Garry Conille, un technocrate à la carrière internationale pour tenter de sortir Haïti du marasme

Haïti a enfin un nouveau Premier ministre. Deux mois et demi après la démission forcée d’Ariel Henry, Garry Conille a été nommé mardi 28 mai 2024 par le Conseil présidentiel de transition (CPT). Ce médecin de formation, actuellement directeur régional de l’Unicef pour l’Amérique latine et les Caraïbes, a fait l’essentiel de sa carrière aux Nations unies. C’est, donc, un profil international qui a été retenu pour relever un défi d’ampleur : arrêter la descente aux enfers d’Haïti.

Garry Conille est bien connu des Haïtiens. Ce gynécologue de 58 ans a déjà été Premier ministre pendant huit mois, entre 2011 et 2012. Un mandat écourté en raison de différends avec le président de l’époque, Michel Martelly, et les membres de son propre gouvernement. Aujourd’hui, c’est une tâche colossale qui l’attend.

Le nouveau Premier ministre de transition prend la tête d’un pays « au bord de devenir un État défaillant », selon les termes employés récemment par le secrétaire d’État américain Antony Blinken.

Mais Garry Conille dispose d’une solide expérience. Ce spécialiste du développement et de l’aide humanitaire a fait la majeure partie de sa carrière au sein des Nations unies. Il a notamment travaillé aux côtés de l’ancien président américain Bill Clinton, envoyé spécial de l’ONU pour Haïti au lendemain du dramatique tremblement de terre de 2010.

Il a également occupé des postes dans plusieurs pays d’Afrique.

Il maîtrise, donc, parfaitement les codes de la diplomatie internationale et devrait pouvoir compter sur de nombreux soutiens à l’étranger, à commencer par les États-Unis qui ont poussé au déploiement d’une force internationale pour aider la police haïtienne. Déploiement qui se fait toujours attendre.

L’homme de Washington ?
Faut-il voir dans sa nomination l’influence de Washington ? C’est une évidence, pour le politologue haïtien Jacques Nési, membre du Laboratoire caribéen de sciences sociales, qui parle même d’« un choix délibéré imposé par les États-Unis ».

Face aux atermoiements et aux luttes internes qui minent le Conseil présidentiel de transition depuis son entrée en fonction, il y a plus d’un mois, « on peut dès lors penser que l’international aurait d’abord fait confiance à quelqu’un du sérail et qui vient des États-Unis et comprendrait mieux les relations entre Haïti et les autres acteurs internationaux », explique Jacques Nési.

Une analyse que nuance Diego Da Rin, consultant pour l’International Crisis Group, qui relève que le profil de Garry Conille correspond en tout cas au portrait du Premier ministre idéal dressé par l’ambassade des États-Unis en Haïti.

Vendredi dernier, dans un message, elle indiquait attendre avec « impatience un processus transparent qui permettra à Haïti d’avoir un Premier ministre et un gouvernement de transition sélectionnés sur la base du mérite technique et de l’impartialité ».

« Garry Conille est un technocrate qui a une longue expérience dans la coopération internationale, qui a l’habitude de traiter avec des gouvernements, des bailleurs de fonds, la société civile et des acteurs privés », détaille Diego Da Rin.

Autant de compétences qui pourraient lui permettre de relever les défis qui s’imposent à lui. Rétablir l’ordre est la priorité absolue alors que les gangs contrôlent presque toute la capitale, sèment la terreur et désorganisent une bonne partie du pays. Pénurie de nourriture, de médicaments et d’autres produits de première nécessité… la population est confrontée à une grave crise humanitaire.

Le système de santé est « au bord de l’effondrement », alertait l’Unicef, la semaine dernière. Garry Conille doit également relancer l’économie du pays et organiser des élections d’ici à 2025. Cela fait huit ans que les Haïtiens n’ont pas été convoqués aux urnes.

Ramener le calme et former un gouvernement
Pour mener à bien tous ces chantiers, Garry Conille va d’abord devoir constituer un gouvernement et la tâche s’annonce ardue. Le nouveau Premier ministre a été désigné à l’unanimité des six membres du Conseil présidentiel de transition présent lors du vote hier. « Il ne semble pas avoir été imposé par un secteur particulier », explique Diego Da Rin.

Reste que chaque groupe va vouloir obtenir sa part du gâteau.

« Les postes de ministres et certains postes clefs au gouvernement sont très convoités par les membres du CPT. Il faut s’attendre à de nouvelles disputes entre eux », prédit l’expert. « En Haïti, occuper un poste ministériel s’assimile assez souvent à l’accumulation de richesses.

Or, tous ces acteurs politiques ou ces clans qui sont au sein du Conseil présidentiel vont concourir aux prochaines élections, et ont donc besoin de nouvelles ressources pour y participer », complète Jacques Nésy.

« La difficulté pour Garry Conille est de laisser place soit à ces acteurs politiques, soit de faire appel à des gens de la société civile (…) compétents, honnêtes, patriotes », estime le politologue haïtien.

rfi

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