Paris– Souvent dans l’ombre, Marie-France Garaud, décédée le 22 mai à l’âge de 90 ans, fut la conseillère de Georges Pompidou et l’éminence grise de Jacques Chirac, exerçant une influence déterminante durant son ascension politique dans les années 70.
Lors de la présidentielle 2017, cette gaulliste historique, farouche opposante à l’Europe de Maastricht, a apporté son soutien à Marine Le Pen avant le second tour.
Une sortie remarquée pour une femme implacable, longtemps restée méconnue du grand public, malgré sa longue carrière dans les allées du pouvoir.
Lors de la présidentielle de 1981, elle apparaît sur le devant de la scène – pour y défendre un « réarmement moral » de l’Occident – mais n’obtient que des miettes (1,32%).
« Le pouvoir politique, je ne l’ai pas exercé, peut-être ai-je eu de l’influence ? », disait, faussement humble, cette virtuose de la politique politicienne à l’impeccable chignon et aux stricts tailleurs Chanel.
« Elle a beaucoup compté, elle a beaucoup blessé », écrit en 1982 le journaliste Alain Duhamel, en référence à la période 1967-1979 où elle exerça ses talents, à Matignon et à l’Elysée, de conseillère à la dent dure, affublée de surnoms tels que « la poigne de velours », « Richelieu en jupons », « la tsarine » ou « Cruella ».
Née Marie-Françoise Quintard le 6 mars 1934 à Poitiers (Vienne), cette fille d’avoué va devenir avocate au barreau de Poitiers, dès l’âge de 20 ans.
Trois ans plus tard, elle est attachée juridique au ministère de la Marine puis attachée parlementaire de Jean Foyer au ministère de la Coopération (1961-62) et au ministère de la Justice (1962-1967).
Admirée et crainte
Conseillère technique de Georges Pompidou, à Matignon puis à l’Elysée (1967-1974), elle est alors, comme l’écrit le magazine Newsweek « la femme la plus puissante de France ». Avec Pierre Juillet, gaulliste sourcilleux, elle forme un tandem admiré et craint, qui fait et défait les carrières.
Marie-France Garaud vit la mort de Georges Pompidou, en 1974, comme un drame. Hostile à Jacques Chaban-Delmas, jugé trop réformiste, elle contribue à sa défaite en se rapprochant de Jacques Chirac, qui devient Premier ministre du nouveau président Valéry Giscard d’Estaing.
Deux ans plus tard, elle le pousse à démissionner avec éclat puis à fonder le RPR. Mme Garaud inspire le fameux « appel de Cochin » du 6 décembre 1978, lancé par M. Chirac de son lit d’hôpital, violent réquisitoire anti-giscardien et anti-européen.
En 1979, M. Chirac se sépare d’elle. Son épouse, Bernadette, ne supportant plus son emprise sur son mari, disait: « elle utilise les gens puis les jette. Moi, elle me prenait pour une parfaite imbécile ».
Mais Marie-France Garaud accuse l’ancien Premier ministre d’abandonner la défense de la souveraineté nationale et de manquer de vigueur pour définir « une ligne fixe ». « Juillet et moi, avions taillé un habit trop grand pour lui », dira-t-elle, toujours cinglante.
En 1982, alors qu’elle ménage François Mitterrand, elle crée et dirige l’Institut international de géopolitique.
Obsédée par le danger soviétique, opposée à la cohabitation, Marie-France Garaud perd alors son influence à droite. La campagne contre le traité de Maastricht en 1992 lui permet de se refaire une santé politique auprès de Charles Pasqua, Philippe Séguin et Philippe de Villiers.
Elle soutient ce dernier à la présidentielle de 1995. Engagée avec Charles Pasqua contre le traité d’Amsterdam, elle est élue députée européenne en 1999 (jusqu’en 2004).
Elle était depuis de plus en plus rare dans les médias, malgré quelques interventions pour afficher ses opinions souverainistes, puis un entretien au Figaro fin avril 2017 pour soutenir Marine Le Pen et appeler à sortir la France de l’Union Européenne.
Conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, Marie-France Garaud avait épousé l’avocat Louis Garaud, décédé en 2001, avec qui elle avait eu deux fils.
En juin 2020, elle avait été portée disparue avoir avoir quitté son domicile poitevin à bord de son véhicule 4×4.
Après une nuit et une matinée de recherches par plus d’une trentaine de gendarmes, elle avait été retrouvée marchant à pied à une quarantaine de kilomètres, son entourage évoquant alors des « problèmes d’orientation » de l’octogénaire.
AFP