Près de 200 ONG géorgiennes ont annoncé mercredi qu’elles refuseraient d’obéir à la loi sur l' »influence étrangère », adoptée la veille à l’initiative du parti au pouvoir malgré des semaines de manifestations dans ce pays du Caucase.
« La loi russe ne marchera pas dans notre pays et restera une feuille de papier vide à laquelle personne n’obéira », ont assuré mercredi près de 200 ONG dans un communiqué commun, défiant le gouvernement.
Cette loi, jugée liberticide par ses détracteurs et dénoncée par les Occidentaux, divise profondément la société géorgienne.
Depuis début avril, les manifestations d’opposants au texte se sont enchaînées, rassemblant plusieurs fois des dizaines de milliers de personnes.
Inspiré, selon l’opposition, d’une loi russe utilisée par le Kremlin pour persécuter les dissidents, le texte impose aux ONG et médias recevant au moins 20% de leur financement de l’étranger de s’enregistrer en tant qu' »organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère » et de se soumettre à un strict contrôle administratif.
Le parti au pouvoir du « Rêve géorgien », qui assure que la législation vise uniquement à garantir plus de « transparence », a fait adopter définitivement le texte lors d’un vote au Parlement mardi, passant outre le veto opposé par la présidente pro-européenne Salomé Zourabichvili.
Mais plusieurs organisations, parmi lesquelles la branche géorgienne de Transparency International, ont dit à l’AFP s’attendre à ce que leurs actifs soient gelés et leur travail entravé après l’entrée en vigueur de la loi.
« Loi malveillante »
Dans leur communiqué mercredi, les ONG ont notamment affirmé que la loi « met en danger la surveillance des élections » législatives prévues en Géorgie en octobre.
« Mais nous, organisations civiles géorgiennes, promettons de défendre les élections et la voix de chaque électeur », ont-elles assuré.
« Le Rêve géorgien crée un système de gouvernance dépourvu de médias critiques ou de groupes civils capables de s’élever contre le recul démocratique en général et les violations électorales en particulier », a fustigé Eka Gigauri, directrice exécutive de Transparency International-Géorgie.
Selon elle, « ce texte de loi malveillant doit être supprimé immédiatement, car il viole directement le droit à la liberté d’association ».
Elle a aussi appelé le pouvoir à mettre fin à une « campagne d’intimidation et de violence contre la société civile géorgienne ».
Alors que la loi faisait son chemin au Parlement, des dizaines d’employés d’ONG de premier plan ont affirmé avoir été la cible d’appels téléphoniques et d’affiches insultantes.
Plusieurs personnalités de l’opposition ont aussi affirmé avoir été agressées par des inconnus qu’ils accusent d’être liés au parti au pouvoir.
Aspirations européennes
Nona Kourdovanidzé, présidente de l’association de défense des droits GYLA, basée à Tbilissi, a estimé que « la loi est inconstitutionnelle et stigmatise les ONG ».
« Il est également inacceptable d’obéir à une loi qui, comme l’a dit Bruxelles, va à l’encontre de la voie européenne de la Géorgie », a-t-elle déclaré à l’AFP.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a dit mardi « profondément regretter » l’adoption définitive de la loi, appelant ce pays du Caucase à « revenir fermement sur la voie de l’UE ».
Washington, par la voix du porte-parole du département d’Etat, a aussi « condamné » un vote ignorant « les aspirations euro-atlantiques du peuple géorgien ».
Bien que la Géorgie soit officiellement candidate à l’UE depuis décembre 2023, et que le Rêve géorgien soutienne formellement l’objectif inscrit dans la Constitution de rejoindre un jour l’UE et l’Otan, ce parti, au pouvoir depuis 2012, a multiplié les mesures qui selon ses détracteurs rapprochent le pays de Moscou.
Mardi, des milliers de personnes, comme à de nombreuses autres reprises au cours des semaines précédentes, sont descendues dans les rues de Tbilissi pour protester devant le Parlement.
AFP