecine et chirurgie, la moyenne des taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé a progressé de 71% en 2021-2022 comparé à 2010-2019 chez les filles de 10-14 ans, de 44% pour les 15-19 ans, de 21% chez les 20-24 ans.
L’envolée en psychiatrie a été encore plus importante: +246% pour les 10-14 ans, +163% pour les 15-19 ans, +106 % pour les 20-24 ans.
Deux tiers des hospitalisations des adolescentes et jeunes femmes pour geste auto-infligé sont liées à des intoxications médicamenteuses volontaires, devant des lésions infligées par un objet tranchant et des gestes encore plus violents.
Tentatives de suicide
Pour 2023, d’autres données montrent qu’en médecine et chirurgie, les hospitalisations ont encore augmenté pour les patientes de 10 à 14 ans et de 20 à 24 ans, mais se sont tassées près du niveau de 2022 pour les 15-19 ans.
En psychiatrie, la hausse s’est poursuivie, mais pour toutes les classes d’âge et les deux sexes, pouvant découler « pour partie d’une amélioration du codage statistique dans ces établissements », selon la Drees.
Pas de « pendant masculin »
À l’inverse, ces hospitalisations ont baissé en continu depuis 2010 chez les hommes et femmes de 30-55 ans, comme par « un effet de génération des personnes nées dans les années 1970 et 1980, qui feraient moins de passages à l’acte que leurs aînés aux mêmes âges », pointe la Drees.
Chez les garçons et jeunes hommes de 10-24 ans, ces hospitalisations ont connu une stabilité sur une quinzaine d’années à des niveaux bien inférieurs à ceux des jeunes filles.
Et il n’y a pas eu d’augmentation particulière des hospitalisations liées à des comportements à risque (agressions physiques, accidents de transport, prises de toxiques), possible « pendant masculin à l’augmentation des gestes auto-infligés chez les filles ».
Un conseil national de la refondation (CNR) sur la santé mentale, promis par Emmanuel Macron, aura lieu en juin et juillet, avec « une attention particulière portée à la santé mentale des jeunes », a indiqué début mai le ministère délégué à la Santé.
AFP