Des motifs simples et des contrastes élevés : dans les premiers mois de vie, les bébés préfèrent regarder des éléments peu compliqués de leur environnement.
On essaie de leur montrer toutes les merveilles du monde et pourtant, ils regardent les murs, les lampes ou un coin du plafond… Les nourrissons et les jeunes bébés semblent fascinés par certains détails, qui nous semblent à nous, adultes, complètement insignifiants. A l’instar du goût qui se développe peu à peu, le sens de la vue se formerait progressivement après la naissance. C’est ce que suggèrent des travaux publiés dans la revue Science Advances.
Une horloge au mur, le ciel ou la moquette
Chez les mammifères, le cortex visuel permet, aux premiers stades du développement, de distinguer des contours. Pour distraire les tout-petits, il existe par exemple des images à haut contraste, en noir et blanc, qu’ils arrivent particulièrement bien à voir. Mais comment les bébés passent-ils des images simples comme celles-ci à la richesse visuelle du monde qui nous entoure ? A cette question, la science n’avait jusque-là que très peu de réponses.
Lors d’études en laboratoire, quand on leur présente deux images côte à côte, les jeunes enfants regardent systématiquement plus longtemps les images à fort contraste, avec peu de contours.
Mais est-ce que cela reflète vraiment ce qu’ils préfèrent dans la vie courante ? Et sont-ils vraiment capables, alors qu’ils sont limités dans leurs mouvements, de regarder ce qui leur plaît ? Pour en avoir le cœur net, une équipe de l’Indiana University a équipé dix bébés âgés de 3 à 13 mois d’une caméra frontale. Les parents, eux aussi, ont été équipés du même dispositif. Le but : comparer ce que l’adulte et l’enfant voient.
Les 70 heures de vidéo enregistrées montrent de grandes différences entre la direction du regard des bébés et celle des adultes : les petits préfèrent les images avec des motifs simples et des contrastes très marqués.
Quand l’adulte regarde une table avec des pots de fleurs et différentes plantes, l’enfant, lui, se concentre sur la lumière au plafond. Quand l’adulte regarde là où il marche, une ombre d’arbre par terre ou une table avec une tasse, le bébé, lui préfère une montre au mur, le ciel, ou encore la moquette.
La vue, un sens qui se raffine
Pour compléter ce petit échantillon de bébés américains de l’Indiana, l’équipe a reproduit la même expérience de l’autre côté du globe, dans le ville de Chennai en Inde, où l’accès à l’électricité est réduit et où la vie quotidienne se passe en grande majorité à l’extérieur.
Sur les enregistrements, les chercheurs ont retrouvé bien moins d’éléments architecturaux comme des cadres de porte ou des ampoules. Mais les plus jeunes bébés ont montré la même tendance à se concentrer sur des motifs et des contours simples.
L’autrice principale, Linda Smith professeure en psychologie et en sciences cognitives, suppose que non seulement les enfants tournent la tête vers ce qui leur convient le plus, mais qu’en plus, les parents ont aussi tendance à les mettre devant ce qu’ils aiment observer.
« On peut acheter des livres à haut contraste pour les nourrissons. Mais ce que ces travaux montrent, c’est que les enfants arrivent à trouver ce type d’image tout autour d’eux dans leur vie quotidienne, en regardant simplement les lampes ou les coins de plafond’, commente-t-elle.
Finalement, comme le goût ou le développement moteur, la finesse de la vue se construirait petit à petit chez les petits bébés. « Comme pour les repas, les nourrissons ne commencent pas avec des menus riches et complexes comme de la pizza, mais plutôt avec des éléments simples et adaptés à leur développement. »
A l’âge où ils mangent encore de la purée de carottes, les bambins préfèrent se concentrer sur des éléments simples de la vision.
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